Le chef du gouvernement a annoncé vendredi dernier qu'il ne comptait pas démissionner, et qu'il s'emploiera à trouver une solution à travers le dialogue avec le chef de l'Etat. Le blocage politique au sommet de l'Etat se poursuit en Tunisie après le rejet par le président Kaïs Saïed de la liste du gouvernement présentée par Hichem Mechichi, dont certains membres sont soupçonnés de corruption et de conflit d'intérêt. Une rupture entre les deux hommes qui met le pays dans une impasse politique. Pour mettre fin à ce blocage, l'ancien président de l'Ordre national des avocats de Tunisie, Mohamed Fadhel Mahfoudh, a proposé la création d'un comité d'arbitrage sur fond de crise "institutionnelle et constitutionnelle" déclenchée après le remaniement ministériel annoncé en janvier dernier en l'absence d'un tribunal constitutionnel, selon les médias locaux Cette démarche intervient alors que les nouveaux ministres n'ont à ce jour pas été invités à une cérémonie de prestation de serment devant le président du pays, Kaïs Saïed, qui a émis des réserves sur la "constitutionnalité" du remaniement et dénoncé "des violations" par le recours à des textes "inférieurs" à la Constitution, notamment le règlement intérieur du Parlement. Ce remaniement serait surtout destiné, selon lui, à complaire aux partis majoritaires à l'ARP, notamment le mouvement Ennahda de Ghannouchi. Il estime aussi que 4 des membres désignés au gouvernement sont soupçonnés de corruption et de conflit d'intérêts. Le chef du gouvernement Hichem Mechichi a alors porté ce différend devant l'instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, une instance judiciaire provisoire dirigée par le président de la Cour de cassation, créée en 2014, en remplacement du Conseil constitutionnel dissous. Une instance qu'il a sollicité pour donner un second avis au sujet du refus du président de la République de valider le remaniement. Dans une correspondance adressée en date du 10 février à l'instance chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois, M. Mechichi a, en effet, sollicité une consultation portant sur le problème juridique issu du refus du président Kaïs Saïed d'organiser le prestation de serment de 4 des 11 membres du nouveau gouvernement et de publier le décret de leur prise de fonctions. Cependant, il est attendu que le comité provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi réponde au chef du gouvernement par son "inaptitude à examiner les prérogatives des deux exécutifs", compte tenu du fait qu'il est habilité à trancher la constitutionnalité des projets de loi, plus que la crise entre le chef du gouvernement et le président de la République et la différence de points de vue entre les experts. M. Mechichi avait auparavant entrepris une démarche similaire auprès du tribunal administratif pour le même objet, mais dont la réponse 11 février 2021 était aussi loin d'être conforme à ses attentes. L'instance en question a renvoyé le demandeur vers la cour constitutionnelle qui serait plus habilitée en matière de contrôle de la Constitution. Dans une première tentative de tirer à son avantage le bras de fer avec le président Kaïs Saïed, le chef du gouvernement avait sollicité et obtenu un vote de confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), le 26 janvier, cela n'a pas pour autant fait fléchir le président tunisien qui a fait du rejet des 4 ministres une condition sine qua non pour la prestation de serment du gouvernement. Le chef du gouvernement, qui avait aussi appelé le premier responsable du pays à lui faire part de la liste des ministres contestés, s'est toutefois montré déterminé à ne pas céder d'un iota devant les injonctions du président. Lequel, en vertu du régime parlementaire en vigueur dans le pays, n'a de mot à dire qu'au sujet des portefeuilles des affaires étrangères et de la défense, qui demeurent inchangés dans le remaniement du 16 janvier. Le chef du gouvernement a annoncé vendredi dernier qu'il ne comptait pas démissionner et qu'il s'emploiera à trouver une solution à travers le dialogue avec le chef de l'Etat à ce propos. Cependant, cette attitude est mal perçue par les Tunisiens, qui font confiance plus à Kaïs Saïed contrairement à Ghannouchi, au vu du prix social du blocage institutionnel sur la stabilité d'un pays en proie déjà à une crise économique et sanitaire, et sur la vie quotidienne des citoyens qui ont souvent recours aux manifestations pour protester contre la cherté de la vie, le chômage et l'absence des services publics.