La Haute-Commissaire aux droits de l'Homme Michelle Bachelet a appelé, dans un rapport publié lundi, les Etats à prendre des «mesures immédiates» pour démanteler le racisme systémique dont sont victimes les personnes d'ascendance africaine. «Je demande à tous les états de cesser de nier le racisme et de commencer à le démanteler, de mettre fin à l'impunité et d'instaurer un climat de confiance, d'écouter les voix des personnes d'ascendance africaine, d'affronter les séquelles du passé et d'offrir des réparations», a-t-elle dit dans le rapport demandé par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Selon elle, «seules les approches qui s'attaquent à la fois aux lacunes endémiques des forces de l'ordre et au racisme systémique - et à ses origines - rendront justice à la mémoire de George Floyd (l'Afro-Américain tué par un policier blanc) et de tant d'autres dont la vie a été perdue ou irrémédiablement affectée». «Le statu quo est inacceptable», a encore déclaré Mme Bachelet, appelant à «prendre des mesures immédiates et transformatrices pour éradiquer le racisme systémique dont sont victimes les personnes d'ascendance africaine». Pour l'ancienne présidente chilienne, il s'agit d'adopter une approche globale et non pas fragmentaire pour démanteler des systèmes ancrés dans des siècles de discrimination et de violence. Le 25 juin, Derek Chauvin, le policier qui avait asphyxié et tué George Floyd, a été condamné à 22 ans et demi de prison. Le Conseil des droits de l'Homme avait chargé l'année dernière Mme Bachelet de se pencher sur le racisme systémique après le meurtre de George Floyd et les manifestations de masse du mouvement Black Lives Matters qui ont suivi dans le monde entier. Les équipes de Mme Bachelet ont donc examiné 190 décès de personnes d'ascendance africaine dans le monde, attribués aux forces de l'ordre. Le personnel du HCDH a aussi dialogué avec les proches de sept victimes, dont ceux de George Floyd ou du Français Adama Traoré. Il a également discuté avec 340 personnes et les représentants de 110 Etats. Lors de l'examen des décès imputables aux forces de l'ordre dans différents pays dotés de systèmes juridiques variés, le rapport a constaté des tendances et des «similitudes frappantes», notamment en ce qui concerne les obstacles que rencontrent les familles pour accéder à la justice. Les personnes d'ascendance africaine et leurs proches subissent «un impact disproportionné et discriminatoire» des forces de l'ordre et de la justice, a affirmé la Haute-Commissaire dans son rapport. Elles sont notamment ciblées lors de délits mineurs, de contrôles et d'interpellations mais aussi d'actions sur la santé mentale et de dispositifs antidrogue. Dans la plupart des cas, les personnes tuées ne constituaient pas de menaces pour la police, selon la même source. Le rapport fait également mention d'inquiétudes face à «l'excès de surveillance policière à l'égard des personnes et des populations noires. Ce qui les fait se sentir davantage menacées que protégées», citant comme problème majeur le fait de traiter les enfants comme des délinquants. Ce racisme systémique se traduit aussi, pour les populations d'ascendance africaine, par «une marginalisation économique et politique». «Les personnes d'ascendance africaine n'ont pas le même accès que les autres à l'éducation ou à des soins de santé de qualité, ou se retrouvent sous-représentées dans la société», note le rapport du HCDH qui exhorte les Etats à «adopter des mesures mobilisant l'ensemble des pouvoirs publics, avec des plans dotés de ressources suffisantes». Et pour y arriver,poursuit Mme Bachelet, «les Etats doivent faire preuve d'une plus forte volonté politique pour accélérer l'action en faveur de la justice, de la réparation et de l'égalité raciales, en prenant des engagements spécifiques et limités dans le temps pour obtenir des résultats». Sur un autre plan, Mme Bachelet a appelé le Conseil des droits de l'homme à «instaurer un mécanisme spécifique limité dans le temps ou de renforcer un mécanisme existant en vue de promouvoir la justice et l'égalité raciales dans le contexte de l'application de la loi partout dans le monde». APS