Sans les têtes d'affiche LeBron James, Kevin Durant ou Stephen Curry, la finale NBA entre Phoenix et Milwaukee fait moins de bruit, mais c'est aussi un appel d'air inattendu pour la Ligue nord-américaine. Tout était prêt pour un duel bourré de stars entre Los Angeles Lakers et Brooklyn Nets, à même de doper cette fin de Championnat, après une année 2020 à oublier, sous le signe de la pandémie. Mais Suns et Bucks se sont invités à la fête, bien aidés par une vague de blessures sans précédent, imposant une affiche qui en a fait fuir plus d'un. Pour la première fois depuis 11 ans, ni James ni Curry ne sont en finale. Après quatre rencontres (le cinquième match a lieu samedi à Phoenix), les audiences aux Etats-Unis sont à peine supérieures à celle de l'édition la moins regardée de l'histoire de la NBA (hors 2020), le Spurs-Cavaliers de 2007. Le calendrier décalé, qui pousse fin juillet une finale qui se conclut ordinairement début ou mi-juin, rend les comparaisons compliquées. «Jouer au basket-ball ou au hockey (la finale NHL s'est achevée le 7) en juillet, ce n'est pas normal», fait valoir Joe Favorito, spécialiste de marketing sportif qui enseigne à l'université Columbia. «Les gens ne sont pas devant leur écran lorsqu'ils peuvent être dehors.» Il souligne aussi que mesurer l'audience d'un Championnat au public mondial, doté de mille et un moyens de visionnage, en utilisant des chiffres de postes allumés aux Etats-Unis n'a pas grand sens. «Nouvelles superstars» Pour autant, il suffit de scruter les réseaux sociaux pour confirmer que l'engouement n'est pas le même que les années précédentes, en excluant la parenthèse 2020. «Les grosses audiences s'appuient sur les fans du dimanche qui ne regardent pas vraiment le basket-ball» d'ordinaire, regrette un internaute sur la plateforme Reddit. «Dans leur cerveau, ils n'ont la place que pour LeBron et Steph, c'est tout.» Or, il est possible que d'ici trois ou quatre ans, la plupart des légendes actuelles de la Ligue, James (36 ans aujourd'hui), Curry (33), Durant (32), voire James Harden (31) ou Kawhi Leonard (30) aient raccroché. «Quand vous avez des équipes non traditionnelles, avec lesquelles les gens ne sont pas familiers, les audiences peuvent chuter, mais de nouvelles superstars sont couronnées», fait valoir Rick Burton, professeur de gestion du sport à Syracuse. Durant les années 2000, la NBA a connu plusieurs finales catastrophiques en terme d'audience, souvent avec les San Antonio Spurs et leur image austère, ou les Detroit Pistons et leur défense qui ne séduisait pas le grand public. Cela n'a pas empêché la Ligue d'augmenter chaque année son chiffre d'affaires, sans discontinuer. En cours de route, la NBA a achevé de transformer ses règles pour devenir une Ligue entièrement tournée vers l'attaque et le spectacle, qui offre aujourd'hui un piédestal à sa nouvelle génération de talents. Tous les matchs de la finale ont jusqu'ici été de bonne tenue (égalité 2 victoires partout pour l'instant), avec des rebondissements et des actions d'éclat, comme ce contre titanesque de Giannis Antetokounmpo sur le pivot de Phoenix Deandre Ayton. «Une histoire géniale» Déjà sacré double meilleur joueur du Championnat en 2019 et 2020, Antetokounmpo (26 ans seulement) n'avait pas jusqu'ici le statut de ses glorieux aînés. La finale le fait entrer dans ce cercle restreint, grâce à son abattage colossal (deux matchs à 42 et 41 points). Dans une moindre mesure, l'arrière des Suns Devin Booker (24 ans) tutoie désormais les sommets, avec ses 42 points du match 4. «Chaque Ligue doit chercher à garder le lien avec ses fans existants, et à en établir un avec les nouveaux», résume John Sweeney, professeur de sport et communication à l'université de Caroline du Nord (UNC). «Les stars sont un moyen» d'y parvenir, tout comme «les histoires» des joueurs ou des équipes, dit-il. «Giannis a une histoire géniale», Grec, fils d'immigrés nigérians, arrivé aux Etats-Unis à 18 ans, peut-être la première vedette totalement globale du basket-ball, chez lui sur trois continents. «Je suis sûr que la NBA va trouver la prochaine formule», celle de l'ère post-LeBron, assure Sweeney. Ils ne sont pas en finale cette année, mais Nikola Jokic (26 ans), Luka Doncic (22), Trae Young (22) ou Jayson Tatum (23) évoluent tous dans des équipes compétitives. «La NBA est une Ligue de stars», rappelle Joe Favorito, «et le développement d'une étoile, ça prend du temps», même s'il faut se priver temporairement de quelques téléspectateurs.