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Constantine en 2015 : une esbroufe politique et le pillage collectif des VIP
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 08 - 2021

Victime d'une étouffante canicule mais également d'un Covid mal soigné, la reprise de la « Lettre de province » ne pourra a priori pas se soumettre à l'exigeante actualité comme elle s'était régulièrement préoccupée auparavant. Encore que, même si nous étions implicitement attirés par la relecture d'un vieux dossier concernant une drôle de promotion décernée à la ville de Constantine pour son imaginaire rayonnement culturel et estampillé exclusivement par la langue arabe ; néanmoins, nous nous efforcerions de ne pas nous limiter aux controverses stricto sensu alimentées par des artifices littéraires n'appartenant pas à cette cité.
Car, derrière les rideaux des manifestations que l'on programma en 2015, l'on avait découvert que des centaines de milliards avaient transité des comptes de l'Etat vers des réseaux douteux entretenus par l'administration locale (la wilaya). De même, le Constantine des arts et lettres « apprécia » en grimaçant le monopolisme de quelques dizaines de faux imprésarios auxquels la bureaucratie d'Etat accorda des passavants les autorisant à rafler prioritairement le meilleur des affiches.
C'était, par conséquent, les scandaleux pillages qui en résultèrent après le passage de cette ridicule année clôturée en avril 2015, lesquels furent enfouis sous le tapis de la « république des juges ». D'ailleurs, l'opinion s'était même fait une raison de vaincue à tel point qu'elle demeura dubitative face aux promesses qui lui étaient serinées par la suite. C'est-à-dire tout au long des six années qui l'ont séparée des récentes révélations dont seuls quelques journaux ont récemment livré quelques explications.(1)
À ce propos, sans être ponctuée par des fakenews, la nouvelle littérature de nos journaux naviguait tout de même dans le formalisme procédural lequel, justement, laisse surtout de marbre tous ceux qui, par expérience, n'ignoraient pas que le « commerce » des célébrations octroyées par des institutions internationales est avant tout des transactions médiatico-politiques dont les coûteuses factures sont « honorées » fatalement par les Etats corrompus. Dire autrement les choses, l'Algérie, crépusculaire sous le règne de Bouteflika, n'a-t-elle pas abrité par trois fois les « loukoums » sirupeux de la Ligue arabe et le sommet islamique ? Une première fois pour pomper l'argent local à Alger, la seconde pour faire le même job à Tlemcen et enfin celle de Constantine où dans le « pire l'on a été les meilleurs » ! En somme, il s'était tout simplement agi d'un facétieux « conte arabe » calligraphié au calame des dirigeants qui prétendirent parvenir à doter cette province d'un statut hors norme alors que les anthologies littéraires de la culture arabe ne signalent qu'un obscur auteur constantinois du nom de Abdelkrim Akkoum.(2) Comme quoi cette opération sur les bords du Rhumel sentait, dès les premiers jours, le soufre de la démagogie et la prédation des deniers publics selon les mêmes modes opératoires ayant prévalu à Alger (2007) et Tlemcen (2011).
Constantine avec sa médina défigurée et sa culture approximative fut donc « invitée », à l'insu même des élites universitaires que l'on n'a pas consultées auparavant, à assumer un blason surfait que la ruse politique du pouvoir l'avait aussitôt qualifiée qu'elle était le symbole de la Nahda algérienne. Pourtant, ni cette dernière ni toute la citadinité du pays n'avaient besoin des fausses quêtes de reconnaissance alors que la totalité des espaces de la culture sont dans un état déplorable. Pour mieux le constater, contentons-nous d'ailleurs de regarder au plus près le Constantine en question. Car, celle-ci n'est-elle pas, en premier lieu, victime des poncifs de ceux qui en ont fait des talismans à partir de quelques formules incantatoires ne concernant que les odes nostalgiques ? La preuve de tous les regrettables étonnements ne se trouve-t-elle pas dans les avis des voyageurs sincères ? En effet, toutes les fois où l'on a prétendu qu'elle était la « destination culturelle par excellence », le voyageur butait sur le non-sens de cette publicité entre guillemets.
C'est pourquoi il en allait tout autant des idées reçues que les lieux-dits géographiques. Les deux résistent à la réalité faute d'un minimum d'humilité intellectuelle pour tordre le cou aux affirmations péremptoires pour ensuite annoncer que les sites ne sont jamais des sculptures d'artistes mais des remodelages tempétueux de la nature.
De cette absence de regard objectif, cette cité ne persiste à survivre que dans un imaginaire collectif lequel ne serait, au mieux, que la caricature du passé. Il suffit de dégonfler la légende pour constater la qualité dérisoire de son capital culturel. Seulement, le paradoxe politique justifiant coûte que coûte le désir de la promouvoir est qu'il plaide par son mauvais état ! En effet, n'avait-on pas entendu une ministre de la Culture expliquer l'insondable déficit qu'elle traîne en souhaitant que l'opportunité de l'année de grâce 2015 devienne enfin la source de sa restauration architecturale et son redéploiement culturel. Comme s'il était possible d'exhumer un prétendu « âge d'or » d'une cité par la seule magie de l'argent, lequel s'est pourtant évaporé avec les VIP qui surent comment en faire un autre usage à leur profit !
Allons donc à l'essentiel, c'est-à-dire à ce qui s'est caché derrière la frénésie des festoiements aux frais du contribuable et dont la culture nationale n'a tiré aucune plus-value à cette époque. Car, cette ventilation des titres pompeux, qui, durant plus d'un lustre (2007, 2011, 2015), avaient fait de l'Algérie le bailleur de fonds de ces fantomatiques institutions, ne relevait-elle pas de la sordide promotion d'un bouteflikisme sombrant dans la corruptibilité tous azimuts ?! C'est dire que la démultiplication des mêmes formules de plus en plus ridicules d'une opportunité à la suivante n'ont-elles pas accouché, à leur tour, des corrompus indigènes mais de haute voltige. Mieux encore, les critères à l'origine des choix des villes étaient eux-mêmes conditionnés selon les enjeux locaux. C'est ainsi que Constantine hérita de la culture arabe pour attribut alors qu'elle ne pouvait même pas se prévaloir d'un quelconque rayonnement interrégional. À peine si d'anciennes générations l'avaient identifiée comme l'une parmi les leaders de l'enseignement de la langue nationale. En fait, elle n'était qu'une nostalgie inopérante pour son avenir mais enrichissante en dinars pour les imprésarios accrédités.
Bref, « Constantine capitale de la culture arabe » n'a-t-elle pas été une escroquerie savamment imaginée et surtout génialement rémunératrice pour leurs majestés des walis devenus par la suite ministres.
B. H.
(1) Dans son édition du 26 juillet, le quotidien L'expression publiait un article consacré à l'affaire de « Constantine capitale de la culture arabe ».
(2) En référence à la recension destinée à l'anthologie de la littérature arabe, un seul auteur constantinois est retenu parmi les 125, dont 17 Tunisiens et 9 Marocains, alors que l'Algérie ne totalise en tout que 4. Il s'agit de Abdelkrim Akoum né en 1915 et tué au cours de la Révolution en 1959. « D'une solide culture arabe, il a écrit une poésie de forme classique inspirée par les tragiques événements de son époque », notait le collectif animé par Jacques Berque.


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