Véritable sorcier mystique de la musique, Lee «Scratch» Perry est le producteur qui a permis au reggae de conquérir le monde en guidant Bob Marley ou encore Max Romeo. Le reggae vient de perdre son gourou et c'est toute la planète musique qui est en deuil. «Lee ''Scratch'' Perry est mort ce matin alors qu'il se trouvait à l'hôpital Noel Holmes. Il avait 85 ans», a annoncé dimanche le Premier ministre de Jamaïque Andrew Holness. «Sorcier du reggae», «Salvador Dali du dub», «The Upsetter» («L'emmerdeur») : les surnoms ne manquent pas pour cette figure insaisissable. Mystique et excentrique, il est le producteur qui a permis au reggae de conquérir le monde en guidant Bob Marley. Né en 1936 à Kendal, en Jamaïque, Rainford Hugh «Lee» Perry avait quitté l'école à 15 ans avant de s'installer à Kingston dans les années 1960. «L'Afrique dans la musique jamaïcaine» Il est donc celui qui poussa Marley en studio. «Sans lui, Bob Marley serait peut-être resté une flèche orpheline de son arc», écrivit Francis Dordor dans les Inrockuptibles. Perry «réintroduisit l'Afrique dans la musique jamaïcaine. Non seulement la pluralité rythmique mais aussi la résonance culturelle et philosophique». Mais il ne faudrait pas le réduire à ce fait de gloire. Cette frêle silhouette, soufflant de la ganja sur son micro pour en chasser les mauvais esprits avant ses performances, a insufflé nombre de motifs musicaux. «C'est le son de Perry et celui des ''toasters'' (DJ qui prend le micro) jamaïcains qui nous ont inspirés au début du hip-hop», a ainsi admis Afrika Bambaataa, pionnier du rap US. Et certaines des boucles hypnotiques jaillies des consoles de mixage, élevées au rang d'instruments à part entière, de Perry s'entendent dans la techno.» The Clash, Beastie Boys, Moby... L'homme n'en nourrira d'ailleurs aucune rancœur. «Si je frappe mes ennemis, ils continuent de vivre. Parce que je les frappe d'amour», avait-il dit dans une formule cryptique dont il avait le secret, lancée au Temps, journal suisse, pays où il avait fini par s'installer à la fin des années 1990. D'autres artistes ont collaboré au grand jour avec la légende, de The Clash aux Beastie Boys en passant par Moby. Il fallait aussi voir le phénomène parler à une vache dans les environs d'Einsiedeln, son point de chute helvète, dans le documentaire Lee Scratch Perry's vision of paradise signé Volker Schaner. Dans celui-ci, on y admire ses différentes coiffes : des algues ou encore des casquettes surchargées de breloques. Ses chaussures arborent sur un côté un portrait de l'empereur éthiopien Hailé Sélassié, considéré par les rastafaris comme un messie, et recèlent dans une semelle un croquis de la Reine d'Angleterre. Tout un univers, né de son esprit labyrinthique. Un décorum-fatras qui s'est retrouvé dans son mythique studio à Kingston, le Black Ark. Milles vies Qu'est-ce qui l'a conduit derrière des pupitres à façonner des sons ? La légende lui prête mille vies : conducteur de bulldozer, danseur professionnel, joueur de dominos... avant qu'il ne devienne petite main dans des studios d'enregistrement de la capitale jamaïcaine puis fonde son label Upsetter. Un studio qui finira dans les flammes au début des années 1980. Heureusement pour le monde de la musique, il avait eu le temps cinq ans auparavant d'y produire l'album mythique War ina Babylon de Max Romeo. Au reggae maintenant de nous aider à digérer l'annonce de son décès en nous renvoyant au plus vite des Positive vibrations.