L'ennemi public numéro un, le vrai, du pays, de l'Etat, du peuple et de l'armée, ce n'est pas tant le Makhzen et son allié stratégique israélien. Ce n'est également pas Daesh et consorts. Non plus le Covid mutant, le stress hydrique, les incendies de forêt et autres catastrophes naturelles. Le plus grand ennemi, c'est, après tout, la médiocratie qui tient le haut du pavé et le pays en otage. En effet, cette force cyclopéenne s'oppose implacablement à la méritocratie et aux bonnes volontés patriotiques. Et elle bloque, in fine, les réformes de tout ordre, de tout temps et en tout lieu. Cette force tentaculaire et ubiquitaire a été démasquée récemment, et de manière spectaculaire, par le «ministre du bonheur national», Djamel Belmadi. Le sélectionneur des Fennecs, qui symbolise la performance, la rigueur et le dévouement patriotique au service du Bien commun, avait dénoncé, avec des mots-bistouri, l'incompétence, l'irresponsabilité et la médiocrité crasse aux commandes du football national. À l'occasion de sa conférence de presse, à la veille de l'acte un du parcours de qualification au Mondial-2022, coach Belmadi avait fait savoir à la planète entière que l'Algérie ne possède pas de stades et de pelouses dignes de ce nom. De même que sa sélection professionnelle allait jouer sur un surprenant champ de patates son premier match de poule. Une honte absolue ! Autre honte inouïe, l'accueil scandaleux réservé par les officiels concernés à la délégation paralympique pourtant revenue avec de l'or, de l'argent et du bronze des derniers Jeux de Tokyo. Accueil d'autant plus indigne et déshonorant que l'équipe olympique, qui avait pour sa part mérité le bonnet d'âne d'or à Tokyo, avec un zéro pointé sur toute la ligne, avait été en revanche reçue avec beaucoup d'égards, comme si elle avait imposé sa suprématie sportive au monde olympique ! Tragicomique mais absolument scandaleux ! L'impéritie, l'incurie et la médiocrité abyssales ainsi révélées dans le monde du sport ne sont pas exclusives. Ces trois fléaux touchent l'ensemble des démembrements de l'Etat, avec bien évidemment des exceptions. Exceptions qui confirment la règle, celle de la médiocratie présente à tous les carrefours du blocage des initiatives et à tous les croisements du sabotage de toute entreprise. Cette mafia, qui est en réalité la plus grande force agissante dans le pays, utilise la puissance de la force inertielle à défaut d'agir directement pour neutraliser, annihiler et décourager. Bref, détruire. L'intervention salvatrice du patriote compétent Djamel Belmadi a été tout de suite combattue sur les réseaux sociaux, avec une férocité inouïe. Les mouches électroniques du parti de la médiocrité ont alors usé de tous les artifices pour le décrédibiliser, le déstabiliser et, derrière lui, décourager toutes les forces patriotiques compétentes. La rapidité avec laquelle le chef de l'Etat en personne a agi pour couper des têtes de cette hydre du mal est une action inédite, mais de bon aloi. Le niveau hiérarchique dans la haute administration des «guillotinés» nous dit bien des choses sur la capacité de nuisance des représentants du parti de la médiocrité et de la malfaisance antipatriotique. Un secrétaire général de ministère et de surcroît inamovible et intouchable, un directeur central faiseur de rois dans le monde des fédérations sportives, ainsi que des directeurs exécutifs, ce n'est pas négligeable. C'est même un bon signe pour la suite du nécessaire et salvateur processus patriotique de nettoyage des écuries d'Augias de la médiocrité, sœur jumelle de la corruption, dans tous les secteurs de la vie publique, sans aucune exception ! Ce double processus d'élimination de médiocres antipatriotiques et d'injection dans les circuits de patriotes compétents passe inéluctablement par une réforme profonde du Léviathan bureaucratique qu'est l'Administration. «Si nous avions une administration efficace, nous aurions été un pays émergent» : cette profession de foi est de Liès Kerrar, expert financier et président d'Humilis Finance qui sait de quoi il parle. Et il le dit au passé antérieur, manière de souligner que l'ogre bureaucratique est le principal obstacle, le frein permanent qui a empêché et empêche encore l'Algérie de posséder une économie développée et créatrice de richesses. De même qu'un Etat puissant et pas seulement fort de son armée solide et moderne. Dans la bouche de ce fils d'homme d'affaires avisé qui a appris le business grâce à la Chine de Mao et de Deng Xiao Ping, la clé de solution est simple : «Il y a beaucoup de réformes à faire au niveau de l'administration justement pour éviter à l'entreprise la débauche d'énergie qu'engendre le traitement des questions administratives et lui permettre de se consacrer à l'essentiel, l'amélioration de sa compétitivité.» Sa réforme, vaste et profonde, comme le suggère Kerrar, est une priorité nationale absolue. Le premier chantier et le plus urgent à lancer, ici et maintenant et pas plus tard que demain ! Car la force inertielle, le potentiel de blocage et le pouvoir de nuisance de la bureaucratie sont un risque majeur et permanent pour la sécurité nationale. L'affirmer ainsi n'est en quoi que ce soit exagéré. On parle souvent de pouvoir réel, apparent ou occulte. On fantasme beaucoup sur l'influence d'un supposé cabinet noir ou d'un présumé «collège permanent de décideurs». On divague même sur des pouvoirs exorbitants que détiendraient l'armée et la présidence de la République qu'on imagine toutes les deux omnipotentes et omniscientes. Mais on oublie souvent que le vrai pouvoir est celui de ce qu'on appelle en général le Système, avec un grand S. Ce vrai pouvoir, est finalement celui de l'Administration, avec un grand A. Ce pouvoir non apparent, mais bien réel, constitue la première force dans le pays. Gigantesque parti qui gère la rente pétrolière et génère des rentes de situation lucratives. Ce Pouvoir, avec un grand P, est celui d'un monstre maléfique bien concret. Dans la Bible, cette créature démesurée est un stupéfiant colosse, un dragon, un serpent ou un immense crocodile dont la forme est imprécise. Chez le philosophe Hobbes, c'est une métaphore qui désigne l'Etat comme abstraction. En Algérie, l'Etat, c'est surtout l'Administration. La puissance inertielle que ce Léviathan met en action peut empêcher de réformer, de réaliser et d'exécuter, quelle que soit la volonté supérieure qui en est à la base. La vocation première de cette monstruosité est de garantir ses propres intérêts et sa survie. Alors il bloque, retarde, déforme, paralyse, sabote. Bref, met d'autant plus en échec que ses agents agissants sont incompétents, médiocres et corrompus. À l'image du système bancaire qui est un danger pour l'économie nationale du fait de son organisation antédiluvienne favorisant l'inertie et la corruption, l'Administration avec, d'autre part, ses déficits structurels et humains et surtout sa mentalité sclérosée, est une véritable calamité. On ne le répétera jamais assez. Sempiternel et triste constat, l'Administration est sous-équipée, en manque criant d'effectifs, notamment en cadres d'exécution, de suivi, de contrôle et d'évaluation. Au niveau local et même à l'échelon national, ses différentes structures sont souvent des coquilles vides. D'où, quand il ne s'agit pas de blocage, de sabotage, de laisser-aller ou tout cela à la fois, les immenses retards à l'exécution des projets et des décisions. D'où les énormes surcoûts financiers. D'où l'alimentation de la colère sociale qui finit par exploser ici ou là. Ajoutons également la corruption, la concussion, la gabegie, l'impéritie propre à l'ensemble de l'Administration. D'où cette idée ô combien réjouissante de mettre des Belmadi partout et en tout temps. A l'image de cette publicité d'une célèbre multinationale de raffinage pétrolier qui avait comme mascotte un beau félin à rayures, et qui exhortait donc ses clients à mettre un tigre dans leur moteur ! N. K.