La dynamique association communale Afus Touadi Mouloud de Tibane, relevant de la daïra de Chemini, a organisé, dans l'après-midi de vendredi passé, une journée-hommage dédiée à une grande personnalité native du village Tawrirt-Mhand-Ouamar de la même municipalité, Mohand Ameziane Sail, considéré comme l'un des premiers intellectuels francophones de toute cette région de la Basse-Kabylie. Né le 14 octobre 1894 au village Taourirt (Aït-Oughlis) et décédé en avril 1953 à Bobigny (Seine) où il fut enterré dans un cimetière musulman, Mohand Ameziane Sail, un militant anarchiste et indépendantiste durant la colonisation française, est méconnu du grand public. Pour cette journée-hommage, ses initiateurs ont inauguré une stèle à la mémoire du militant anarchiste et syndicaliste qui a travaillé, à son arrivée en France, comme chauffeur mécanicien, puis réparateur de faïences. Lors d'une table ronde animée par le Pr Djamil Aïssani, président de l'association Gehimab de l'Université de Béjaïa, avec deux autres enseignants universitaires, Mohand Sadek Akrour et Saïd Chemakh sont longuement revenus sur le riche parcours militant du défunt, ses œuvres et sa pensée. «Mohand Ameziane Sail fut peut-être l'un des premiers intellectuels d'expression française de toute la région, puisqu'il avait publié plusieurs articles de presse dès le début des années 1920», ont indiqué les conférenciers. La table ronde a été aussi rehaussée par l'intervention par visioconférence à partir du Québec (Canada) de l'universitaire chercheur en sciences politiques, Francis Dupuis-Déri, ayant consacré un ouvrage à l'anarchiste, syndicaliste et indépendantiste algérien Mohand Ameziane Sail. «Il fut, durant toute sa vie, un infatigable militant antimilitariste, anticolonialiste et anticapitaliste. Insoumis et déserteur pendant la Première Guerre mondiale, il s'engagea, sans hésiter, dans la colonne Durruti lors de la guerre d'Espagne pour combattre les fascistes et participer à la Révolution. Harcelé par la police, arrêté et emprisonné plusieurs fois, il n'a jamais, pour autant, cessé de contribuer à divers journaux nord-africains et français et d'en assurer la diffusion, d'organiser des comités de lutte et de participer à nombre de meetings et manifestations. Ses textes ciblent spécialement l'oppression coloniale française en Algérie ainsi que le racisme meurtrier et souvent hypocrite de l'administration républicaine, tout en appelant ses camarades algériens et français à se méfier des fausses solutions...», écrit en substance Francis Dupuis-Déri dans un recueil, intitulé L'étrange étranger, regroupant une trentaine de textes du défunt écrit entre 1924 et 1951. Mohand Ameziane Sail fut également l'un des militants indépendantistes pour la libération de toute l'Afrique du Nord de l'occupation et l'exploitation françaises en participant, avec d'autres militants, à la création du premier mouvement l'étoile nord-africaine, selon certains témoignages. «Nous disons à nos dominateurs, l'Algérie nous appartient comme une terre doit appartenir logiquement à ceux qui la travaillent, qui peinent pour la faire produire. C'est notre sol natal, que de père en fils nous fécondons de notre labeur. Vous êtes venus nous déposséder, nous voler nos biens, et sous prétexte de civilisation, vous nous obligez maintenant, pour ne pas mourir de faim, de trimer comme des forçats, pour votre profit, contre un salaire de famine», écrivait déjà, en 1924, Mohand Ameziane Sail dans l'un de ses textes dénonçant l'occupation française. Par ailleurs, l'un des initiateurs de la rencontre a annoncé l'inauguration prochaine d'un musée dédié au militant anarchiste dans sa maison natale à Taourirt, dans la commune de Tibane. A. Kersani