Huit ans d'« opération Barkhane » — cette intervention militaire ouverte — n'ont eu pour résultat que de créer un pot-pourri d'interventions extra-africaines pour régler un problème africain. Ventre mou des pays sahélo-sahariens, le Mali se retrouve pris dans un tourbillon d'ingérences étrangères dont on ne voit ni les résultats proclamés quant à leur but ni la fin. Qu'on en juge, en plus de la France, principal instigateur, plusieurs autres pays européens sont partie prenante d'une crise qu'ils ne font qu'exacerber. La protection proclamée des intérêts supérieurs de l'Etat malien a provoqué paradoxalement une situation de crise politique dans un pays parmi les plus pauvres au monde. C'est sans doute là le but des maîtres à penser, apôtres d'une paix introuvable, car cela permet à chacun de tirer les ficelles dans le sens évident de ses propres intérêts plutôt que d'être d'une aide quelconque. Crime de lèse-majesté, la France, qui se prévaut toujours de son statut d'ex-puissance coloniale, se croit encore des droits sur l'ancien Soudan occidental. Dans ce cas et plus largement dans le triangle Mali-Niger-Burkina Faso, Paris fait tout pour garder la main sur tout ce qui les concerne. Quitte à jouer les trouble-fêtes comme nous le démontre son hostilité mal dissimulée au processus de paix initié par les Accords d'Alger. Torpiller toutes les initiatives africaines pour des solutions aux conflits survenus dans la région serait du seul ressort de la France. Pour se construire une « légitimité » dans la gestion des affaires d'autrui, il est clair que cette dernière actionne ses relais mus par l'appât du gain et divers avantages. Il en est ainsi de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) qui donne la fâcheuse impression de se substituer à l'Union africaine (UA) dont la Charte lui confère les prérogatives de chercher des solutions pacifiques aux conflits. C'est pourquoi ses va-et-vient incessants à Bamako laissent à penser qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'un harcèlement de l'équipe du colonel Assimi Goïta à qui l'on fait rappeler que ce pouvoir est illégitime parce que issu d'un double coup d'Etat militaire. La feuille de route établie pour une transition politique vers un pouvoir civil (ici aussi, madania machi 3askaria !!), dans le cadre d'élections, signifie le départ du gouvernement actuel. Or, cela ne coule pas de source, car les Maliens, aujourd'hui, ne veulent pas être à disposition et entendent gérer par eux-mêmes leurs affaires. Cette nouvelle donne panique l'Elysée qui craint l'effet domino avec la perte du Mali. En effet, c'est toute sa présence et son influence qui volent en éclats. De plus en plus, les autorités maliennes n'obtempèrent plus aux injonctions de Paris. D'ailleurs, Bamako prend les devants, d'abord en repoussant la date des élections, ensuite, en cherchant à nouer de nouvelles alliances militaires. La tension apparue ces derniers jours entre Paris et Bamako tient justement de l'éviction de la présence militaire française dans le pays. C'est la fin de la Françafrique. La perspective qu'elle soit supplantée par d'autres puissances rivales donne d'énormes soucis à Macron et son ministre des Affaires étrangères Le Drian. Outre la Turquie d'Erdogan qui se déploie en Afrique, la Russie de Poutine, allié traditionnel dans la région, ne veut pas être en reste. Et voilà que Paris crie au loup dans la bergerie. La raison ? L'appel de Bamako aux services de troupes paramilitaires (russes) du groupe Wagner (officiellement privé), déployées déjà dans plusieurs pays. Des sanctions en perspective par le biais de la Cédéao ? À l'évidence, le climat politique dans toute la région sahélo-saharienne ne s'inscrit pas dans une volonté d'apaisement. Brahim Taouchichet