Et d'ailleurs, je ne suis pas le seul adepte de cette doctrine, car nous l'avons vécue le cœur sur la main croyant le monde nous appartenir. Post-indépendance, nous avions eu l'immense privilège de découvrir deux personnages au verbe haut, à l'allure iconoclaste, aux idées à faire avaler des couleuvres. A la tribune ou sur la place publique, les «masses populaires» réunies tôt par les commissaires politiques du seul parti au pouvoir, attendaient patiemment le coup d'envoi de l'applaudimètre, les youyous stridents d'une gent féminine drapée de blanc. Pour le bien de la «révolution». Au sortir de la longue nuit coloniale, les beaux discours pourfendant l'impérialisme et ses «laquais» mettaient en ébullition une foule chauffée à blanc et prête à aller au «front», sans savoir que la mère des batailles est à mener en eux-mêmes. Fruit d'un nationalisme, parfois ombrageux, le populisme n'est rien d'autre qu'une réaction infantile, une diversion, face aux grands défis de la société qui interpellent ses dirigeants. Vivre d'amour et d'eau fraîche ? Une équation qui ne résiste pas aux exigences de la vie quotidienne. Les bains de foule en vogue jusque dans les années soixante-dix sont passés de mode. Comme tirées d'un mauvais rêve, les populations du tiers-monde, gorgées de beaux discours sans lendemain, se heurtent aux besoins les plus élémentaires. Erosion continue du pouvoir d'achat, pénuries récurrentes, absence de perspective quant à un projet, laissent place à la désillusion. Les révoltes n'ont d'égal que l'amertume succédant aux promesses non tenues d'un monde meilleur. Pire, les explosions de colère des «masses populaires», dans un grand mouvement de désobéissance civile, entraînent avec elles les bonimenteurs qui ne comprennent pas tant d'ingratitudes. Tel est pris qui croyait prendre ! Le populisme comme mode de gouvernance est vivement brocardé dans les démocraties avancées. Malheur à celle ou celui qui s'amuserait avec la confiance placée en lui. Dans l'Algérie post-indépendance et certainement ailleurs, en Afrique, en Amérique du Sud notamment, il était facile (voir naturel ?) d'emprunter la voie glissante de manipulations des foules assoiffées de justice, impatientes de profiter des bienfaits de la liberté promise, conquise de haute lutte. De l'échec des régimes en place sortira une opposition vindicative, déterminée à faire une OPA sur la société civile en générale. Dans un jeu d'opposition radicale aux tenants du pouvoir, civils ou militaires, il n'est pas rare de voir les antisystèmes verser dans la rhétorique stérile faute de pouvoir, à terme, mettre à bas leurs adversaires. S'installe alors comme un modus vivendi, où chacun finit par intégrer son rôle. Une situation qui peut s'éterniser pour les apôtres de la justice sociale et la liberté. Fragilisés, décrédibilisés aux yeux de leurs sympathisants, la tendance d'emprunter les mêmes méthodes que leurs rivaux devient un palliatif permettant de se sortir de l'embarras. D'où leurs discours emprunts aussi de populisme. Pour quel résultat ? L'apparente relation conflictuelle avec le pouvoir en place n'est que pour l'apparat, elle fera partie d'un mode de gouvernance aux dépens du peuple lequel cherche à fuir les conditions de vie de plus en plus difficiles. Un bon discours populiste agirait alors ainsi comme une thérapie. Comme quoi, la vérité n'est pas toujours bonne à dire. Brahim Taouchichet