BURKINA FASO, LA CONTAGION MALIENNE ? Après le Mali et la Guinée, un autre membre de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), le Burkina Faso, va grossir le club des pays dirigés par des militaires, un club auquel il convient d'ajouter le Soudan. Bien entendu, les militaires ont promis, la main sur le cœur, de rendre le pouvoir aux civils au terme d'une période de transition dont la durée varie d'un pays à l'autre. Pour justifier leurs coups de force, les militaires maliens et burkinabés invoquent l'incapacité des pouvoirs civils à leur donner les moyens nécessaires pour assurer la sécurité et l'intégrité de leurs territoires nationaux respectifs. Excepté au Soudan, on notera que ces coups d'Etat militaires au Mali, au Burkina et en Guinée sont pour l'heure soutenus par la population. Pour combien de temps avant que d'autres militaires invoquant les mêmes raisons n'entrent à leur tour en action ? Ce qui est sûr, en revanche, est que ces putschs militaires signent l'échec des gouvernements élus démocratiquement – ce fut le cas du Mali et du Burkina après la chute de Blaise Compaoré, deux pays symboles ces dernières années de liberté d'expression, d'ouverture politique et de tolérance – dans un contexte régional profondément déstabilisé depuis la destruction de la Libye par l'OTAN qui a ouvert en grand les portes du Sahel aux djihadistes de tous bords et à l'intervention étrangère. Quant à la France, qui est soupçonnée d'avoir incité à renverser le Président burkinabé Roch Kabouré, jugé incapable de relever le défi sécuritaire et frileux à une trop grande présence militaire française, elle risque d'être la grande perdante. Hier, à Ouagadougou, des manifestants brandissaient des pancartes sur lesquels étaient écrits « Non à la Cédéao, à bas la France » ! C'est dire ! LIGUE ARABE, l'époque a changé. Le mouvement progressiste arabe ne pèse plus et a pratiquement disparu des radars. La guerre du Golfe et le projet américain de GMO (Grand-Moyen-Orient) visant au remembrement de la carte géopolitique moyen-orientale, les crises irakienne, syrienne, libanaise, la guerre du Yémen et les tensions avec l'Iran, avec en point d'orgue, la normalisation des relations avec Israël sur fond de coopération militaire et sécuritaire – c'est le cas des Emirats arabes unis et du Maroc et peut-être d'autres pays de la région – ont de fait rebattu les cartes ou du moins changé la donne. Première conséquence de ce bouleversement géopolitique régional, la question palestinienne n'est ainsi plus la priorité de la quasi-majorité des pays arabes. Et l'appel du Sommet arabe de Riyad des 28-29 mars 2007 lancé à Tel-Aviv en vue d'un retrait des territoires palestiniens et l'établissement d'un Etat palestinien en contrepartie d'une normalisation entre les pays arabes et Israël est de fait rendu caduc par l'évolution de la situation sur la scène moyen-orientale. Seconde conséquence, aux yeux des pays du Golfe, soutenus par l'Egypte et le Maroc avec l'aval de Washington, la principale menace, c'est l'Iran et non plus Israël qui, par un curieux retournement de l'Histoire, est passé du statut d'ennemi à un statut d'allié contre l'ennemi perse ! Et ce, en raison du soutien apporté par Téhéran aux Houthis yéménites et au Hezbollah libanais. Et pour le Maroc, qui profite de ce retournement des rapports de force au Moyen-Orient et en Afrique en sa faveur, la priorité, c'est entériner l'annexion du Sahara Occidental ! Ainsi, les points de rupture et de désaccords entre Etats membres de la Ligue arabe, parmi lesquels la question sahraouie et la rupture des relations avec Rabat qui jouit de la solidarité agissante des pétromonarchies, ne manquent pas. Ne nous voilons pas la face, sur la question sahraouie, on voit mal les pays du Golfe, la Jordanie, voire l'Egypte demander au Maroc de renoncer à la marocanité du Sahara Occidental. On voit mal quelle majorité de pays arabes pourrait exiger des Emiratis et des Marocains de renoncer à toute coopération militaire et sécuritaire avec Israël ! Faute d'un consensus minimum, le Sommet d'Alger de la Ligue arabe a donc été reporté. Le prochain aura-t-il lieu à Alger ? Et s'il a lieu après le mois du Ramadhan, sur quoi ses membres pourraient-ils se mettre d'accord ? Sur la Palestine qui n'est plus la priorité de la quasi-totalité des pays arabes ? Ou alors est-il venu le temps de se poser la question du devenir de la Ligue arabe qui risque de se transformer en simple annexe du Conseil de coopération des pays du Golfe (CGC), ce lieu où sont prises de vraies décisions ? H. Z.