La 31e édition du sommet de la Ligue arabe prévue à l'initiative de l'Algérie se tiendrait dans un contexte qui n'incite guère à l'optimisme. En effet, à Alger, monarques, présidents et chefs de gouvernement parviendront-ils à parler le même langage qu'impose un agenda fait de redoutables et sensibles enjeux ? Quel avantage pourrait en tirer Alger alors que des conflits censés trouver leur aboutissement sans coup férir restent pendants depuis des lustres. A l'heure où l'intrusion de l'Etat d'Israël bouleverse de fond en comble la perception commune de l'ennemi sioniste. Il faut bien avoir à l'esprit que la donne a totalement changé et la recherche d'alliances plus que jamais à l'ordre du jour. Il est loin le temps où, bon gré, mal gré, les pétromonarchies avaient donné leur aval dans l'utilisation du pétrole comme arme dans la guerre d'Octobre 1973. L'unanimité de façade ne résistera pas à la volonté des uns et des autres de rechercher des moyens de survie, le moral au plus bas suite à la énième défaite militaire devant l'ennemi historique. L'avènement de maîtres à jouer dans la région, en l'occurrence les administrations américaines successives (républicains ou démocrates, c'est kif-kif s'agissant du Moyen-Orient) aura l'avantage de mettre à jour les réels décideurs. Réduits à ménager les humeurs d'un Donald Trump aussi arrogant que méprisant vis-à-vis des Arabes, vus comme tout juste bons à servir les intérêts de son pays et de son allié Israël. Le cœur du problème séculaire de la région, la Palestine, est progressivement occulté et finit par devenir encombrant pour la plupart. A l'inverse, l'enthousiasme mis à obtenir les faveurs de l'ennemi d'hier n'a d'égal que l'empressement à normaliser, voire plus. Ainsi d'énormes sommes d'argent sont versées dans les caisses de l'Etat sioniste qui ne cache pas sa volonté d'imposer sa mainmise sur les marchés de ces pays. Une tendance qui semble devenir inexorable. Vendre la Palestine pour la paix ? Nous voilà en plein dans la « commedia d'ell'arte » sans qu'un quelconque sursaut d'honneur vienne déranger l'instauration de l'ordre américano-sioniste du GMO (Grand-Moyen-Orient). Tout récalcitrant à cette hégémonie sous son nouvel habit verra s'abattre sur lui la foudre. Il en est ainsi de l'Irak de Saddam Hussein, la Syrie, le Yémen, le Soudan. Et dans le sillage, question de temps, l'Algérie confrontée aux velléités hégémoniques d'un voisin ensablé dans son aventure au Sahara Occidental. Un front qui impose à l'Algérie de mobiliser de grands moyens financiers et diplomatiques. Au détriment de ses projets de développement. Déjà la reconnaissance de l'Etat sioniste par le Makhzen porte en elle-même les ingrédients d'une forte tension et déstabilise cette partie du monde arabe. Pis, le palais royal se pose comme un inconditionnel de l'entrée de son nouvel allié à l'Union africaine et il n'est pas difficile d'anticiper les motivations réelles. Ramtane Lamamra, notre ministre des Affaires étrangères, aura beau se démener comme un diable en parcourant les capitales arabes qui comptent le plus, sa mission semble relever de l'impossible. Tous les observateurs s'accordent à reconnaître que la tenue en soi – compte tenu de ce qui précède – du 31e Sommet arabe à Alger serait un exploit. Par ailleurs, les questions négociées et inscrites dans l'ordre du jour risquent fort d'être dépassées par leur examen formel. L'essentiel, en effet, se décide à Riyadh, aux Emirats ou au Qatar pour ne pas citer Le Caire en sérieuse perte de vitesse depuis les «révolutions du printemps arabe». Néanmoins, se posera la question de la place des pays arabes dans le concert des nations, à l'aune des luttes d'influence que se livrent l'Occident, mené par les Etats-Unis, et l'axe Russie-Chine-Iran. Il y a de l'électricité dans l'air, dirions-nous presque. Brahim Taouchichet