Engagés dans de piteux marchandages électoraux, les partis les plus en vue, dont font partie les incorrigibles FLN et RND, ont déjà entamé les manœuvres consistant en des transferts de sièges d'une wilaya à une autre afin de s'approprier chacun les maroquins «rentables» selon les zones où ils s'estimeraient influents. En effet, depuis plusieurs jours et jusqu'à l'échéance de ce samedi 5 février, la vigilance «républicaine» s'est contentée étonnamment d'ignorer souverainement les discussions qui se sont tenues ici et là et qu'elle considéra, au mieux, comme de saines polémiques idéologiques qu'animèrent, en marge du futur aréopage sénatorial, les traditionnels appareils prédominants. C'est qu'en amont de l'urne où les bulletins des «grands électeurs» devraient trancher loyalement, des négociations préalables n'ont-elles pas fait le nécessaire dans les choix parmi les candidats grâce à l'imparable critère des rémunérations sonnantes et trébuchantes ? Comme quoi, un train de mesures électorales modeste peut toujours en cacher un autre, fût-il confortable lorsqu'il concerne les transferts de la sénatoriale. C'est justement de la sorte que certains mandataires, parmi la relative multitude élue 2 mois auparavant, passeront du statut d'obscurs intermittents de la politique à celui de chouyoukh, pourtant sans expérience, mais tout de même qualifiés pour délibérer au sujet des projets de loi ! Grâce donc à la discrète bourse des voix qui vont s'animer ces jours-ci, seuls seront élevés aux rangs d'élus ceux qui auront reçu des blancs-seings officiels leur signifiant qu'il est souhaitable d'imiter dans le futur les conseils du pouvoir exécutif. Il est vrai que la règle, non écrite évidemment mais instaurée dès la création du Sénat, avait fait en sorte que cette seconde Chambre du Parlement ne saurait valider qu'aux «turn-over» parmi les candidats préalablement formatés. Loin de l'idée qui avait prévalu en 1996, il n'avait jamais été question de laisser entrer au Sénat un quelconque courant politique hostile aux orientations générales du régime. C'est pourquoi, en demeurant cycliquement le même, le vivier qui l'alimente parvient à renouveler une sorte de baronnie politique dont le credo doctrinal se résume au ridicule «changement dans la continuité». Dans le même ordre procédural, la même éducation archaïque s'est imposée chaque fois que cela était nécessaire. C'est-à-dire celle qui impose de curieux «mots d'ordre» rabotés dans la langue de bois du parti unique. Même les prétendus successeurs étaient tout à fait disposés à réinventer le passé en jouant aux «Rastignac» de province dont les répétitions réduisirent les promesses du bicamérisme à un exercice dévalorisant quant à la manière de substituer aux nouveaux projets de loi d'inutiles censures à main levée. C'est ce recours au verrouillage à double clé ayant duré un quart de siècle qui a suscité récemment et des analyses et des interpellations. En somme, plus d'un observateur s'est interrogé sur l'utilité même de cette deuxième chambre dans le paysage institutionnel. Dès lors que celle-ci est perçue comme un coûteux cénacle uniquement destiné à perpétuer le clientélisme du régime, sa remise en cause traîne également des prolongements locaux autrement plus sensibles parmi lesquels ceux qui concernent le critérium de la sélection sociale et le caractère sulfureux de ce qui découle de toutes les décisions similaires. À ce propos, la grossière fausse «trouvaille» datant de 1996 et qui consista à faire en sorte que le Sénat algérien n'a eu que de lointaines analogies avec l'indépassable modèle des démocraties avancées n'a-t-elle pas été la preuve d'une insupportable escroquerie de juristes proposée aux dirigeants d'une autre époque (Zeroual en 1996) et de surcroît «dopée» du temps de Bouteflika ? Clairement organisée à partir d'un aréopage docile, cette chambre des approbations contribua moralement à la faillite du civisme électoral. C'est que l'abstention qui affecta en conséquence l'ensemble des consultations civiques a toujours trouvé la démonstration de son «illégitimité» à laquelle fut rajouté le qualificatif «d'illégalité siégeante». Alors que ce type de constat fut plus d'une fois établi, l'on se demande quand et comment l'Etat doit-il remettre de la cohérence démocratique dans le triptyque central qui se fonde en théorie sur la séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) ? Certes, il fallut attendre qu'une seconde république acquiert une réelle consistance auprès des sphères de décision, car, sans une véritable volonté, même toutes les virtuosités du réformisme constitutionnel ne suffisaient pas dès lors, qu'à l'épreuve, elles apparaissaient pour ce qu'elles étaient. C'est-à-dire de l'habillage d'Arlequin endossé à une certaine Constitution et présenté officiellement sous des oripeaux de la «renaissance» nationale. B. H.