Rendons gr�ce � ces grands �lecteurs qui ont vot� scrupuleusement et se sont m�me mobilis�s pour assurer la transparence de leurs urnes. Eux, qui sont n�s de la cuisse gauche de dame fraude, se voulaient exemplaires en la circonstance. Pr�tendument d�sign�s par l��lecteur de base, ils �taient quelque 15000, en cette fin d�ann�e, � trancher par leurs bulletins entre les postulants au S�nat. Ici et l�, � travers les 48 wilayas, ils ont donc d�sign�, selon les consignes des appareils, celui d�entre les �diles est le plus �apte� � la promotion. Quoi qu�on dise et �crive sur la vanit� de nos votes, ces �lus contestables se sont finalement acquitt�s de fa�on respectable et moralement au-dessus de tout soup�on. Mais est-ce pour autant suffisant pour d�cr�ter que cette chambre est un sanctuaire de la l�gitimit� populaire � l�oppos� de celle qui est refus�e � l�APN, son inter-face ? Cette chambre des d�put�s astreinte au scrutin direct et dont on sait depuis deux l�gislatures que celui-ci est chaque fois entach� de fraude et de manipulation administrative. Rien n�est moins s�r en tout cas, sur la qualit� des heureux �lus. Obscurs militants locaux, dont l��toile politique doit tout aux connivences d�appareils et rien aux urnes, ils ont droit � l�ascenseur s�natorial pour s�en aller servir d�abord les commanditaires et accessoirement se gausser des administr�s au nom desquels ils vont s�exprimer. Bref, ce s�nat incarne plut�t un lieu de distribution des sin�cures que l�on s�efforce de maquiller en d�l�gation populaire. Institu� par la Constitution de 1996, le bicam�risme alg�rien n�a gu�re am�lior� la perception qu�a l��lecteur de la souverainet� de son vote. Bien au contraire, il a confort� son scepticisme au spectacle de ces assembl�es croupions. D�une chambre � l�autre, il d�couvre que l�on l�gif�re selon les seuls v�ux d�un ex�cutif omnipotent et qu�il n�y a, chez ces mandataires immunis�s, pas la moindre vell�it� d�exercer un contr�le sur les actes du gouvernement. Si le discr�dit qui frappe l� APN s�explique en grande partie par le d�tournement notoire des urnes que dire d�un S�nat verrouill� dans son tiers par les cooptations du prince et dont la d�signation des tiers restants est une affaire d��picerie entre gens du pouvoir ? Autant donc qualifier ce s�rail de la courtisanerie de promontoire pour privil�gi�s uniquement charg�s de donner l�onction aux lois quand on le leur demande. D�ici � penser que le bic�phalisme l�gislatif, tel qu�il est codifi� par la loi de 1996, est une h�r�sie, voire une r�gression du parlementarisme certains juristes l�admettent � demimot. R�cemment, un s�minaire de r�flexion avait justement pour sujet le bilan de l�exp�rience bicam�rale. Ce fut pr�cis�ment une occasion offerte � certains sp�cialistes de faire allusion aux aspects boiteux de la formule et cela sous le couvert d�analyses comparatives. A partir des solides traditions dans les d�mocraties avanc�es, remarquables par l�efficience du double contr�le l�gislatif, ils feront remarquer que cette repr�sentativit� territoriale sur laquelle se fonde la n�cessit� d�une seconde chambre est tout � fait th�orique en Alg�rie d�s lors que les �lections locales sont elles-m�mes tronqu�es. Dans sa praxie, le syst�me alg�rien n�a finalement retenu que le formalisme technique avec de surcro�t l�insupportable interventionnisme de l�ex�cutif qui agit � travers la nomination de 48 personnalit�s. Ainsi, l�accouchement d�une seconde chambre n��tait pas destin� � renforcer la s�paration des pouvoirs mais l�inverse. Celui d�assujettir un peu plus l�espace du l�gislateur au diktat de l�ex�cutif. De cette d�marche, l�on peut ais�ment conclure que le mod�le alg�rien s�est moins inspir� des arch�types �tats-uniens, ib�rique ou fran�ais que de l�architecture moyenorientale des �Madjliss Echouyoukh�. L� o� si�gent des apparatchiks aux ordres. Evidemment, le pouvoir issu des �lections 1999 a, aujourd�hui, suffisamment de raisons pour s�en laver les mains tout en profitant de cet h�ritage que seule une r�forme constitutionnelle pourra soit solder d�finitivement, soit le recadrer dans un autre esprit. Notamment celui de d�connecter cette chambre de son lien avec l�ex�cutif. Autrement dit, changer � la fois la r�gle �lectorale et rendre � l��lecteur les 48 si�ges captifs du chef de l�Etat. Car, malgr� toutes les d�rives qui l�ont marqu�e, l�APN demeure la seule expression du parlementarisme et l�unique p�le o� le d�bat politique a encore un semblant de sens m�me s�il se conclut toujours par l�approbation des choix de l�ex�cutif. Ar�opage docile, ce S�nat mal-n� renvoie l�image d�testable d�une d�mocratie peupl�e de marionnettes et, par voie de cons�quence, d�courage l��lecteur de base qui n�y voit qu�une usurpation de fonctions et le pousse � renoncer d�finitivement � exercer son devoir de voter. Si tant est qu�il a conserv� quelques respects pour le civisme r�publicain. L�abstentionnisme dont se plaignent les hommes politiques se nourrit fortement de ce spectacle des ill�gitimit�s �si�geantes� qui, non seulement ne repr�sentent qu�elles-m�mes mais de plus pr�tendent au magist�re de la loi quand ils ne sont que des pupitres de la claque. Bien avant l�examen des failles d�une Constitution imparfaite, il faudra n�cessairement engager le d�bat de fond sur la v�ritable volont� de s�parer les pouvoirs dans l�Etat. Rendre effective l�autonomie du l�gislateur est un pr�alable incontournable sans lequel toutes les virtuosit�s constitutionnelles appara�tront t�t ou tard pour ce qu�elles sont. C�est-�-dire des oripeaux anti-d�mocratiques. Pour ce faire, la r�flexion sur les m�canismes de fonctionnement de l�appareil l�gislatif devra pr�c�der toute tentative de r�daction d�une nouvelle loi fondamentale. Ce bicam�risme de pacotille qui en est � sa dixi�me ann�e ne peut demeurer en l��tat avec ses travers. Il y va m�me de la cr�dibilit� du pouvoir, voire de sa sinc�rit� toutes les fois qu�il se targue de vouloir refonder l�Etat. Promouvoir une soci�t� de droit et une d�mocratie des urnes passe d�abord par la mise � l�encan des proc�d�s obliques dont la cooptation dans les assembl�es est l�expression achev�e. Ce S�nat-l� est pr�cis�ment un concentr� de l�asservissement par le syst�me politique des libert�s publiques. Les justifications du pass� (ce fameux tiers bloquant) n�attestent-elles pas que l�ex�cutif trouve toujours son compte avec un Parlement aux pr�rogatives r�duites ? Une bonne r�forme de la Constitution doit in�vitablement consacrer ce primat ou alors elle ne servira que de miroir aux alouettes pour ceux qui, na�vement, continuent � croire qu�il suffit de si�ger dans les assembl�es pour se convaincre que l�on vit en d�mocratie B. H.