Décédé samedi en Espagne, à l'âge de 45 ans, des suites d'une crise cardiaque, Nazim Souissi est journaliste et documentariste, producteur d'émissions pour la télévision et réalisateur et producteur de documentaires. Il a notamment coréalisé avec la journaliste Zineb Marzouk, le film-documentaire Merci pour la civilisation, qui avait été projeté en avant-première en 2013 à l'Espace Plasti d'Alger. En 1830, après une journée de tractations, le dey d'Alger signe la capitulation. Le 5 juillet, l'armée française entre dans la ville. Cette capitulation scelle le destin et l'avenir de plusieurs générations d'Algériens qui vont vivre 132 ans sous le joug colonial. «Comment s'est passé le premier contact avec la population algéroise ? Quels sont les événements qui ont marqué les premiers jours et les premiers mois de la colonisation ?», est-il écrit dans le synopsis du film. Le documentaire de 73 minutes, produit par Mouton Noir Communication, apporte un éclairage sur les premières années de la présence française en Algérie, entre 1830 et 1834, une période peu connue de notre histoire. «A l'aide des témoignages de l'époque, le film revient sur une période brutale et violente qui a bouleversé le destin de tout un peuple. Car durant les premières années de la colonisation, l'Algérie a vu ses élites exilées, son savoir-faire industriel et artisanal anéanti, son identité bousculée et ses populations passées au rang d'individus de seconde zone», lit-on encore dans le synopsis. Outre l'aspect purement historique, Merci pour la civilisation est également consacré en grande partie à la manière dont le récit historique a été traité depuis l'indépendance. Bien que réalisé en autoproduction et avec très peu de moyens, il est illustré de gravures d'époque, de tableaux et de dessins. Les réalisateurs ont, également, fait appel à cinq intervenants : l'universitaire Brahim Senouci, les historiens Fouad Soufi et Daho Djerbal, l'architecte Ghanem Laribi et l'écrivain Kamel Bouchama. Les auteurs du film ont réalisé un travail d'historiens, fait de relecture, d'analyse et de classement des informations disponibles, entre autres dans Le Miroir de Hamdan Koudja, Les Annales algériennes d'Edmond Pellissier de Reynaud, ou encore les mémoires et les écrits d'officiers français. «Contrairement à l'époque de la guerre d'Algérie, ceux qui ont mené la colonisation en 1830 se vantent presque des massacres qu'ils commettaient», fait remarquer Nazim Souissi. Scindé en deux parties, le documentaire débute par une déconstruction du mythe colonial, qui voit dans l'Algérie d'avant 1830 «une terre peuplée de barbares qu'il faut civiliser». Le reportage cite des explorateurs français et européens, comme Jean-Michel de Venture de Paradis qui, en 1790, décrivait l'Algérie comme un Etat riche, très bien administré, entretenant des relations avec différents pays. Le sujet des pillages et des destructions qu'a subis la ville d'Alger est également abordé, car le pouvoir colonial a très tôt entrepris de remodeler la ville selon sa vision. Le thème central de Merci pour la civilisation, c'est la répression et les massacres commis par le système colonial. La terreur était érigée en politique que ce soit sous la forme des innombrables arrêtés faisant office de lois, des spoliations, des destructions ou purement et simplement des meurtres et des massacres. «Les premiers ont eu lieu quatre mois après le débarquement, à Blida, puis à El Harrach. Les estimations parlent de 900 à 1 200 personnes massacrées. Malheureusement, ces faits sont très peu connus aujourd'hui», avait fait remarquer Zineb Marzouk. La deuxième partie du documentaire aborde la perception actuelle de l'histoire de la colonisation. Fils du journaliste Zoubir Souissi, récemment disparu, Nazim avait travaillé dans la presse écrite avant de se lancer dans l'audiovisuel en produisant et réalisant de nombreuses émissions sur le monde de l'automobile. Il avait également lancé une revue spécialisée dédiée à l'automobile. En 2013, Nazim Souissi a réalisé le documentaire Merci pour la civilisation, un film au titre ironique coécrit avec son épouse la journaliste Zineb Merzouk. Kader B.