De s�v�res peines ont �t� requises hier, dans la matin�e, par le repr�sentant du minist�re public � l�encontre des mis en cause dans l�affaire Cnan. Ainsi, apr�s une intervention qui a dur� une quinzaine de minutes, l�avocat g�n�ral a requis la perp�tuit� contre les cinq cadres de la Cnan et deux ann�es de prison contre le sixi�me. La peine maximale demand�e par le parquet est justifi�e, selon lui, par le fait qu��aux yeux de la loi, les pr�venus, ont la qualit� d�armateur, sont � l�origine de la mort de l��quipage du navire le B�char �. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Dans la salle, c�est la consternation. Et pourtant, deux jours avant, tout plaidait en faveur des cinq cadres de la Cnan. Le passage des t�moins � la barre avait confort� la th�se de la d�fense. Il est 19h45. Le pr�sident du tribunal criminel fait appel au second t�moin. Il s�agit de Messaoudi Omar. Il �tait le chef m�canicien embarqu� sur le B�char depuis ao�t 2004. Son passage � la barre avait constitu� l�un des moments forts de ce second jour du proc�s. En parfait connaisseur de son m�tier, il n�a pas �t� par trente-six chemins pour battre en br�che l�un des chefs d�inculpation contenus dans l�arr�t de renvoi. �Les trois groupes �lectrog�nes �taient en parfait �tat, et ce, m�me si le troisi�me avait quelques heures de fonctionnement de plus�, lance-t-il � l�adresse des membres du jury. Les multiples tentatives engag�es par le pr�sident du tribunal criminel dans le but de pousser le t�moin � la contradiction �taient vaines. Les questions du repr�sentant du minist�re public n�ont �galement rien chang� aux propos de l�ex-chef m�canicien du navire le B�char. Messaoudi Omar persiste et signe : �Le moteur �tait en marche. J�ai m�me re�u un coup de fil de l�officier m�canicien qui �tait � bord, m�informant que le moteur tournait � plein r�gime.� Le soulagement se lit sur les visages des avocats de la d�fense. Les pr�venus, suspendus aux l�vres du t�moin, sont sto�ques. Le pr�sident du tribunal criminel fixe des yeux le t�moin. Strat�gie oblige, il veut s�assurer de ses propos. Il pose d�autres questions. Son objectif ? Pousser le t�moin � la contradiction. Les propos tenus par ce dernier sont d�une importance capitale pour la suite des �v�nements. L��nigmatique absence du �t�moin� Lakel D�ailleurs, lors de son appel � la barre, l�ex-chef m�canicien du B�char, apr�s avoir pr�t� serment, a eu droit � une v�ritable �le�on� religieuse assur�e par le pr�sident du tribunal. �Vous savez qu�un faux t�moignage est passible d�une forte condamnation divine lors du jugement dernier. Un faux t�moignage verra son auteur jet� en enfer. Et le feu de l�enfer vous traversera la nuque !� dira-t-il, au grand �tonnement de l�assistance. Les m�mes propos ont �t� tenus par le juge lors de l�audition du premier t�moin. Ce dernier est officier au niveau de la capitainerie du port d�Alger. Son t�moignage est �galement important dans cette affaire. Lamani Youcef, puisque c�est de lui qu�il s�agit, a � son actif plus d�une vingtaine d�ann�es de travail au niveau du port d�Alger. Il conna�t parfaitement le fonctionnement de l�enceinte portuaire et le r�le de tous les intervenants. �Je n�ai jamais vu un vent aussi violent que celui du 13 novembre 2004�, rappelle- t-il. Et d�ajouter que �la zone de mouillage est d�termin�e par la capitainerie qui rel�ve de l�entreprise portuaire�. En d�autres termes, le mouillage du navire le B�charau niveau de la zone 4 �tait d�cid� par la capitainerie, une zone des plus dangereuses de l�enceinte portuaire, alors que le Batna �tait affect� au niveau de la zone 1 du port. L�autre propos soutenu par l�officier Lamani est relatif au r�le du Centre national des op�rations de secours (Cnos). �C�est le Cnos qui �tait charg� du sauvetage�, a-t-il l�ch�. L�autre fait marquant de ce second jour de proc�s est incontestablement l�absence au proc�s du t�moin Lakel. Ce dernier, commandant de bord de son �tat, avait t�moign� � charge � l�encontre des mis en cause dans cette affaire, et ce tant au niveau de la commission d�enqu�te que lors du premier proc�s. Son absence a soulev� l�interrogation de la d�fense. �Vos pr�occupations, vous les portez au parquet g�n�ral, pas � moi�, a d�clar� le pr�sident du tribunal, lorsqu�il fut interpell� par la d�fense. �Nous avons attendu jusqu�� l�aube l�arriv�e des h�licopt�res� Le t�moignage du commandant Lakel est consid�r� aux yeux de la d�fense comme important. Celui qui fut le SG du Snomar (Syndicat national des officiers de la marine) a lourdement charg� les cadres de la Cnan. Selon la d�fense, M. Lakel a �t� � la fois juge et partie dans cette affaire. Lors de son audition, Ali Koudil a mis en exergue le �r�le jou� par l�ex-syndicaliste� qui, faut-il le rappeler, �tait le commandant de bord du B�char avant qu�il ne soit remplac� par le d�funt Bidi. �Il est inadmissible que M. Lakel ne soit pas aujourd�hui ici pr�sent !� s�est exclam� la d�fense. �N�a-t-il pas affirm� tant lors de l�instruction que lors du premier proc�s que la responsabilit� incombe � la direction g�n�rale de la Cnan en sa qualit� d�armateur ? Qu�il vienne aujourd�hui au moins confirmer ses propos�, s�est insurg� la d�fense En ce second jour du proc�s, le tribunal criminel a �cout� les t�moignages des deux seuls rescap�s du naufrage du B�char. Il s�agit d�Allouche Azzedine et de Boubekeur Rezoug. Deux jeunes qui avaient � peine 21 et 23 ans le jour du drame. Le premier �tait agent de nettoyage, alors que le second exer�ait au niveau de la cuisine du navire. Leurs t�moignages ont plong� l�assistance dans la tristesse. L��motion �tait � son paroxysme, lorsque Allouche Azzedine relatait les derniers moments v�cus avec ses amis, avant qu�il ne d�cide de se jeter � la mer. �Nous avons pri� Dieu pour l�arriv�e des h�licopt�res. Nous avons attendu jusqu�� l�aube. Le vent �tait violent et les vagues �taient tr�s fortes. C��tait des montagnes qui s�abattaient sur nous. Nous avons r�sist�. On avait espoir de voir quelque chose survoler nos t�tes. Mais, en vain. Point d�h�licopt�res. Le navire s�approchait de plus en plus de la jet�e Kheirredine. Le d�sespoir s�est empar� de tout l��quipage. La mort �tait l�. On la voyait venir. D�s lors, j�ai d�cid� de me jeter � l�eau. J�ai nag� comme j�ai pu, pour me retrouver des heures apr�s, au niveau de la plage les Sablettes pr�s de la station Naftal du Caroubier�, t�moigne-t-il. �J�ai senti qu�il n� y aura pas de secours !� L��motion �tait forte. L�assistance cache difficilement son �moi. Le jeune Azzedine parle difficilement. Cinq ans apr�s le drame, il est toujours sous le choc. Avant de quitter la salle d�audiences, il lance � l�adresse du pr�sident du tribunal un dernier mot : �Je n�accuse personne. C�est le destin. Je n�avais que trois mois de travail avant le drame. J�aurais pu aujourd�hui �tre parmi les disparus. C�est el mektoub, que je sois aujourd�hui parmi vous. La temp�te �tait violente. C��tait intenable.� Boubekeur Rezoug, l�autre t�moin rescap�, �tait le plus jeune des membres de l��quipage. Natif de La Casbah, il avait remplac� son p�re d�c�d� qui exer�ait au sein de la Cnan. Son t�moignage a d�tendu l�ambiance Contrairement � Azzedine, Merzoug �tait moins stressant, voire souriant. �Je n�ai rien entendu. J�ai dormi jusqu�� 14 heures. Lorsque la sir�ne a commenc� � retentir, annon�ant l�alarme, j�ai mis mon gilet de sauvetage. Nous sommes mont�s � la passerelle du navire. Et c�est l� que je me suis rendu compte de la gravit� de la situation. Quelques heures avant, je rigolais, notamment je disais au d�funt ammi Messaoud qu�un navire se rapprochait de nous. C��tait un navire qui battait pavillon turc. Etant le plus jeune de l��quipage, ammi Messaoud s�inqui�tait pour moi. Il me disait de faire attention au risque d��tre emport� par la vague�, explique-t-il. Le pr�sident du tribunal lui demande pourquoi avoir d�cid� de quitter le navire ? �C��tait clair. Il y avait le mauvais temps et on savait qu�il n� y aurait pas de secours. Nous avons attendu des secours. Tout l��quipage avait tenu le coup dans l�espoir d��tre sauv�, mais en vain. Et puis, j�ai appris lors de mon stage effectu� � l��cole de Bousma�l qu�il faut quitter le navire lorsque la situation devient intenable.� Les v�rit�s de Ammour, Zaoui et Debbah Les d�bats jusque-l� engag�s et les propos tenus en audience, depuis le premier jour, ont confort� la d�fense et lib�r� les mis en cause. Le proc�s, m�me s�il a �t� marqu� par quelques incidents entre avocats et pr�sident du tribunal, a tenu toutes ses promesses. Ainsi tout plaidait en faveur des pr�venus. C�est dans cette optique que le repr�sentant du minist�re public a tent� de r�ajuster la situation en sa faveur. Il a voulu monter en puissance, en posant des questions aux deux t�moins rescap�s. Son objectif ? Conforter l�accusation selon laquelle �l�armateur, qui est la Cnan, soit son encadrement, est enti�rement responsable du naufrage du B�char et de l��chouage du Batna�. Azzedine et Merzoug n�ont pas suivi. Pour eux, �c�est la nature qui s�est d�cha�n�e, que les secours ne sont pas venus et que le mektoub (destin) en a d�cid� ainsi�. La veille, le repr�sentant du parquet g�n�ral a us� de ses comp�tences pour arracher des aveux aux mis en cause. M�me � la fin de leur audition, les pr�venus ont �t� � plusieurs reprises invit�s par le pr�sident du tribunal criminel � r�pondre � ses questions. Avec son accent kabyle et en parfait bilingue, le directeur de l��quipement, Ammour Mohand- Ouramdane, �tale sa ma�trise du sujet. Il ass�ne des v�rit�s qui ont laiss� l�assistance perplexe. �Le commandant Bidi a �t� induit en erreur. On a dit ici et l�, que le bulletin m�t�orologique avait annonc� que le mauvais temps a commenc� � 19 heures. C�est faux ! Il a d�but� entre 16 h et 17 h. Les conversations radiophoniques du commandant Bidi sont encore l�. Il a d�clar� qu�il �tait impossible de sauver les marins par voie maritime, mais plut�t par h�licopt�re. � Debah Mustapha, directeur des �quipement des navires, et Zaoui Saleh, inspecteur technique du vraquier le B�char, ont soutenu ses propos, battant ainsi en br�che toute l�accusation de l�arr�t de renvoi. �Ce sont les v�rit�s de ce drame�, commente un avocat. La d�fense, qui s�appr�tait � entrer en lice aff�te ses armes. Mais avant d�entamer sa plaidoirie, elle doit c�der la place au r�quisitoire. Le repr�sentant du minist�re public est d�j� fix� sur ses demandes. Ces derni�res sont qualifi�es de tr�s lourdes, voire de tr�s s�v�res. Chez les familles des pr�venus, on tente difficilement de garder son calme. L�espoir est toujours permis de voire les siens recouvrer leur libert�. Les avocats Brahimi, Khemkhem, A�t Larbi, Bourayou, Chorfi, Meziane, Allouche, Amara, pour ne citer que ceux-l�, pr�parent leur entr�e en lice. Les plaidoiries seront chaudes.