Reportage r�alis� par F.-Zohra B. A la P�cherie d�Alger, o� avant l�aube l�activit� commence, d��pres n�gociations ont lieu entre mandataires et acheteurs rod�s. C�est l� que se fixent de bouche � oreille les prix des poissons et autres crustac�s avant que les produits de la mer rares et pris�s n�atterrissent sur les �tals des revendeurs ou dans les cuisines des restaurants. Mais la col�re gronde chez les mandataires agr��s qui d�noncent l�activit� parall�le qui se d�veloppe juste en face de la poissonnerie �au vu et au su des autorit�s sans que les sp�culateurs qui font flamber le prix du poisson soient d�rang�s�, d�noncent les anciens de la P�cherie. Ces derniers attirent ainsi l�attention sur la qualit� du poisson vendu dans la rue, �congel� � maintes reprises, sans contr�le et repr�sentant un danger pour les consommateurs�. M. Dadi, directeur de l�Entreprise des ports de p�che de la wilaya d�Alger, explique que le probl�me r�current de la vente clandestine du poisson en face de la P�cherie d�Alger repr�sente un danger pour les consommateurs et clochardise la profession. �Pour �radiquer la vente parall�le et �galement suite aux plaintes des mandataires activant � la P�cherie nous avons entrepris plusieurs d�marches mais en vain�, a d�clar� M. Dadi, qui pr�cisera que les autorit�s concern�es, telles que le minist�re du Commerce, les services de s�curit� et la Wilaya d�Alger, ont �t� saisies sans que cela ne r�gle pour autant le probl�me. Il est 5h du matin. Une file de v�hicules et de camions frigorifiques est d�j� stationn�e en face de la P�cherie. Un va-et-vient incessant entre l�entr�e du port de p�che et l�all�e des vo�tes en face anime ce quartier de la capitale, encore endormie en cette aube hivernale de d�cembre. Les p�cheurs, mandataires, revendeurs et transporteurs s�interpellent et communiquent � grands cris, histoire d��couler pour les uns et d�acheter pour les autres les quantit�s de poisson expos�es � la P�cherie au milieu de la nuit. C�est � 5h 30 min qu�ouvrent les portes de la p�cherie laissant entrer les �sp�cialistes� du poisson. A l�int�rieur de l�infrastructure construite entre 1937 et 1939, les mandataires et leurs employ�s sont d�j� install�s � l�int�rieur de leurs carreaux respectifs o� sont expos�s � la vente les casiers de poissons recouverts de glace. Des porteurs vont et viennent, poussant leurs charrettes en attendant de transporter au dehors les poissons achet�s. �Les mandataires se transmettent leur m�tier de p�re en fils depuis l�ind�pendance et animent les m�mes 11 carreaux�, commente M. Sa�di, responsable de l�unit� poissonnerie. Ici, plus de 200 personnes �voluent autour de la vente du poisson, produit aussi pris� que co�teux. Les casiers remplis de crevettes, merlan, raies, limans, espadon, thon s�entassent au niveau des carreaux au fur et � mesure de l�arriv�e des camions frigorifiques et des quelques bateaux de p�che qui sortent encore au niveau du port d�Alger. Du poisson �frais�� en provenance d�Annaba et de Beni-Saf Ici, contrairement � ce que d�aucuns pensent, le poisson vendu n�est pas p�ch� quelques heures plut�t dans la Baie d�Alger mais arrive par camions frigorifiques de Ghazaouet et de Beni-Saf, � l�extr�me ouest du pays et du port de Annaba, � l�est. Il est donc expos�, recouvert de glace pour �tre mieux conserv�. �Le poisson arrive ici vers 4h du matin, et sans les arrivages des autres wilayas du pays nous serions au ch�mage �, confie un mandataire. Les professionnels au niveau de la P�cherie mettent en �vidence l��tat des chalutiers amarr�s au port d�Alger et �voque un mat�riel d�suet, en mauvais �tat, ne r�pondant pas aux normes n�cessaires pour la p�che en haute mer. �En plus de cela, la Baie d�Alger est pollu�e en raison du mouvement important des navires au niveau du port commercial. La qualit� du poisson s�en ressent, et si les produits d�autres r�gions c�ti�res sont moins frais, ils ont une meilleure qualit� bact�riologique �, explique un habitu� de la P�cherie. Autour du lieu, l�activit� s�intensifie et les personnes �voluant ici sont pratiquement toutes identifi�es. �Ce sont des habitu�s et ils se reconnaissent entre eux, pratiquement toutes les ventes se font de bouche � oreille, les prix sont chuchot�s et restent secrets. On est loin des cri�es en usage aux quatre coins du monde�, explique le premier responsable de la P�cherie. Les revendeurs au niveau des march�s, repr�sentants des restaurants et autres acheteurs avancent d�un carreau � un autre, saluant les connaissances, choisissent les casiers ; ces derniers, une fois pes�s sont au fur et � mesure ramass�s par les porteurs dans de grandes charrettes. Les porteurs encaissent 10 DA par casier embarqu� sur la voiturette. Ce rituel rod� au fil du temps se d�roule dans une parfaite organisation, et � la P�cherie d�Alger on parle peu, quelques signes des mains ou des regards savamment dirig�s suffisent � expliquer la commande d�un acheteur ou � annoncer le prix d�un mandataire. Il est 6h 20 min et l�activit� s�intensifie � la P�cherie, dehors la circulation devient plus importante, plusieurs camions frigorifiques sont d�j� partis remplis de poisson destin� en g�n�ral aux march�s et aux restaurants. Quelques m�tres plus loin, sur les quais, l�activit� se fait plus lente. Une activit� amorphe des chalutiers du port d�Alger Peu de chalutiers ont pris la mer le soir, commentent les p�cheurs. Ils expliquent cette situation par la persistance du beau temps en cette p�riode de l�ann�e. �Nous attendons que la houle reprenne, c�est b�n�fique pour la p�che�, confie un vieux p�cheur. Un habitu� des lieux exprimera son scepticisme en pr�cisant que la v�tust� des bateaux de p�che est � l�origine du peu de poisson ramen� au port d�Alger. Le jour ne s�est pas encore compl�tement lev� et les cris des mouettes masquent presque les exclamations des quelques p�cheurs occup�s � nettoyer les filets de la petite sardine qui s�y est accroch�e. Seulement deux sardiniers sont rentr�s et ont ramen� une petite quantit� du petit poisson bleu particuli�rement pris�. La vente des casiers s�est faite rapidement et directement sur les quais. Et encore une fois, commente le directeur de la P�cherie, les prix n�ont pas connu de baisse puisque le kilogramme de sardine a �t� c�d� � pas moins de 400 DA sur les quais. C�est par le biais du t�l�phone mobile que l�on avertit les �ventuels clients de la disponibilit� des casiers de sardines. Ces derniers ont donc �t� c�d�s en un temps record. A l�int�rieur de la P�cherie, un camion frigorifique en provenance du port de Cherchell d�charge une quarantaine de casiers de crevettes et trois casiers de lotte. La marchandise est entour�e d�une dizaine d�acheteurs. L�un d�eux communique par t�l�phone avec un acheteur. �La crevette est arriv�e mais elle est petite�, annonce-t-il � son contact. Les clients suivent les casiers qui sont pes�s par le mandataire qui les a r�ceptionn�s. Interrog� sur le prix de la marchandise, un acheteur r�pond avec beaucoup d�h�sitation et d�agacement : �La crevette est entre 1 200 et 1 500 DA�, avant de se retourner vers la grande balance par laquelle passent les casiers de poisson. �Il est quasiment impossible de conna�tre le prix du poisson le jour de sa vente, ce n�est que le lendemain que l�information est connue�, commente M. Sa�di. V�tuste, la P�cherie d�Alger attend d��tre r�habilit�e Le responsable explique que l�UGPP pour la gestion des ports de p�che per�oit 200 DA de droits sur le poisson blanc et 60 D A pour la sardine de la part des mandataires. Pour sa part, le mandataire �coule le poisson pour l�armateur et per�oit 8% de la vente de poisson et 6% pour la sardine. Au niveau de la P�cherie, le poisson qui n�a pas �t� vendu le jour m�me est remis dans les chambres froides pour �tre vendu le lendemain. Au niveau des m�mes carreaux, les mandataires pr�cisent qu�en raison de la forte demande sur le poisson et sa raret�, tout est vendu le jour de son exposition. Il est 8h du matin. Dehors, la circulation est intense, Alger est bel et bien r�veill�e. A l�int�rieur de la P�cherie, l�activit� est ralentie et la plus grande partie du poisson ayant transit� par l�infrastructure a d�j� �t� vendu. Un revendeur de poisson venu de Blida termine de rassembler les casiers qu�il a achet�s aupr�s de diff�rents mandataires suivi de pr�s par le porteur qui, au fur et � mesure, les embarque. Le revendeur refuse, cependant, de r�pondre � notre question concernant le prix qu�il a pay� pour sa marchandise. Il s��loigne vite en faisant signe � son porteur de le suivre dehors. En face de la P�cherie, une autre activit� s�est install�e, celle de vendeurs clandestins � m�me le trottoir fortement d�cri�s par les mandataires agr��s. Officiellement, selon le premier responsable de l�unit� poissonnerie d�Alger, 5 tonnes de poisson transitent par l�infrastructure quotidiennement. Et ce sont 2 300 � 2 500 tonnes qui entrent annuellement � la P�cherie. Selon le responsable, il est aussi difficile de faire adopter des changements ou de nouvelles mesures au niveau de l�unit, dont l�activit� est domin�e par les mandataires qui y dictent leur loi. L�infrastructure a aussi besoin d�une r�habilitation selon notre interlocuteur du fait qu�elle ne r�pond plus aux normes. Elle devrait ainsi b�n�ficier d�un projet de r�habilitation pour �tre notamment agrandie. Dehors, sur les quais, les marins-p�cheurs ont presque termin� de nettoyer leurs filets � sardines. Quelques personnes, couffin en main, ramassent la petite sardine tomb�e � terre, sous l��il impassible des p�cheurs. Des chats gav�s � force d�avaler les petits poissons tournent autour des personnes qui s�activent sur les quais. Les lieux se vident en d�but de matin�e. Les mandataires font leurs comptes � l�int�rieur des bureaux qui leur sont r�serv�s au niveau de la poissonnerie depuis plusieurs d�cennies. Les acheteurs et vendeurs laissent la place aux �quipes de nettoyage et se donnent rendez-vous pour le lendemain � l�aube en m�me temps que l�arriv�e du poisson qui sera p�ch� � l�est et � l�ouest du pays. Le poisson vendu le jour m�me est d�j� pr�sent� aux acheteurs dans les march�s et autres �tals ou en voie d��tre appr�t� par quelques cuisiniers de restaurants. F.-Z. B. LA COL�RE GRONDE CHEZ LES MANDATAIRES Les casiers en bois ne seront plus tol�r�s � partir du 20 d�cembre A partir de ce 20 d�cembre, l�entr�e en vigueur d�une nouvelle r�glementation obligera aussi bien les armateurs que les mandataires � utiliser des casiers en plastique alimentaire au lieu de ceux en bois en usage ces derni�res ann�es au niveau des ports et des p�cheries. Les mandataires de la poissonnerie d�Alger ne cachent pas leur refus de cette nouvelle mesure qui r�pond pourtant aux normes �l�mentaires d�hygi�ne et prot�ge les consommateurs. La plupart des revendeurs assurent que ce sera les armateurs qui, en premier, devraient donner l�exemple et s��quiper en casiers en plastique alimentaire. �Regardez, les casiers utilis�s actuellement ne r�pondent pas aux normes et vous pouvez voir m�me ceux qui ont servi � transporter des pots de yaourt ou de la pomme de terre�, s�indigne un habitu� de la P�cherie. Pour sa part, un mandataire activant sur les lieux depuis 1970 dira qu�avec la nouvelle mesure et le contr�le qui suivra, le poisson n�entrera pas au port d�Alger si les armateurs ne jouent pas le jeu. �Sinon, nous serons, nous aussi, oblig�s d�aller vendre nos produits dehors�, menace-t-il tout en pr�cisant que les armateurs n�ont encore rien command�. Il d�noncera �galement les pratiques au niveau de la P�cherie ou dans les carreaux, o� au lieu d�un seul mandataire exp�riment�, plusieurs intervenants vendent au niveau d�un seul carreau, �d�voyant ainsi la profession�, selon notre interlocuteur, qui pr�cisera qu�il est normalement interdit de louer les carreaux.