Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Par vieille sagesse, l�on sait qu�il est impossible de tromper tout le monde tout le temps. Sauf pour ce Premier ministre qui en a oubli� la r�gle. Sans g�ne, il r�fute toutes les accusations quant � la gestion des affaires publiques. Lavant plus blanc que blanc, il est d�sormais le seul � croire en la vertueuse exactitude de ses bilans ponctuels. �L�Etat alg�rien n�a jamais menti sur les chiffres �, affirmait-il face aux s�nateurs. A l�aplomb qu�il a mis dans l��nonc� d�une pareille d�n�gation, s�y est ajout�e, ce jour-l�, la flagornerie. Flatteur ind�cent, il semblait solliciter le secours du chef de l�Etat, faute de savoir argumenter et d�fendre les programmes qu�il pilote. C�est ainsi que les s�nateurs ont appris, gr�ce � lui, que �Bouteflika est un g�ant en politique � et que lui, Ouyahia, dans une modestie feinte, se contente d�en �tre l��l�ve attentif et disciplin�. D�cid�ment, certaines long�vit�s politiques finissent m�me par affecter jusqu�au �jardin secret�, o� se cultivent les derni�res pousses de la dignit�. Honteusement, ce grand intendant, en charge de nos existences quotidiennes, est d�sormais nu. Mais lui s�en �meut si peu, pourvu qu�il plaise uniquement au tuteur. Courtisan parmi tant d�autres, on ne l�imaginait pas, jusque-l�, dans le r�le d�un certain Belkhadem. Celui de ministre moyen-oriental dont la pr�occupation principale consiste � alimenter le discours �logieux. Or, c�est ce genre de contamination par le mensonge d�Etat qui irrite la soci�t� jusqu�au d�sespoir. En deux mots, le bilan du r�gime est globalement n�gatif. Et ce ne sont pas les euph�mismes dont use un Premier ministre qui att�nueraient le sentiment g�n�ral. C�est parce qu�il en est r�duit au r�le de greffier d�El-Mouradia qu�Ouyahia n�a plus de marge politique, et in fine, d�autorit� sur une bonne partie du gouvernement qui, d�ailleurs, prend ses ordres plus haut. A cela, il faudrait ajouter le d�ficit de cr�ativit� et d�initiative de l�ex�cutif qui continue � gripper la cha�ne de commandement. Or, lorsque le management efficace vient � manquer, la puissance publique se rabat sur la moins recommandable des �solutions�. Celle de l�gif�rer � l�exc�s avec l�espoir de donner plus de visibilit� � l�action de l�Etat. Quoi de plus inexact que cette inversion de l�ordre dans la d�marche ? Les lois encadrent un projet de soci�t� d�ment conceptualis� et pas le contraire. Etait-ce le cas depuis les trois mandatures de l�actuel pr�sident ? Qui parmi les plus brillants ex�g�tes du r�gime est en mesure de traduire en quelques principes clairs les constantes de la d�marche de Bouteflika entre 1999 et 2009 ? Indiscutablement, un pareil exercice serait p�rilleux du fait m�me que les s�quences de l�action gouvernementale se sont rarement inscrites dans la continuit�. En une d�cennie, celles-l� furent caract�ris�es par des virages et des ruptures qu�illustre justement le nombre de lois d�abrogation lesquelles ont fini par faire le lit � l�incertitude des investisseurs. C�est ce versant de l��chec que l�actuel Premier ministre s�interdit d�assumer, pr�f�rant la jonglerie verbale (� �je vous ai livr� dans un expos� les points forts et faibles de notre politique� - sic), au sens de la responsabilit� qui est la sienne. Sur le ch�mage, entre autres, son fameux 10% doit faire bondir les statisticiens et les �conomistes s�rieux que compte ce pays. Alors qu�il est de notori�t� publique que 20% des jeunes, entre 18 et 30 ans, attendent toujours un premier emploi et, dans le m�me temps, que le programme de relance du tissu industriel souffre d�un grand retard, le pouvoir �vacue cette terrible �vidence qui continue de fournir des bataillons � un exode improbable. Cette frange d�Alg�riens d�sesp�r�s, dont la mer implacable ensevelit la plupart d�entre eux, n�inspire � Monsieur Ouyahia que des sentences morales qui ne le grandissent pas dans sa fonction. Il n�est que cela ce commis de l�Etat qui avance, masqu� derri�re la fiction des chiffres qu�il voulait �difiants. Car pour le reste, c�est-�-dire la mis�re humaine perceptible � chaque coin de rue ou bien la pauvret� discr�te de cette cohorte de salari�s, elles ne lui servent que de th�mes � exhortation au nom de la patience ! Il est vrai qu�Ouyahia, en vieille connaissance aupr�s de l�opinion, n�aime rien tant que de cultiver son image de ministre �rigoureux�. Se voulant depuis longtemps �tranger au populisme, il continue � penser qu�une certaine dose d�impopularit� imm�diate constitue un bon investissement sur le long terme. Construisant son destin sur ce registre, il aurait pu ne pas se complaire dans la caresse verbale devant un ar�opage de vieux routiers du s�rail qui habitent ce S�nat. Une faute de go�t, dont on se souviendra plus tard.