Les mesures de r�gulation �conomique prises r�cemment sont, certes, salutaires sur le court terme mais risquent cependant d��tre �nocives� sur le moyen et long terme, selon Mohamed Bahloul, �conomiste, analyste et directeur de l�Institut de d�veloppement des ressources humaines (IDRH, Oran). Dans la mesure o� �le pouvoir du bureau ne sait pas objectiver la sanction � et d�autant que �la d�marche r�pressive n'est pas la seule voie�, pour la reconqu�te des attributs de l�Etat, cet �conomiste estime qu��il est temps de r�aliser la grande chirurgie dont a besoin l'�conomie nationale�. Tout en insistant sur le fait que �sans un contr�le collectif effectif et syst�mique, c'est le d�s�quilibre concurrentiel structurel qui s'installe durablement avec des pratiques et des comportements �conomiques et sociaux o� les mauvais comp�titeurs sont favoris�s et gagnent toujours au d�triment des bons comp�titeurs�. Mais aussi en appelant � mettre en �uvre �les r�formes de structure de l'�conomie et la mise en place des institutions de l'�conomie de march� qui garantissent une v�rit� des prix� bas�e sur l'�quit�. Le Soir d�Alg�rie : Des mesures de r�gulation commerciale et �conomique sont prises. Ces mesures sont-elles coh�rentes, pertinentes sur le plan �conomique ? Ces mesures sont-elles efficaces ? Leurs effets seront-ils perceptibles ? Mohamed Bahloul : Ces mesures rev�tent dans leur essence un caract�re d'urgence. A une situation sociale exceptionnelle, des mesures exceptionnelles pour circonscrire le champ de la crise dans sa dimension inflation � pouvoir d'achat avant de l'endiguer et de la traiter dans le fond. Ce sont, en effet, des mesures de gestion de la crise et non de solution de la crise sociale qui a indiscutablement des racines plus profondes qu'il est temps de bien analyser pour les soumettre � des politiques publiques de changement globales, d�cloisonn�es dans leur conception et leur pilotage, audacieuses et novatrices. Le financement de ce type de mesures est possible dans la conjoncture p�troli�re actuelle, favorable, mais pas durablement. En plus, ces mesures peuvent �tre elles-m�mes sources d'inflation dans une �conomie qui produit peu et importe presque tout. Inflation import�e et g�n�r�e vont se conjuguer dans le court terme. Ces mesures, de d�fiscalisation principalement, posent aussi des questions tout aussi importantes quant au principe d'�galit� vis-�-vis de l'imp�t. Il faut veiller � ce que les revendications des plus pauvres ne se transforment en opportunit� d'enrichissement et de nouvelles rentes, une sorte de prime aux plus riches. Ces mesures salutaires et positives sur le court terme peuvent s'av�rer nocives sur le moyen et long terme. La solution est dans les r�formes de structure de l'�conomie et la mise en place des institutions de l'�conomie de march� qui garantissent une �v�rit� des prix� bas�e sur l'�quit�, qui sans aggraver les in�galit�s de r�partition des revenus et la pr�carisation permettrait � l'�conomie de produire et de r�pondre efficacement aux besoins des populations. Le �pouvoir du bureau�, on l'a largement exp�riment� dans l'�chec, ne sait pas objectiver la sanction �conomique. Il faut au moins poser les bases d'une �conomie o� la satisfaction des dol�ances sociales est efficacement et �quitablement partag�e entre l'Etat et le march�. Y a-t-il une vision claire en ce domaine ? Le choix de l'�conomie de march� est-il maintenu ? Je pense que le choix de l'�conomie de march� n'est pas en cause. Les derni�res mesures et actions des pouvoirs publics ne sont pas une remise en cause de cette option, surtout pas au moment o� m�me Cuba se met � l'�cole des r�formes pour la transition vers l'�conomie de march� ! On peut dire, sans risque de se tromper, que l'ensemble des mesures promulgu�es demeurent fortement ancr�es dans le paradigme lib�ral. Les ajustements pr�conis�s expriment plus un changement de trajectoire que d'orbite. Il reste que le mode de prise de d�cision de ces mesures, leur articulation � une politique �conomique nationale, le mode de communication institutionnelle comme leur mode d'implantation posent de v�ritables questions qu'il est n�cessaire d'inventorier et de traiter. N'y a-t-il pas un probl�me de vision ? Il y a incontestablement un probl�me de vision et de finalit� de ces r�visions qui ont, on le constate, accentu� la m�fiance des agents �conomiques vis-�-vis de l'Etat et introduit des incertitudes dans leurs anticipations. Il y a � mon avis un s�rieux probl�me de calcul de co�t d'opportunit� de ces mesures et de leurs retomb�es � terme sur le d�veloppement des entreprises et de la croissance �conomique hors hydrocarbures. Il est temps de faire la diff�rence entre une r�organisation du commerce ext�rieur et de son mode de financement qui a pour but de r�duire la facture des importations et une r�organisation du commerce ext�rieur dont la finalit� strat�gique est de prot�ger nos industries et de d�velopper une nation manufacturi�re comp�titive. Tout un programme. De m�me, la gestion en mati�re de r�gulation financi�re reste incertaine. Ainsi, l'obligation du ch�que pour les transactions financi�res a �t� report�e. N'y a-t- il pas risque de croissance de l'informel, de la contrefa�on (faux billets) ? L'Etat essaye � juste titre et en toute l�gitimit� de r�cup�rer ses p�rim�tres de missions r�galiennes et de corriger jusqu'� mettre fin aux graves d�s�quilibres concurrentiels qui minent l'�conomie nationale � travers les nuisances que ne cesse de g�n�rer le secteur informel notamment mais pas seulement. Depuis les ann�es 90, l'Etat a perdu beaucoup de ses territoires en tant que puissance publique et agent de r�gulation. Du non-respect des poids et mesures (le budget de l'Etat consacr� � la m�trologie aux Etats-Unis d'Am�rique est, tenez-vous bien, de 5% du PIB au pays du lib�ralisme !) aux excroissances urbaines internes et externes � la ville, il y a tout un travail de retour de l'Etat qui est � l'ordre du jour et que personne ne peut nier. Le processus de reconqu�te des attributs r�galiens de l'Etat ne sera pas facile, ni de tous repos. C'est sans aucun doute, un des lieux de test de l'efficacit� des r�formes de l'Etat qu'on suppose d�j� r�alis�es. La d�marche r�pressive n'est pas la seule voie. Elle peut m�me s'av�rer contreproductive voire source de tensions. La r�flexion doit s'orienter vers une d�marche de traitement inclusive des agents et acteurs de l��conomie informelle. Le co�t d'acc�s � la r�gle �conomique l�gale est toujours �lev� dans notre pays, d'o� le recours, des jeunes notamment, � l'�conomie clandestine. Cette d�marche doit pouvoir reposer sur un mode de production et de consommation de l'autorit� de l'Etat fond� sur la l�gitimit� et la l�galit� de ses interventions sans lesquelles, aucune efficacit� n'est possible � moyen et long terme. Le contr�le collectif est, on ne le dit pas, au c�ur des attributs et de l'action des institutions dans une �conomie de march�. Sans un contr�le collectif effectif et syst�mique, c'est le d�s�quilibre concurrentiel structurel qui s'installe durablement avec des pratiques et des comportements �conomiques et sociaux o� les mauvais comp�titeurs sont favoris�s et gagnent toujours au d�triment des bons comp�titeurs. Ce qui rend impossible le d�veloppement d'une �conomie r�ellement productive et comp�titive. Il est temps de r�aliser la grande chirurgie dont a besoin l'�conomie nationale. Ce qui exige d�bat et strat�gie d'optimisation de l'adh�sion de larges couches de la soci�t� aux projets du changement global attendu.