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Mohamed Bahloul, économiste,directeur de l'IDRH Oran: «La sociologie du chômage représente un mélange détonant au Maghreb»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 11 - 01 - 2011

Les réformes engagées il y a plus de vingt ans en Algérie et dans les autres pays du Maghreb produisent des impasses sociales et des crises politiques majeures. Mohamed Bahloul, économiste, directeur de l'IDRH à Oran, identifie, avec beaucoup de clairvoyance, les obstacles sur lesquels a buté l'ouverture de marché en Algérie et au Maghreb. L'échec est colossal.
Tout en sachant que c'est un phénomène devenu caractéristique de la société algérienne, est-ce que, néanmoins, cette vague d'émeutes qui secoue le pays vous a surpris ?
C'est un mouvement social qui était prévisible. Plusieurs analystes et observateurs ont pointé du doigt les menaces et les dangers qui pèsent sur la situation sociale globale dans le pays, il y a déjà plus de 2 ou 3 ans. Les signes avant-coureurs de ce mouvement social s'exprimaient déjà avec des micro-émeutes ou bien des émeutes de basse intensité, localisées dans des endroits et régions différentes du pays. Ce mouvement social exprime une colère et un ras-le-bol général dont l'issue n'est pas connue. Je ne pense pas que l'issue de ce mouvement puisse être perçue par un quelconque analyste. La situation évolue très vite.
On a pu faire le parallèle et la similitude avec le soulèvement en Tunisie, comme si c'était une sorte d'enchaînement. Est-ce que vous êtes de cet avis ?
Je pense qu'on peut faire le parallèle sur un point précis. A savoir l'échec des réformes économiques et sociales dans l'espace maghrébin, de manière générale et, au-delà, on peut y ajouter l'Egypte en intégrant l'Afrique du Nord. Il est regrettable de remarquer que, sur ces 20 dernières années, tout le travail d'investissement sur le changeant n'ait pas donné de résultats escomptés. Ce qui est très important, c'est que, y compris la Tunisie, qui a plus ou moins réussi sur le plan économique, se trouve aujourd'hui confrontée à des mouvements de rue. Ce qui montre qu'il y a trois types de problèmes communs aux pays maghrébins. :
Le premier c'est le chômage. Et ce n'est pas le taux de chômage qui est alarmant. C'est la composition sociologique de celui-ci. C'est un chômage de jeunes, instruits, généralement diplômés issus et localisés en milieu urbain. Donc le chômeur maghrébin est un chômeur jeune, instruit et urbain. Ce qui concentre et ramasse un potentiel de contestation et de revendication extrêmement important. Donc c'est la composition sociologique du chômage et la nature du chômeur qui posent problème. Et non le taux sur lequel souvent on insiste. C'est cette composante sociologique qui présente un mélange détonant et n'a jamais été traitée, que ce soit en Algérie, au Maroc, en Tunisie ou même en Egypte.
Le deuxième problème est la question de la répartition des revenus. La libération des forces du marché dans ces pays a donné lieu à une répartition très inégalitaire des richesses et des revenus. On assiste beaucoup plus à des logiques d'enrichissement que de création de richesses, des logiques de précarisation que de stabilisation et d'intégration, d'inclusion, notamment des jeunes et des forces sociales qui ont émergé à la faveur des réformes économiques.
Le troisième point concerne surtout le mode de gouvernance. C'est un mode de gouvernance excluant, désintégrant, même s'il essaie de financer la paix sociale. On remarque que, plus on avance dans les réformes et l'économie, il y a une désintégration du tissu social, une destruction des liens sociaux, des formes de cohésion sociale. Les réformes économiques dans les pays du Maghreb n'ont pas été travaillées par des échafaudages et une architecture de mise en cohésion des forces économiques et sociales. Ce qui s'est fait dans des pays émergents comme la Chine, l'Inde et surtout le Brésil. Plus on réforme, plus on donne aux dynamiques économiques concurrentielles de la place et de l'espace, plus on fabrique de la cohésion. Et cela pose le problème de la formation d'un Etat capable de fabriquer des institutions qui régulent et encadrent le marché. Là, on a échoué totalement, y compris en Tunisie.
En quoi la particularité du profil du chômeur maghrébin aurait-elle des incidences sur le soulèvement que nous vivons ?
Comme je l'ai dit, le profil du chômeur qui fonctionne actuellement est celui d'un type jeune, diplômé et urbain qui concentre une culture et un esprit de contestation important. Ses besoins de base en alimentation, en logement, en emploi, en revenu, sont importants. Mais aussi ses besoins radicaux en termes de liberté d'expression, d'association, d'organisation, de loisirs, etc…, le sont également. On n'a pas su répondre à ces besoins jusqu'à présent.
Si vous permettez, il faudrait remonter à assez loin, au moment où les réformes dont vous parlez ont commencé à être mises en œuvre – dans les années 80 pour l'Algérie, il ne s'est pas trouvé de voix ou si peu pour émettre des réserves et entrevoir les conséquences néfastes possibles. Les élites locales n'ont-elles pas leur part de responsabilité ?
Je crois qu'il serait juste de dire qu'il y avait des voix minoritaires pour mettre en garde contre les libéralisations sauvages, contre la libération des dynamiques concurrentielles sans dessein et sans régulation. J'étais parmi ces quelques économistes qui ont beaucoup insisté sur la nécessité de construire l'espace de l'Etat qui, tout en construisant l'espace du marché, régule et ne laisse pas tomber ses missions régaliennes. Il n'y a pas de réformes du marché sans réforme de l'Etat parce que, tout simplement, le marché, c'est un ensemble de règles et d'instituions. Et lorsqu'on laisse des agents économiques fabriquer eux-mêmes des règles, comme cela s'est fait ces derniers temps en Algérie, particulièrement, c'est l'anarchie, le chaos. Sans l'Etat, le marché ne peut pas fonctionner, dans tous les pays, y compris dans le capitalisme historique.
Vous voulez dire qu'en Algérie le marché a élargi son territoire sans que l'Etat ne balise le sien ?
Nous, nous avons emprunté la voie du consensus de Washington. C'est-à-dire le tout-marché après avoir fait le tout-Etat. Ce qui veut dire qu'on n'a pas su trouver les équilibres nécessaires. Tout le génie des réformateurs qui ont réussi c'est d'avoir su trouver cet équilibre entre l'action des forces du marché et celle de l'Etat.
Une chose sur laquelle j'insiste : ce n'est pas uniquement «la main invisible» du marché qu'il fallait faire fonctionner, mais aussi «la main visible». La régulation, c'est la poignée de main entre «la main invisible» du marché et «la main visible» de l'Etat. On n'a pas su trouver cet ajustement nécessaire.
C'est un optimum pour fonder, à la fois, les équilibres économiques et sociaux qu'on n'a pas su faire. C'est toute une approche qui a fait défaut, en termes de savoir-faire, d'ingénierie mais aussi de vision politique et économique dans notre pays et l'espace maghrébin. Parce qu'il n'y a pas un mais des libéralismes. Celui qui s'est développé en Russie n'est pas le même qui s'est développé en Chine, en Inde, au Brésil, en Algérie ou au Maroc. Il y a donc des démarches et des stratégies différentes à mettre en place.
Est-ce que vous pensez qu'il n'y a que des paramètres économiques qui expliquent ces émeutes ?
Pas du tout. L'économie est politique et particulièrement lorsqu'on est dans une période de changement institutionnel et structurelle de l'économie A chaque fois qu'on engage des réformes, il faut développer une stratégie de communication et d'institutionnalisation des conflits qui naissent. Tout changement est porteur de conflits parce qu'il met fin à des intérêts et en fait naître d'autres. La meilleure manière est, au moment de la mise œuvre des réformes, de fabriquer des institutions pour réguler ces conflits. Plus qu'une crise politique, nous vivons une crise du politique. Ce qui est remarquable dans les pays maghrébins, c'est le fait que les dynamiques de changements sont porteuses d'exclusion d'une frange importante et sensible de la population, à savoir les jeunes et ceux issus du milieu urbain. C'est pourquoi ces derniers versent dans le désespoir, le pessimisme voire le nihilisme. C'est ce qu'expriment les formes de contestation auxquelles nous assistons aujourd'hui.
Vous avuez participer à l'élaboration d'un vaste projet de relance à moyen et long terme de l'économie algérienne. Serait-il tombé à l'eau ?
Il est en stand-by. Il concerne la stratégie industrielle et a pour objectif justement de relancer l'économie nationale sur des bases sûres et durables. C'est-à-dire en réindustrialisant le pays et en faisant appuyer la création d'emplois durables sur l'industrie et les services et non pas sur l'économie informelle ou sur les investissements publics tirés par le budget qui sont, malgré toute leur importance en terme d'effet d'impact sur la vie des gens, inefficaces en matière de création d'entreprises et d'emplois durables. La problématique fondamentale est de fonder une nation manufacturière qui crée de l'emploi et répartit des revenus équitablement. Et se met en situation de compétitivité par rapport aux autres nations, dans un marché mondial de plus en plus ouvert et dur sur un plan concurrentiel.
Est-ce que vous pensez que ça été une erreur de la part des pouvoirs publics d'avoir brutalement intervenu par la taxation sur le marché des produits de première nécessité ?
Il faut faire la part des choses. Nous assistons à un grand retour de l'Etat pour récupérer ses périmètres de mission régalienne. Et il a échoué à intervenir dans la régulation des marchés, dans la restructuration de l'économie, notamment dans son poumon le plus nocif, à savoir l'économie informelle. L'ensemble des mesures prises, y compris celle d'utiliser le chèque à concurrence de 500 000 da, étaient destinées à affirmer le retour de l'Etat. Sans lesquelles un marché productif ne peut se mettre en place. C'est un échec total. Il faut revoir les choses de manière globale. L'économie informelle ne peut pas disparaître par des démarches répressives. Elle ne peut être réduite qu'à travers des démarches inclusives. Où les forces économiques doivent trouver un interlocuteur et doivent pouvoir payer le coût de la légalité, d'accès à celle-ci. C'est quoi un marché informel ? Les gens qui fuient la légalité le font parceque son coût est élevé. Si on leur donnait de s'intégrer dans l'économie formelle en payant un coût équitable, on pourrait réussir le pari.
Il y a ce défi que s'est lancé le gouvernement actuel de créer 200 000 nouvelles PME en cinq ans. Vous y croyez ?
C'est très difficile. Malgré les discours optimistes, l'Algérie a aussi échoué dans son ambition de mettre en place un climat d'affaires et une structure d'incitation qui permet, notamment aux jeunes de se développer en tant qu'entrepreneurs et de créer des alternatives en termes de création de PME. Il y a une situation telle que la classe d'entrepreneurs mise en place n'arrive pas à se développer de manière compétitive, à cause de déséquilibres concurrentiels importants, entre autres le marché informel, les ouvertures sauvages, les incitations qui sont de plus en plus détournées.
Les émeutes pour les grandes villes algériennes ont démarré d'Oran qu'en est de cette image d'Epinal qui fait d'Oran la capitale des affaires et du privé ?
Cette image d'Epinal est partie depuis plusieurs années. Dans le développement économique, Oran a été déclassé. De la première position elle est passée à la troisième. Avant, à part Alger, Oran était leader dans la création d'emplois par le secteur privé. Les industries qui y existaient (textile, plastique, cuir, agroalimentaire) n'ont pas résisté à l'ouverture du commerce. Dès qu'on a ouvert l'économie, il y a eu une hécatombe de ces industries avec les emplois.
Mohamed Bahloul est économiste
et analyste. Il est fondateur directeur de l'Institut de développement
en ressources humaines (IDRH), établissement privé qui, par ailleurs, organise régulièrement des activités culturelles et débats qui attirent
des intellectuels oranais.


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