Bien que syndicat unique, l�Union g�n�rale des travailleurs tunisiens (UGTT) a toujours jou� un r�le capital dans les mouvements sociaux. Si sa direction nationale a souvent �t� proche du pouvoir, ses unions r�gionales et ses cadres locaux ont de tout temps soutenu et accompagn� les mouvements de protestation. L�implication de sa structure r�gionale dans les �v�nements qui ont secou� Sidi Bouzid en constitue la meilleure preuve. L�UGTT a r�ussi l� o� les partis politiques ont �chou�. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Les commentateurs avis�s qui suivent avec beaucoup d'attention les d�veloppements de la crise sociale en Tunisie oublient, trop souvent, de parler du r�le central que joue l'UGTT (Union g�n�rale des travailleurs tunisiens) dans l'�preuve de force ouverte et dont nul, aujourd'hui, ne peut pr�dire l'issue. Pourtant, la place qu'occupe et que va occuper l'UGTT sera sans doute l'�l�ment d�terminant pour la survie ou l'effondrement total du r�gime de Ben Ali, L�implication directe de la structure r�gionale de l�UGTT dans les �v�nements de Sidi Bouzid a cr�� un effet de feedback, obligeant sa direction nationale � rejoindre les mouvements sociaux. L�UGTT a jou� pleinement son r�le dans les semaines qui ont suivi les �v�nements de Sidi Bouzid. Pour preuve, dans son dernier communiqu�, l�UGTT a �t� ferme dans sa position en pla�ant ses revendications � un niveau clairement politique. Elle exige, ainsi, des r�formes politiques dans le sens de la d�mocratie et le renforcement des libert�s. Le comit� administratif, soit l��quivalent de la commission ex�cutive nationale (CEN) de l�UGTA, a d�nonc� la situation de d�s�quilibre r�gional dans la politique de d�veloppement et demand� sa r�vision face � l��chec des investissements priv�s dans ces r�gions, malgr� les privil�ges fiscaux financiers et sociaux dont ils ont b�n�fici�s. L�UGTT a revendiqu� le droit d��tre repr�sent�e au sein des conseils r�gionaux et d�accorder � ses repr�sentations le droit de si�ger. Elle a, en outre, exig� la lib�ration de tous les d�tenus arr�t�s suite � ces �v�nements et r�paration aux victimes, tout en d�non�ant le si�ge impos� par la police aux maisons de ses repr�sentations dans les r�gions et les agressions subies par les syndicalistes devant ses locaux. C�est � partir de cet instant que la centrale syndicale tunisienne est rentr�e de plain-pied dans la contestation politico- sociale. Mais la principale question que se pose l�opinion publique internationale est celle relative � la capacit� de mobilisation de l�UGTT et �galement � son ancrage au sein du monde du travail. Ainsi, en l�absence de partis politiques pouvant jouer un r�le de contre-pouvoir, c�est l�UGTT qui fut appel�e � jouer ce r�le. D�j� au milieu des ann�es 80 et au d�but des ann�es 90, un grand nombre d�intellectuels ont commenc� � s�orienter vers l�UGTT. Fond�e en 1946 par Farhat Hached, �pour que les travailleurs sur leur propre plan participent � la lutte anticolonialiste �, l�UGTT mena le combat pour l'ind�pendance nationale pendant ces ann�es sombres o� la violence coloniale se �d�cha�nait contre le peuple et les militants�. Elle est l'organisation qui a os� tenir t�te � Bourguiba pour d�fendre les int�r�ts des travailleurs et qui le paya plusieurs fois par l'arrestation et l'exil de ses dirigeants. Vingt-cinq ans apr�s, ils r��ditent le coup. Ses animateurs, qui sont recrut�s dans leur totalit� parmi les militants de la gauche (trotskyste), viennent de remporter une manche importante dans leur lutte pour l�instauration d�une d�mocratie durable en Tunisie.