Par Brahim Taouchichet A bien y voir, pour les officiels alg�riens, Kadhafi est d�j� pass� � la trappe et nul besoin d�en faire grand bruit � travers des d�clarations tonitruantes. Bouteflika vit un vrai paradoxe. Dans un contexte interne et externe fait d�une actualit� br�lante tant elle interpelle le pouvoir alg�rien, le locataire d�El-Mouradia d�roge � ses habitudes de monopoliser la parole (rappelons-nous ses fameux discours des d�buts de son premier mandat) s�agissant de questions de politique interne ou de probl�mes engageant l�Alg�rie. Cherche-t-il � confirmer l�adage qui veut que si la parole est d�argent, le silence est d�or ? Voire� C�est la porte ouverte � toutes les supputations, toutes les sp�culations depuis de longs mois. Observateurs politiques et homme de la rue s�interrogent. Ce silence est-il voulu ou est-ce le sympt�me d�une incapacit� que l�on veut cacher � une opinion publique � l�aff�t de la moindre nouvelle � ce propos ? Ce constat, tout un chacun peut le faire certes. Mais doit-on s�en contenter sachant que le premier magistrat d�un pays est dans l�obligation imp�rieuse de parler � son peuple dans les moments de grands enjeux de la vie d�une nation. Accus�, taisez-vous ! A contrario, existe-t-il d�autres canaux d�expression qu�utiliserait Bouteflika au-del� de la formule du �message lu� en son nom � l�occasion d�une conf�rence ou d�un s�minaire, pratique d�j� exp�riment�e qui refl�te le choix de la mesure de son auteur plut�t que son total engagement. En temps normal, dirions-nous, cela se passerait de commentaires si insistants et l�heure n�est pas aux tergiversations. Il y a eu les insurrections populaires en Tunisie et en �gypte et les marches � emp�ch�es � pour le �changement et la d�mocratie� � Alger sur lesquels c�est Mourad Medelci � ministre des Affaires �trang�res � qui s�est exprim� quand bien m�me il s�agit d�un probl�me interne ! Autres temps, autres m�urs ? En tout cas ce canal d�expression ne fait que chauffer la pol�mique autour de Bouteflika qui ne donne aucun signe de vouloir rompre cette logique du silence. Peine perdue de le pousser � parler ? Pourtant, il y a urgence ! La guerre civile en Libye interpelle plus que jamais ne serait-ce que parce que nous partageons plus de mille kilom�tres de fronti�res avec ce pays et que d�j� se d�verse le flot de r�fugi�s mobilisant pour leur prise en charge d��normes moyens mat�riels et humains. Il est connu que le s�rail politique alg�rien est un fervent adepte de la diplomatie secr�te d�o� une certaine retenue dans les d�clarations publiques. Par contre, il existe une pratique traditionnelle � laquelle il est plus fr�quemment recouru pour compenser les canaux d�expression courants r�duits au silence � par calculs ou pour plus de cr�dibilit�. Une fa�on d�tourn�e de rendre compte, de r�duire la pression sur les d�cideurs. C�est le recours � des relais qu�ils soient hommes politiques, associations ou journaux. Ainsi, concernant la position de l�Alg�rie vis-�-vis des �v�nements en Libye, c�est un journal gouvernemental qui est charg� de la signifier � d�faut de l�agence officielle Alg�rie presse service (APS) qui en a souvent la charge. Rappelons-nous la r�plique de Bouteflika au tout d�but de son mandat. �Le r�dacteur en chef c�est moi !� r�torqua-t-il tout de go � la journaliste de l�APS qui lui avait pos� une question en cette qualit�. Le quotidien gouvernemental reprend en bonne place (la place de l��ditorial) et � la Une la d�claration du pr�sident du Conseil de transition libyen Mustapha Abdel Jalil d�mentant l�implication de l�Alg�rie dans le transport de mercenaires pour le compte de Kadhafi. Le message aux Libyens L�ancien ministre de la Justice, qui fut le premier � d�missionner de son poste, en guerre contre le colonel, serait-il vu contre l�alternative et donc la nouvelle autorit� de la Libye ? Sa�d Bouteflika, le fr�re du pr�sident, lui, a �t� aper�u � l�ambassade de Libye � Alger� D�autres journaux priv�s qui ont fait all�geance au pouvoir pratiquent ce m�me exercice. Mourad Medelci ne veut absolument pas se mouiller exprimant tout juste les �pr�occupations de l�Alg�rie�. M�me s�il ne s�agit pas de se mettre � dos le colonel, qui est sur la fin, il est de coutume d��viter toute relation conflictuelle avec cet enrag� ! Nos officiels savent tr�s bien le co�t de gestion de la politique de voisinage avec un Kadhafi prompt � sonner les clairons de la subversion, ne se g�nant pas d�armer les Touareg, d�appeler � une �r�publique du Sahara� ou de laisser passer les armes pour les terroristes. A bien y voir, pour les officiels alg�riens, Kadhafi est d�j� pass� � la trappe et nul besoin d�en faire grand bruit � travers des d�clarations tonitruantes qui risquent d��tre contre-productives. Ce n�est pas Mourad Medelci qui contredira cette th�se, lui qui s�av�re �tre un ministre qui �parle� plus prolixe que d�habitude. Connaissant l�hostilit� l�gendaire de Bouteflika contre quiconque oserait marcher sur ses plates-bandes, c�est-�-dire le domaine tr�s r�serv� du pr�sident de la R�publique que sont les affaires �trang�res, il est plausible de croire � une d�l�gation de pouvoir ou mission command�e. Faut-il rappeler qu�il n�existe plus de porte-parole ni au niveau de la pr�sidence (fonction assum�e un temps par El Hachemi Djiar, l�actuel ministre de la Jeunesse et des Sports), ni au niveau des affaires �trang�res. C�est aussi pour cela que le ministre des Affaires �trang�res est envoy� au charbon plus fr�quemment et tant pis s�il donne la f�cheuse impression d��tre � chaque fois dans une position inconfortable pour parler� devoir oblige ! Cela rend encore plus flagrants les silences de Bouteflika. Pis, c�est unique dans les annales des Etats : en Alg�rie, le pr�sident de la R�publique n�a jamais r�uni les responsables de presse pour un �briefing� depuis son �lection en 1999, pratique courante ailleurs. Celui qui ne veut pas �tre un �trois-quart de pr�sident� (d�claration surprenante faite devant le ministre des Affaires �trang�res belge d�alors) man�uvre en actionnant d�autres relais. Exit Ahmed Ouyahia, le Premier ministre qui donne de �fakhamet erra�s�. C�est en dehors de l�Alliance pr�sidentielle, en d�ficit de cr�dibilit�, qu�il faudra voir. Louisa et les autres Louisa Hanoune, pr�sidente du Parti des travailleurs (PT), n�en rate pas une pour se faire son porte-voix, dans maintes situations (conflits, guerres, crises r�gionales ou internationales) : �Le projet am�ricain de Grand-Moyen-Orient menace les Etats dans leur existence m�me et nous refusons l�intervention ou la pr�sence militaire �trang�re chez nos voisins.� C�est tr�s commode, au cas o� �a tourne mal, ces prises de position n�engagent que sa personne et tout au plus son parti � qui n�est pas dans le pouvoir. A l�inverse, rappelons que la ministre fran�aise des Affaires �trang�res a �t� �d�barqu�e � du gouvernement pour des erreurs fatales dans sa gestion du dossier de l�insurrection tunisienne. C�est bien plus son soutien au r�gime de Ben Ali qui est � l�origine de sa perte. Tout le tapage orchestr� autour des avantages dont elle a profit� n��tait qu�un �cran de fum�e visant � occulter l�amateurisme de la diplomatie fran�aise sous Sarkozy (affaires des otages de l�AQMI notamment). Fran�ois Fillon, le Premier ministre est toujours en place malgr� l�aveu de ses vacances prises en charge (en partie, sic !) par l�ex-pr�sident Moubarak. Le rappel d�Alain Jupp� se justifierait par tous ces discr�dits. D�autres canaux inhabituels voire insolites d�expression peuvent emprunter des voies qui laissent songeur. C�est le cas du coordinateur am�ricain charg� de la lutte anti-terroriste, Daniel Benjamin. Ce n�est pas Rezag Bara, conseiller aupr�s du pr�sident Bouteflika, qui s�est exprim� sur la crise libyenne � l�issue de deux jours de travaux du groupe alg�ro-am�ricain. Le repr�sentant am�ricain a pris sur lui de rappeler que notre pays est contre toute intervention militaire (en clair am�ricaine ou europ�enne) poussant �l�amabilit� jusqu�� souhaiter �paix, stabilit� et d�veloppement� � l�Alg�rie.