L'Unique a-t-elle une dent contre le… wali d'Alger ? C'est ce que le proche entourage de ce dernier pense après la brève séquence télévisée de lundi dernier sur le relogement, à Birtouta, des habitants de La Casbah montrant une fille de 14 ans contredire de manière très sèche les propos du wali délégué de ladite commune à propos des conditions offertes quant à la scolarisation des nouveaux occupants de la cité. Alors que le premier responsable administratif de la localité affirmait que les pouvoirs publics ont mis tout en œuvre pour assurer une entrée scolaire sans problèmes à tous les enfants, la fille en question soutenait devant les caméras que depuis quinze jours les portes de l'école lui sont fermées faute de… tables. Une façon faussement innocente de nous interpeller sur le fait que tout ce que racontent les gens du pouvoir n'est pas toujours vrai… Pour une fois que le micro est servi sur un plateau aux mécontents, comme à ce locataire qui se plaignait de n'avoir bénéficié que d'un F2, on s'est dit qu'il y a peut-être quelque chose de nouveau dans la manière de traiter l'info sachant pertinemment que ce n'est pas dans les habitudes du service d'information de la Télévision nationale d'aller à contre-courant du discours officiel. Sauf que dans ce cas précis, on apprend que la jeune interviewée relèverait selon toute vraisemblance d'une mise en scène qui a laissé les téléspectateurs quelque peu perplexes sur les intentions réelles de cette couverture médiatique dans la mesure où l'interlocutrice se trompait sur toute la ligne. Y a-t-il eu manipulation ? Au niveau du CEM Aliane Ali ciblé pour la circonstance, on affirme en tout cas que la rentrée scolaire n'a laissé personne en rade, et la directrice de l'établissement a même fait, pour rétablir la vérité, une déclaration télévisée en ce sens qui est restée à ce jour dans les tiroirs, alors que la jeune fille, pour les besoins d'une explication, reste introuvable dans la circonscription. Une attitude troublante donc de la part de l'Unique qui semble s'être prêtée à un jeu équivoque à connotation politique dans lequel le patron de la wilaya d'Alger, initiateur de l'opération relogement de Birtouta, a de fortes présomptions de se sentir concerné. A la veille d'un probable mouvement des walis, celui-ci a toutes les raisons de penser que la télé l'a subrepticement mis dans le collimateur en essayant de lui coller quelques mauvaises notes qui compteront dans la décision finale. C'est possible qu'il ne s'agît là que de spéculations qui dépassent l'imaginaire, mais une chose est sûre, l'Unique ne fait jamais les choses sans calcul. En fait, si elle s'est impliquée dans ce genre de «manigance», c'est qu'elle a reçu des instructions pour le faire, cela dit sans vouloir défendre la «tête» du wali d'Alger qui a par ailleurs son propre bilan à faire valoir pour se tirer d'affaire. Le revers de la médaille est malheureusement aussi triste. Mettre aussi sous le boisseau des évènements qui intéressent le grand public n'est jamais innocent et relèverait de directives qui rappellent que notre télé n'a aucune liberté d'action même si, par moments, elle donne l'impression de vouloir s'aligner sur les canons classiques d'une vision objective de l'actualité. Paradoxe des paradoxes, un confrère nous a appris à ce propos que le président de la République en personne serait très mécontent du travail informatif de l'Unique sous prétexte qu'elle reste très repliée sur elle-même et incapable d'assumer sa mission de service public. Toute cette soumission n'a donc pas suffi pour s'attirer les grâces d'El Mouradia. On serait tenté de dire pourquoi puisque plus «docile» que notre petit écran, ça n'existe pas dans le monde, d'autant que s'il a sombré dans un comportement aussi stérile, c'est parce qu'on l'a voulu au plus haut niveau. Pourquoi s'en plaindre maintenant et retourner contre lui les accusations les plus sournoises ? Les influences politiques étant omniprésentes dans notre communication télévisuelle, il va sans dire que les silences imposés sur tel ou tel évènement donnent toujours une lecture précise sur la position des hommes du pouvoir vis-à-vis des contestataires du système. Quand la disparition d'un homme aussi prestigieux que celle de Mohamed Arkoun fait l'objet d'une couverture pour le moins ridicule parce que ressemblant à un boycott à peine voilé, on comprend tout de suite que le disparu n'était pas en odeur de sainteté avec nos dirigeants juste pour sa liberté de pensée. De même que refuser de médiatiser le procès des non-jeûneurs de Aïn El Hammam ou de parler de l'affaire de la jeune Algérienne violée et assassinée à La Mecque, signifie que la télé nationale prend sur elle la responsabilité de ne pas froisser la mouvance islamique alors que les faits sont graves et n'ont pas manqué de choquer l'opinion algérienne. Si l'Unique a le courage d'apporter la contradiction à un wali dans une simple opération de relogement, pourquoi ne fait-elle pas preuve de la même «audace» pour une actualité plus criante et plus sensible ? Deux poids, deux mesures, mais un assujettissement au pouvoir qui reste malgré les circonstances et les conjonctures intangible et infaillible.