Par Hassane Zerrouky Les changements de r�gime en Tunisie et en �gypte ont �t� l��uvre de mouvements civils. Contrairement � la �R�volution orange� ukrainienne, organis�e par des ONG financ�es et soutenues par des fondations universitaires am�ricaines ayant partie li�e � la CIA, en Tunisie, la r�volte est n�e dans une localit� pauvre, Sidi Bouzid, avant de s��tendre et d��tre encadr�e par l�UGTT soutenue par les forces de l�opposition. En �gypte, m�me cas. L� �galement, Hosni Moubarak a �t� contraint de partir sans ing�rence occidentale. Il suffit de rappeler que Benyamin Netanyahu a fait des �pieds et des mains� afin que Washington ne l�che pas ce pr�cieux alli� d�Isra�l et que l�Arabie saoudite a soutenu Moubarak jusqu�au bout. Ces deux r�volutions ont pris de court les capitales occidentales. A d�faut de contenir ces mouvements populaires, comme cela se pratiquait dans les ann�es 1960-1970 o� la CIA fomentait des coups d�Etat, Washington a fini par prendre acte des changements intervenus tout en veillant � ses int�r�ts � court et moyen terme. Ailleurs, dans le monde arabe, il en va autrement. Au Y�men, en d�pit d�une r�pression sanglante, le pr�sident Abdellah Saleh, autre alli� des Etats-Unis dans la lutte contre Al Qa�da, s�accroche. A Bahre�n, l�Arabie saoudite et les Emirats sont intervenus militairement pour sauver la monarchie des Khalifa. Dans les deux cas, les Etats-Unis ont pr�f�r� regarder ailleurs. Les int�r�ts am�ricains sont si consid�rables dans cette r�gion du monde qu�ils semblent justifier cette politique de deux poids deux mesures qui fait qu�on ferme les yeux sur la r�pression � Bahre�n, Oman et au Y�men, et qu�on se montre, en revanche, intransigeant vis-�-vis de la Libye de Kadhafi. Les forces de Mouammar Kadhafi �taient, certes, sur le point de prendre Benghazi. La d�route des insurg�s libyens, les rodomontades du �Guide� ont beaucoup pes� dans la d�cision du Conseil de s�curit� d�instaurer une zone d�exclusion a�rienne. Argument avanc� par Paris et Londres : la protection des civils libyens. C�est une guerre men�e au nom de la d�fense des valeurs humanitaires. Mais la r�solution 1973 du Conseil de s�curit� ne mentionne nulle part que l�objectif de l�intervention occidentale est d��liminer Kadhafi. Bien au contraire, elle �appelle � une solution de la crise qui satisfasse les revendications l�gitimes du peuple� et prend en compte la recommandation de l�Union africaine pour �un dialogue qui d�bouche sur des r�formes politiques n�cessaires � un r�glement pacifique et durable�. M�me le sommet de Paris, qui a interpr�t� � sa guise la r�solution 1973, et d�cid� de frappes militaires contre la Libye, n�a pas mentionn� la question de l��limination de Kadhafi ! D�o� le revirement de la Ligue arabe qui avait appel� � une zone d�exclusion a�rienne, et les divergences au grand jour entre Berlin et Rome, voire Washington, d�une part, et Paris, d�autre part. La Libye n�est ni la Tunisie, ni l��gypte : c�est un pays o� le syst�me tribal � les Warfallah � l�est, les Kedhafa dont est originaire le dictateur libyen au centre, les Touareg et les Toubous au sud � est l�un des piliers (sinon le principal) de l�organisation sociale libyenne, sur lequel s�est de tout temps appuy� Kadhafi. Ce dernier ainsi que son fils Seif el Islam n�ont-ils pas appel� les tribus � �craser les insurg�s ? Ce qui fait que dans ce pays o� il n�existe aucune force sociale organis�e � pas de partis, ni de syndicat et de soci�t� civile � � m�me de combler le vide que cr�era in�vitablement la chute de Kadhafi, le risque d�une �volution � la somalienne n�est pas � �carter. Dans ce cas de figure, l�Occident va accorder la priorit� � la protection de la �Libye utile�, celle des puits de p�trole, au d�triment des civils. Le mieux n�aurait-il pas �t� que ce soit les pays arabes qui interviennent pour aider les insurg�s libyens et favoriser, � l�issue d�un rapport de force sur le terrain, une transition d�mocratique pacifique moins douloureuse ?