Par Arezki Metref [email protected] Dimanche 27 : Tueurs en Syrie ! �a bouge en Syrie, et c�est plut�t hard ! Les dires des sismologues qui ont toujours affirm� qu�il vaut mieux des secousses fr�quentes et de faible magnitude qu�une terre trop calme, trouvent l� leur pleine expression, car cette derni�re fait des ravages quand elle se r�veille. Cette r�gle sismographique se transpose � la politique, et en particulier en Syrie o� le r�gime est � tel point dictatorial qu�on ne peut m�me pas y manifester son soutien au pouvoir s�il ne l�a pas �ourdi� lui-m�me ! La poigne est si lourde qu�on aurait pu croire le peuple syrien heureux. Que veut le peuple ? S�il ne dit rien, c�est qu�il ne veut rien ! Il ne veut rien ? Ah bon ? Enfin, la v�rit� est plut�t qu'il veut quelque chose. Il veut pouvoir dire, justement. C�est un des sens de ce que l�on appelle la r�volte arabe. L'un des sens mais peut-�tre pas le plus important car la cl� de vo�te de tout cela, celle que l�on feint d�ignorer, c�est encore une fois la question sociale. On a beau retourner la chose dans tous les sens, on finit toujours par y revenir. Qu�est-ce qui peut unir des peuples de cultures et langues diff�rentes, sinon la condition sociale. C�est pareil dans tout le monde arabe ! Des pouvoirs souvent viss�s � une �l�gitimit� � puisant dans la force li�e aux int�r�ts des oligarchies mondialis�es r�duisent leur peuple � l��tat de pauvret� en le nourrissant uniquement de discours l�nifiants sur l�identit� sacr�e, tout en faisant mine de s�attaquer � cet Occident aux mamelles desquelles ils t�tent du dollar et de l�euro. Mais revenons � la Syrie. On n�entendait pas les cris des �touff�s. On arrivait � percevoir ceux qui provenaient de Tripoli, du Caire, de Tunis, d�Alger. Mais de Damas, nada ! Et voil� que dans ce mouvement d�ensemble qui a saisi in�galement le monde arabe, la Syrie est � son tour secou�e. L�h�ritier de la tyrannie assadienne est m�me oblig� de donner la troupe. �Les vendredis de la col�re�, comme les ont baptis�s les protestataires de ces marches g�antes qui se forment � la sortie des mosqu�es, ne re�oivent que balles r�elles et l�accusation infamante de jouer un complot de l��tranger. La vieille main de l��tranger si ch�re aux pouvoirs dictatoriaux quand ils perdent la� main trouve un recyclage id�al � Damas. Cette satan�e main de l��tranger a agi en Tunisie avec le bonheur relatif que l�on sait, puis elle s�est envol�e place Tahrir, au Caire, se propageant � Sana� et � Bahre�n. Lundi 28 : H�riter d�un �tat d�urgence ! Il n�y a que dans les dictatures sous-dev ou dans les monarchies que le destin des individus influe sur celui des peuples � un point aussi vital. Voyez Bachar El Assad, par exemple. Ce type a h�rit� du pouvoir �r�publicain � de son tyran de p�re comme d�un h�ritage familial dont, du reste, il ne voulait pas. Le paternel a pris le pouvoir par la force en 1963 et depuis, le pays est sous �tat d�urgence. En vertu de quoi, le parti Baas qui r�gne a impos� des mesures qui continuent � restreindre sinon � annihiler la libert� de r�unions et d�association. La surveillance des communications priv�es est l�galis�e. La presse est tenue d�obtenir l�imprimatur du r�gime. Un citoyen peut �tre arr�t� � n�importe quel moment et d�tenu arbitrairement aussi longtemps que le veulent les ma�tres du pays. Le motif, polymorphe, interchangeable, adaptable � toute situation, est : �atteinte � la s�curit� de l�Etat�. D�s qu�on d�cide �a, on peut embastiller qui on veut sans avoir � rendre de compte. Jusque-l�, du moins ! C��tait aussi le cas en Tunisie et en �gypte� et au Y�men� et � Bahre�n� �a change ? Progressivement, peut-�tre !... Et �a sera sans doute le cas pendant encore longtemps en Arabie saoudite et dans les petro�mirats prot�g�s par la gr�ce divine des derricks ! Mardi 28 : Recyclage minute ! Bachar est pr�sident malgr� lui, mais il y est quand m�me, et il a h�rit� de la poigne dont avait fait preuve papa. Faut pas d�m�riter de l�anc�tre ! En r�alit�, El Assad, premier du nom, Hafez pour ne pas le pr�nommer, avait pr�par� son fils a�n�, Bassel, � sa succession. Dans la vaste et ancienne Syrie, il n�y avait naturellement pas un homme � et encore moins une femme, of course � en dehors du rejeton du chef � avoir les comp�tences pour diriger le pays ! Bachar, lui, le cadet, �tait occup� par ses �tudes de m�decine � Damas puis � Londres o� il empoche une sp�cialit� en ophtalmologie. On le dit d�pourvu d�app�tence pour la politique. Mais son fr�re a�n� Bassel, promis au tr�ne, lui joue le mauvais tour de se tuer en voiture en 1994. Hafez, le p�re, rappelle d�urgence Bachar, le cadet r�tif � la politique, de Londres pour le fourrer � l�acad�mie militaire de Homs. C�est �a ! Tu deviendras colonel comme papa. La proph�tie s�accomplit en 1999 ! Mercredi 29 : Le training pr�sidentiel ! Papa entra�ne fifils � �tre pr�sident en l�envoyant effectuer des missions pour le gouvernement syrien. C�est dans ce cadre par exemple qu�en 1999 � toujours �, il est re�u en t�te-�-t�te, privil�ge de chef d�Etat en devenir qu�il �tait, au Liban par Emile Lahoud et en France par Jacques Chirac. A la mort de Hafez El Assad, le seul probl�me n�est pas que Bachar lui succ�de ou non. La question ne se pose pas �tant donn� que, comme jadis, il n�y a personne d�autre que lui pour s�asseoir sur le tr�ne. Le probl�me, c�est que la Constitution syrienne fixe l��ge minimum pour pr�tendre � la pr�sidence de la R�publique � 40 ans. Bachar n�a que 34 ans alors� Qu�� cela ne tienne ! Le Parlement syrien saura prouver � l�occasion qu�il peut, pour des raisons familiales, se transformer en atelier de couture pour faire du sur mesure. L��ge minimum est abaiss� � 34 ans. Bachar peut enfiler l�habit du p�re, rafistol� par le Parlement. Ce sera par le r�f�rendum du 25 juin 2000. Le paradoxe est que le peuple syrien le voit comme un r�formateur. On s�attend � une d�mocratisation. Au d�but, il s�y aventure avec timidit�. Il fait lib�rer des prisonniers politiques et tol�re m�me des forums dans lesquels des intellectuels osaient �voquer la fin de l��tat d�urgence. Cette agitation platonique, on l�a appel�e le �printemps de Damas�. L�automne n��tait pas loin ! Sous la pression de la vieille garde men�e par Abdel Halim Khaddam, ancien bras droit du p�re et vice-pr�sident du fils, un tour de vis est donn�. Le cacique craint une� �alg�risation�. Oui, il redoutait le pluralisme tel que l�Alg�rie s�y essayait depuis 1989. Jeudi 30 : Retour de b�ton ! Bachar se raidit. Il jette en prison plus d�intellectuels qu�il n�en avait lib�r�s lorsqu�il �tait un �bleu� et qu�il arrivait avec un espoir de changement. Ceux qui doutaient de l�automaticit� de la formule �tel p�re tel fils� ont d� reconna�tre leur erreur ! Bachar est bien le digne fils de papa ! Et surtout le digne continuateur d�une tradition de despotisme oriental h�r�ditaire, accept�e et appliqu�e avec z�le par des seconds qui s�av�reront souvent f�lons ! Khaddam voulait en 2005 prendre le pouvoir apr�s s��tre aplati sa vie durant devant le ma�tre de Damas ! Etc. Vendredi 31 : C�est pas pareil qu�ils disent ! Je te vois d�ici� Et le r�le de la Syrie dans la r�gion comme contrepoids � Isra�l ? Critiquer El Assad, c�est esp�rer que son r�gime tombe, ce qui fait le jeu d�Isra�l, etc. Tous les poncifs pour emp�cher que les choses ne se d�mocratisent sont bons � prendre ! La fameuse main de l��tranger ! Comme si un r�gime t�tu et dictatorial faisait moins peur � Isra�l que la d�mocratie et l�expression des masses arabes ! Bachar a compris qu�il suffisait d��tre en bons termes avec l�Occident, seule alternative pour mener sa barque comme on veut en interne. Il est enthousiasm� par le projet de l�Union pour la M�diterran�e de Sarkozy, qui n�en demande pas tant. D�s qu�Al Assad sera dans des difficult�s inextricables, le crois� de Paris sera le premier � porter l�estocade. Et d�s qu�il commencera � tr�bucher, ses plus fervents soutiens quitteront le bateau ! On n�arr�te pas de le constater, pardi ! Pour l�heure, contrant l��vidence de cette grosse vague de protestation � laquelle se m�lent d�sormais les Kurdes, le r�gime continue � dire : �La Syrie, c�est pas pareil !� Ils disent tous �a ! Ils osent affirmer que la col�re est celle d�une minorit�. Ils se gourent tant ils sont convaincus qu�ils ma�trisent, et ma�triseront toujours tout. Ils n�ont pas vu que l�entr�e du t�l�phone portable et de l�ordinateur avait r�volutionn� la circulation de l�information par laquelle le r�gime �tranglait le pays. Un double clic, et c�est parti !