Le choix du président de l'APN a toujours relevé du domaine réservé au président de la République même si constitutionnellement le premier député de l'APN est élu par ses pairs dans un scrutin à bulletin secret ou à main levée. Officiellement, le poste de président est ouvert à toutes les candidatures. Cependant, et ce n'est nullement le fait du hasard ou d'un quelconque déficit de candidature, tous les présidents de l'APN qui se sont succédé au perchoir de l'APN ont été cooptés par le pouvoir. Que ce soit du temps du parti unique ou à l'ère du pluralisme. On se souvient du triste sort réservé à l'ancien président de l'APN, Karim Younès, auquel on avait fait payer son soutien au candidat malheureux à l'élection présidentielle d'avril 2004 en l'évinçant de la présidence de l'APN dans des conditions qui ressemblaient fort à un coup de force politique. Avant les dernières réformes constitutionnelles introduisant une seconde chambre dans le système parlementaire - le Sénat, aux côtés de la chambre basse, l'Assemblée populaire nationale - le président de l'APN tirait sa toute-puissance de son statut d'alors de second homme de l'Etat investi du pouvoir d'assurer l'intérim de la présidence de la République en cas de vacance de pouvoir jusqu'à l'élection du nouveau président dans les délais légaux. Il était aussi l'interface entre l'institution législative, l'Exécutif et la présidence de la République. Avec la mise en place du Sénat, le président de l'APN fut délesté de cette prérogative constitutionnelle au profit du président du Sénat qui devient la béquille du pouvoir en cas de vacance à la tête de la présidence de la République. Dans la répartition et l'exercice du pouvoir, l'APN conserve ses missions et son rôle d'instrument du jeu institutionnel et d'appareils à défaut d'être un lieu de débat démocratique, l'expression réelle de la volonté populaire. Il n'y a qu'à voir dans quelles conditions les différents présidents de l'APN furent nommés et remerciés — certains d'entre eux, à l'instar de Karim Younès, furent sommés de rendre le tablier en cours de chemin avant la fin du mandat de l'APN — pour comprendre l'enjeu fondamentalement politique lié à ce poste. Le président de l'APN est le premier verrou et la première passerelle dans l'édifice institutionnel, dans le travail législatif et l'élaboration des lois. Il peut, à ce titre, influer d'une manière ou d'une autre sur le fonctionnement de l'Assemblée, faire traîner en longueur des projets de loi, faire avorter des propositions de lois indésirables, agir dans les coulisses pour orienter le vote dans le sens des objectifs arrêtés par l'Exécutif. Le choix du président de l'APN obéit à des logiques qui échappent à toute emprise de l'Assemblée. Comme dans un jeu de miroir, il y a d'un côté les apparences démocratiques qui laissent croire que les candidatures à ce poste sont libres et ouvertes comme l'a fait le FLN qui a annoncé avant tous les autres partis avoir choisi son candidat sans officiellement divulguer le nom. Il y a de l'autre côté les vieilles pratiques du système qui sont toujours aussi tenaces et qui font que le choix du candidat au perchoir de l'APN se décide ailleurs que dans les partis, fussent-ils de la majorité. D'ailleurs, les noms des candidats potentiels à ce poste qui circulent depuis bien avant la tenue des élections législatives — des candidats qui ont un dénominateur commun : la proximité avec le pouvoir — confirment clairement les interférences extra-parlementaires auxquelles l'APN est soumise. Le rôle de la majorité parlementaire qui a perdu toute autonomie et identité dès lors qu'elle s'est mise au service d'un tiers programme, celui du président de la République devient à cet égard purement confirmatif. Elle se doit d'appuyer sans réserve le nom du candidat choisi par le pouvoir. La vitrine démocratique du système aura été malgré tout sauve. Personne ne verra les ficelles qui se tirent dans l'ombre pour baliser le terrain à l'APN.