Entretien r�alis� par Hani Mosteghanemi Mohamed Bouchakour est �conomiste. Il enseigne � l�Ecole des hautes �tudes d�Alger. Dans cet entretien, il �voque pour nous les conditions et les difficult�s du passage d�un dialogue social alibi � un dialogue social authentique. Le Soir d�Alg�rie : Le pr�sident de la R�publique vient d�appeler � un dialogue social qui aura lieu dans le cadre du Cnes et de la tripartite. D�apr�s vous, s�agira-t-il cette fois-ci encore d�une mascarade ou plut�t d�un dialogue enfin v�ritable, sinc�rement d�sir� ? Mohamed Bouchakour : Le risque d�un �ni�me pseudo-dialogue n�est pas � �carter. Mais il y a un �l�ment contextuel nouveau � prendre en compte. Le cycle des discussions qui s�annoncent devrait d�pendre cette fois-ci beaucoup plus de ce que les parties impliqu�es voudront qu�elles soient que de mises en sc�ne o� tout serait r�gl� � l�avance et de mani�re unilat�rale. Vu le contexte national et international, on peut pr�sumer que dans la d�marche des autorit�s, le souci de cr�dibilit� devrait �tre aujourd�hui beaucoup plus pr�sent que par le pass�, ce qui constitue quelque peu une br�che ouverte par laquelle les choses pourraient commencer � �voluer positivement. Quoi qu�il en soit, on peut raisonnablement penser que l��poque des dialogues-alibis est historiquement sur le d�clin et que celle des dialogues authentiques est en train de poindre. Qu�entendez-vous par dialogue authentique ? Pour le moment, la notion de dialogue est floue et � g�om�trie variable en Alg�rie. Et fort justement, c�est le tout premier point sur lequel devraient porter� les prochains dialogues, si l�on veut qu�ils soient authentiques. Il faut commencer par un m�tadialogue, pour d�finir ensemble les th�matiques pr�cises sur lesquels il faut trouver des arrangements ou accords, le calendrier � tracer, les r�gles du jeu � observer, la place et le r�le de la m�diation, les m�thodes d��valuation du dialogue, etc. Tous ces points peuvent �tre consign�s dans une charte pour le dialogue social. Ensuite, pourront commencer les discussions de fond sur la base du cadre convenu. Pour ma part, je dirais que, pour �tre authentique, le dialogue en lui-m�me consiste en un �change d�avis, d�arguments, de concessions r�ciproques entre des parties distinctes, mais interd�pendantes en vue de d�boucher sur une d�cision collective sur une question d�int�r�t commun plus ou moins conflictuelle. Le crit�re qui fait l�identit� de tout le processus interne est le caract�re collectif de la prise de d�cision et de son r�sultat final. Cela peut rev�tir plusieurs formes avec des degr�s de participation et d�implication des parties, plus ou moins prononc�s. Pouvez-vous �tre plus explicite ? Il existe toute une palette de d�cisions collectives. La moins intense de ces formes est la consultation : selon une d�marche top-down, les autorit�s arr�tent souverainement, et plus ou moins d�finitivement, un projet de d�cision et convoquent qui elles veulent pour solliciter des avis. Elles peuvent le faire de bonne foi mais sans obligation de prendre en compte les avis collect�s. La consultation est seulement un moyen de v�rifier l�opportunit�, la pertinence, la faisabilit� des d�cisions envisag�es. Cette forme ne permet pas trop de faire la diff�rence avec le dialogue- alibi. A l�autre bout de la palette, la forme la plus intense est la n�gociation. Aucune partie ne convoque l�autre, elles s�autosaisissent. Cette forme ultime de d�cision collective int�gre et d�passe toutes les autres : la consultation, la concertation, la d�lib�ration, le brainstorming, le tout empreint d�une dose de marchandage d��gal � �gal. M�me l�Etat doit �tre capable de savoir o� s�arr�te son r�le de puissance publique et o� commence son statut de simple partie prenante au m�me titre que les autres. La n�gociation est la plus difficile des formes de d�cision collective, mais elle seule conduit aux solutions les plus consensuelles et les plus durables. En bref, le terme de �dialogue� est g�n�rique. Il peut aller de la pseudo-consultation � la n�gociation pure et dure. Aujourd�hui, une r��dition des pratiques ant�rieures de pseudo-dialogues surm�diatis�s ont fait leur temps et sont devenus risibles, n�eurent �t� la gravit� et l�urgence des probl�mes socio�conomiques � prendre en charge. Nous avons besoin d��voluer vers la palette d�un dialogue authentique qui combinerait consultation, concertation, d�lib�ration, brainstorming et n�gociation. Quelles sont les conditions requises pour que la pratique du dialogue social �volue vers cette palette qui fonde son authenticit� ? Il y a � mon sens quatre conditions fondamentales � remplir. Je ne commencerais pas par la plus d�terminante qui est celle de la repr�sentativit� des parties, mais par la plus urgente : sur le tr�s court terme, les r�sultats du dialogue doivent parvenir � satisfaire les revendications avanc�es ici et l�, sachant que celles-ci sont pour la plupart fond�es, l�gitimes et anciennes : un emploi d�cent, un logement d�cent, des conditions de vie d�centes. Les mesures en apparence exorbitantes d�j� conc�d�es � certaines cat�gories de travailleurs du secteur public ne sont dans une certaine mesure qu�un rattrapage par rapport � des attentes, aspirations et frustrations qui sont rest�es trop longtemps �touff�es. Dans ce processus de rattrapage, il y a deux ph�nom�nes tr�s distincts sur lesquels il est int�ressant de s�arr�ter. Le premier est celui de la contagion des revendications syndicales. Celles-ci ne cessent de s��tendre, tout en restant pour le moment quasiment circonscrites au sein de corporations de la Fonction publique et des entreprises publiques, c'est-�-dire la sph�re des salari�s de l�Etat au sens large. Il est tr�s probable que la tra�n�e de poudre continue de s��tendre au sein de cette sph�re et finisse par toucher, par ricochet, le secteur priv�. Ceci peut se produire si la rupture des �quilibres dans la r�partition du revenu d�passe un certain seuil. Mais ce qui est surtout pr�occupant, c�est le second ph�nom�ne : le recours direct et syst�matique � la gr�ve, d�clar�e parfois g�n�rale et illimit�e. En situation normale, la gr�ve est consid�r�e comme une forme ultime de revendication, � utiliser avec mesure et seulement lorsque le dialogue est rompu et qu�on a besoin de le r�tablir. Comment expliquer cette duret� des formes de revendication ? Je ne crois pas que ce soit le fait d�un jusqu�auboutisme irresponsable des mouvements revendicatifs. Je verrais l�explication beaucoup plus du c�t� de l�incr�dulit� de ces mouvements syndicaux sur les vertus du dialogue tel qu�il leur est propos� actuellement et les chances qu�il aboutisse rapidement � des r�sultats satisfaisants. En deuxi�me lecture, c�est un message sur l�exigence d�un v�ritable dialogue et le rejet de toutes tergiversations. Ce qu�il faut en retenir, c�est que plus on tardera � instaurer, par des signaux forts et des garanties fermes, un dialogue social cr�dibilis�, plus la d�claration de gr�ves dures aura tendance � servir de message. Chez nous, la gr�ve ne couronne pas des n�gociations sur des revendications qui n�ont pas abouti. Elle annonce la couleur sur ces revendications et constitue un appel � sortir des faux dialogues pour entamer les vrais. L�expansion du ph�nom�ne de la gr�ve ne fait qu�exprimer une demande g�n�ralis�e de dialogue sinc�re. De tout cela, il faut retenir que l�issue de la dynamique conflictuelle � laquelle nous assistons d�pendra de la fa�on dont les pouvoirs publics traiteront la question du dialogue, et pas seulement les revendications avanc�es. Oui, mais en cr�dibilisant le dialogue, on fera certainement refluer la vague des gr�ves, mais d�un autre c�t�, les pouvoirs publics accepteraient difficilement d�entrer dans une dynamique de redistribution du revenu dont ils ne verraient ni les limites ni la fin ; sans compter les effets en termes de perte de coh�rence au niveau des grilles salariales et statuts et en termes de pouss�e inflationniste. Vous avez parfaitement raison d��voquer ces risques, mais il faut les appr�cier comme les sous-produits d�une dynamique in�vitable . Nous sortons d�un ordre des choses qui est devenu intol�rable et il est tout � fait normal qu�il y ait d�sordre avant que l�on ne retrouve de nouveaux �quilibres. Il serait extr�mement dangereux qu�on en reste sur un dialogue autour de la r�partition d�une richesse qui provient pour l�essentiel de la rente des hydrocarbures. Ce serait scier tous ensemble la branche sur laquelle le pays entier est assis. Vous me donnez l� l�occasion d�aborder la deuxi�me condition que doit remplir le dialogue social. Celui-ci doit tr�s vite s��largir et changer de focus. Il faudra rapidement passer � un dialogue social centr� sur la cr�ation de richesses, � partir d�activit�s hors hydrocarbures. Si cette question hautement strat�gique de la pr�paration de �l�apr�s-p�trole� n�a pas �volu� d�un iota depuis sa premi�re annonce il y a une bonne trentaine d�ann�es, c�est, entre autres, parce qu�elle n�a jamais fait l�objet d�un dialogue authentique. En quelque sorte, le leitmotiv de la revendication et du dialogue social ne devrait plus �tre �je veux ma part de rente pour sortir de la pr�carit�, �el pail� comme on dit chez nous en langage populaire. Il devrait �tre plut�t �je veux que mon pays et moi-m�me sortions de l��conomie renti�re�. Ce changement de positionnement du dialogue social est essentiel pour sa propre efficacit�. Si on le r�ussit, les d�sordres salariaux et statutaires ainsi que la pouss�e inflationniste que nous consentons aujourd�hui auront port� leurs fruits et seront r�sorb�s par la transition du syst�me �conomique. Traiter le dialogue social en s�agrippant aux �quilibres et coh�rences en vigueur, c�est l�enfermer dans une logique conservatrice et un �tat de fait qui reste � d�passer. Ce n�est pas ces �quilibres et coh�rences qui doivent dicter la finalit� et les limites du dialogue, mais la dynamique d�ensemble � imprimer � l��conomie nationale pour qu�elle retrouve � terme ses bons �quilibres et coh�rences dans la r�partition du revenu, la cartographie des statuts socioprofessionnels et la masse mon�taire. Revenons � cette notion d�authenticit� et d�efficacit� du dialogue. Faut-il retenir que m�me en �tant authentique, il peut ne pas �tre efficace s�il reste braqu� sur le partage de la rente qu�on voudrait plus �quitable. En effet, un dialogue efficace est celui qui contribue � faire avancer l��conomie et la soci�t� dans le bon sens et au moindre co�t au sens large : politique, social, financier, et en termes de d�lais. Sa condition n�cessaire est qu�il soit authentique et sa condition suffisante est qu�il prenne � bras le corps les enjeux strat�giques � affronter et les d�fis vitaux � relever dans le contexte global qui est le n�tre aujourd�hui. Si l�on revient aux exp�riences internationales, on peut relever que l�approche de l�Organisation internationale du travail (OIT) est tr�s adapt�e � un dialogue authentique tripartite, mais elle reste tr�s sp�cifique au secteur de l�emploi et du travail, et vise de mani�re restreinte l�objectif d�un travail d�cent. Elle n�int�gre pas pleinement et explicitement les enjeux globaux de l��conomie nationale dans sa dynamique d�ensemble. A c�t� de la conception OIT, les pratiques connues de dialogue social r�v�lent l�existence de deux positionnements fondamentaux : le premier a vu le jour au cours des ann�es 50 et 60, dans le contexte postcolonial des pays en d�veloppement, en g�n�ral les pays africains. Mono-exportateurs de mati�res premi�res, ces derniers ont commenc� � pratiquer, d�s leur accession � l�ind�pendance politique, un dialogue social qui avait pour objet le partage de la rente. Ce type de dialogue a cours jusqu�� pr�sent et suit, selon des modalit�s plut�t informelles et souvent occultes, la conjoncture des cours des mati�res premi�res. La finalit� vis�e est de r�partir des privil�ges en p�riode faste pour asseoir et renouveler des all�geances politiques aux r�gimes politiques en place, et d�assurer la coh�sion sociale en p�riode d�aust�rit� aigu�. Ce type de dialogue a connu son �ge d�or dans les ann�es 70, avec la flamb�e des prix nominaux des mati�res premi�res. Mais il a vite atteint ses limites � partir des ann�es 80 et surtout 90 avec la perte du pouvoir d�achat de ces mati�res premi�res. Aucun des pays englu�s dans ce syst�me n�a r�ussi son �d�collage �conomique �. Ils en sont encore pratiquement tous au stade des pays les moins avanc�s (PMA) ou menacent de sombrer � nouveau et pour longtemps dans ce groupe de pays. Pour le moment, seuls les pays p�troliers ont �chapp� � cette d�g�n�rescence � la faveur d�un sursis accord� par la bonne tenue des prix du p�trole. Et encore, certains pays africains qui ont rejoint le gotha des pays p�troliers n�ont pas quitt� le groupe des PMA. En ce qui concerne l�Alg�rie, un calcul simple visant � reconstituer nos grands agr�gats macro�conomiques, en faisant abstraction des hydrocarbures, montrerait par simulation que nous sommes bel et bien situ�s dans la frange inf�rieure des PMA, toutes choses �tant �gales par ailleurs. Je vous laisse tirer les cons�quences � terme d�un dialogue social qui se limiterait, sans plus, � d�pecer la manne des hydrocarbures� Par ailleurs, il a un second positionnement du dialogue social. Il a �t� introduit d�s la fin des ann�es 70 par ce que l�on appellera plus tard les nouveaux pays industriels (NPI) du Sud-Est asiatique : Singapour, Hong Kong, Taiwan et la Cor�e du Sud. L��mergence de ces quatre �Dragons� a �t� notamment permise et appuy�e par un dialogue social autour de politiques publiques et de r�formes qui s��tait donn� comme objet le d�veloppement de la productivit� globale des facteurs pour faire �merger des entreprises championnes en s�inspirant du mod�le japonais. Ici, il s�agit d�un dialogue en vue d�accroitre la production de richesses par la comp�titivit� internationale. Apr�s les NPI, une autre vague de pays a perc� dans les ann�es 1990 : les BRIC (Br�sil, Russie, Inde, Chine) auquel on peut ajouter le Mexique. Vous noterez que la Russie et le Mexique sont des pays p�troliers importants. Comme les NPI, ce deuxi�me groupe de pays ont su tirer profit de leurs avantages comparatifs dans les activit�s intensives en travail et en �conomies d��chelle, et d�velopper une grande capacit� de rattrapage technologique et de construction d�avantages comp�titifs. Depuis quelques ann�es, � l�ombre des BRIC, une troisi�me vague de pays est en train de se m�nager une nouvelle place dans la division internationale du travail : la Turquie, la Malaisie, l�Afrique du Sud, sans oublier les pays d�Europe de l�Est et des pays comme l�Argentine et le Chili. L� aussi, la perc�e de ces �conomies nationales n�aurait pas �t� possible sans l�institutionnalisation d�un dialogue social focalis� sur les voies et moyens d�affronter les d�fis de la mondialisation, de tirer partie de ses opportunit�s et de se mettre � l�abri de ses contraintes et menaces. C�est dire que pratiquement chaque d�cennie, des pays pr�sentant des diff�rences profondes de tous ordres parviennent � assurer leur �d�collage �conomique�. Le facteur de succ�s est la convergence des politiques publiques et des dynamiques socio�conomiques assur�e par un dialogue authentique et f�d�rateur. En somme, il y a d�un c�t� un dialogue qui a pour objet de se partager de la richesse � partir de la valorisation sur les march�s ext�rieurs de mati�res premi�res providentielles mais �ph�m�res, et d�un autre c�t� un dialogue qui a pour objet de cr�er de la valeur � partir de la mise � contribution pleine et enti�re des connaissances scientifiques et techniques les plus r�centes, de l�intelligence �conomique et territoriale, de l�am�lioration du climat des affaires, du knowledge management, de la capacit� d�innovation, du r�seautage, de la bonne gouvernance, etc. En d�autres termes, il y a un dialogue rentier qui peut, s�il persiste, faire de l�Alg�rie � terme un PMA, et un dialogue productiviste qui peut en faire un pays �mergent. Vous avez parfaitement r�sum� l�alternative terrible face � laquelle l�Alg�rie est plac�e. Par extension, le pseudo-dialogue ou le dialogue-alibi m�ne � terme vers le gouffre des PMA, tandis que le dialogue authentique, � condition qu�il soit productiviste et non rentier, peut conduire vers la piste d�un pays �mergent. Un d�tour par la situation des pays africains montre que pratiquement tous disposent de ressources naturelles importantes, avec m�me des d�couvertes consid�rables d�hydrocarbures, sans pouvoir s�arracher au groupe des PMA, ce qui atteste par ailleurs que la rente ne garantit rien � elle seule, m�me si elle donne lieu � un dialogue en vue de sa r�partition �quitable et consensuelle. Il y a un donc un double saut � op�rer simultan�ment : passer du pseudo-dialogue � un dialogue authentique, et de la forme renti�re de celui-ci � sa forme productiviste. Comment justement op�rer ce double saut ? C�est l�objet des deux autres conditions fondamentales � r�unir pour un dialogue efficace. Je commencerais par dire que le dialogue social doit d�sormais �tre institutionnalis�. Aujourd�hui, des initiatives ponctuelles qui donnent lieu � de grands-messes sont franchement insuffisantes et st�riles, d�autant plus que dans le contexte actuel, elles sont facilement suspect�es d��tre un leurre lanc� par les pouvoirs publics pour apaiser les esprits. Il faut abandonner l�id�e pauvre de ne dialoguer que lorsque les tensions conflictuelles l�imposent et passer � une culture du dialogue vu comme instrument de gouvernance � tous les niveaux. L�on sait aujourd�hui quels sont les principaux b�n�fices d�un dialogue authentique institutionnalis�. Il permet en temps r�el de procurer de meilleurs diagnostics sur le climat socio�conomique, d�am�liorer la pertinence des mesures de politique �conomique, de faciliter leur mise en �uvre, de promouvoir la bonne gouvernance et notamment la transparence, et enfin de construire une atmosph�re de confiance et de coh�sion sociale. Ceci m�am�ne � consid�rer qu�un des points cl�s � inscrire � l�ordre du jour du dialogue social doit traiter de son institutionnalisation et de la feuille de route � lui donner pour le rendre cr�dible, permanent et efficace. Tout le reste doit �tre mis en perspective. La question de l�institutionnalisation d�un dialogue authentique et efficace est probablement un crit�re qui peut servir de test sur les intentions et les capacit�s des uns et des autres � accepter et assumer le dialogue social au plein sens du terme. En adoptant une telle d�marche, le dialogue sur l�usage de la rente ne serait plus inscrit dans une logique de consommation au service de la paix sociale imm�diate, mais dans une logique de construction d�un avenir �conomique national prosp�re. Vous avez parl� d�une quatri�me condition qui concerne la repr�sentativit� des parties. Oui et toutes les parties au dialogue sont ici vis�es. Tout d�abord, la partie gouvernementale qui doit repr�senter l�int�r�t g�n�ral, plus que toute autre partie. Bien compris, l�int�r�t g�n�ral de la nation renvoie � son aspiration � se d�partir de sa d�pendance vis-�-vis des hydrocarbures et � se hisser au rang qu�elle est en droit de m�riter au sein de l��conomie mondiale. Les atouts et potentialit�s de l�Alg�rie, qui sont loin d��tre ceux d�un PMA, sont plut�t comparables � ceux de la derni�re vague de pays �mergents. Il reste juste � disposer d�une vision strat�gique globale claire et pertinente. Cela dit, l�int�r�t g�n�ral dicte aussi de permettre une repr�sentation l�gitime de la soci�t� civile, c'est-�-dire encourager l�ensemble des acteurs et parties prenantes non �tatiques � s�organiser pour faire �merger leurs �lites et leurs repr�sentants propres � tous les niveaux, micro, meso et macro. Je vise ici bien s�r les syndicats de travailleurs et les organisations patronales, mais aussi plus largement � ce qu�on appelle commun�ment la soci�t� civile, c�est � dire toutes les personnes morales et physiques qui ne rel�vent pas des pouvoirs ex�cutif, l�gislatif et judiciaire : les citoyens, les familles, les associations, les entreprises ; bref, tout ce qu�on pourrait appeler l�Agora. Il est clair que le dialogue social avec des �indus repr�sentants� ou avec des interlocuteurs dont le mandat souffre d�un d�ficit de repr�sentativit� et de l�gitimit� constitue une source d�aggravation des probl�mes complexes � r�soudre. Faut-il �tre finalement optimiste ou pessimiste sur l��volution de la pratique du dialogue social en Alg�rie ? Je crois qu�on peut �tre relativement optimiste sur la transition d�un dialoguealibi � un dialogue authentique focalis� sur un repartage relativement plus �quitable de la rente. Cette transition est d�ailleurs en cours et semble aller vers un point de non-retour. Quant au passage � un dialogue authentique en vue d�une transition vers �l�apr�s-p�trole �, on est enclin � �tre plut�t pessimiste, au moins sur le moyen terme. Trop de pesanteurs persistent aussi bien dans les appareils �tatiques, que parmi de larges pans de la soci�t� civile. Nous sommes ici en pr�sence d�un consensus que l�on peut qualifier de mou ou paresseux. Tout l�enjeu est de passer � un consensus dur ou entrepreneur, autour d�un projet �conomique et social national tourn� vers les prochaines d�cennies. C�est ce qui donnerait son sens � un pacte national nouveau, et sa partition � une symphonie majestueuse du dialogue social.