Par Nordine A�t Hamouda d�put� RCD La derni�re sortie de Ben Bella pose, une fois de plus, la place de l�Histoire dans la vie politique nationale. �Un �ne b�t�, c�est le qualificatif qu�use l��pouse d�Abane pour qualifier Ahmed Ben Bella. Cette r�action a suivi les ignominies qu�il a d�vers�es contre Abane Ramdane et les acteurs du Congr�s de la Soummam. Signalons au passage que dans le proc�s que la veuve de l�artisan de la r�volution avait intent� � Ali Kafi pour diffamation d�Abane, elle s'�tait retrouv�e seule au tribunal. Les incoh�rences et les outrances de Ben Bella sont des constantes dans un parcours marqu� par une indigence intellectuelle que n�ont suppl��e ni les ann�es pass�es en prison ni l�aisance mat�rielle dans laquelle il a toujours baign� dans le mouvement national et la vie politique alg�rienne en g�n�ral quand il �tait libre. Une instabilit� originelle La lecture de sa d�position, le 12 mai 1950, dans l�affaire de l�attaque de la poste d�Oran, devant l�officier de police judiciaire, Havard Jean, aujourd'hui sur le net, est stup�fiante. Sans subir la moindre violence, il s�efforce, avec une pr�cision d�horloger, de donner et d�enfoncer tous ses camarades et de faire valoir ses �tats de service pour la France. �J�ai fait la campagne de France 1939-1940, puis la campagne d�Italie. J�ai �t� d�mobilis� avec le grade d�adjudant en juillet 1945. Je suis titulaire de la m�daille militaire avec 4 citations. Je n�ai jamais �t� condamn�, je suis lettr� en fran�ais.� Bien �videmment, Ben Bella souligne son int�gration fran�aise pour mieux se d�marquer de ses co-accus�s qui, eux, n�ont pas eu �la chance� d�avoir servi le drapeau fran�ais avec tant d�enthousiasme. Ce qui l�am�ne � expliquer aux renseignements g�n�raux que : �Comme dans tous les partis politiques, il y a les r�fl�chis, les pond�r�s, les exalt�s, les violents qui trouvent qu�on n�en fait pas assez� et c�est toujours sous la pression des perturbateurs et pour c�der � leurs exigences que certains actes de violence sont commis. Parmi eux, je citerai le cas de l�attaque de la poste d�Oran. Je vais dans le d�tail vous dire tout ce que je sais. Je ne peux pas vous dire si c�est Madjid (A�t Ahmed) qui �tait � ce moment-l� le chef de l�OS ou bien le d�put� Khider, qui a imagin� ou con�u ce coup de force. En tout cas, cette affaire n�a pas pu se r�aliser, � condition que ce soit Madjid qui l�ait con�ue sans en r�f�rer � Khider.� Tous les militants de l�OS, y compris les plus clandestins, y passent : avec leurs fonctions, les r�unions, leurs dates et lieux, les sources d�argent de l�organisation pour conclure sur : �J�ai appris par Madjid lui-m�me que l�argent (de la poste d�Oran) avait �t� transport� chez Boutlelis o� le d�put� Khider devait prendre livraison. Le produit du vol (la poste d�Oran) a �t� enti�rement vers� au MTLD par Khider, la somme d�argent d�couverte chez Kheder, le chauffeur, repr�sentait un pr�t consenti par l�OS pour lui permettre de monter un garage personnel. Si par la suite il me revenait certains d�tails, je ne manquerais pas de vous en faire part ou de les dire au juge d�instruction. � C�est un document qui s�apparente plus � un rapport de mission qu�� des informations arrach�es ou glan�es sur un ennemi. Comment un homme aussi fragile a-t-il pu rebondir dans le mouvement national et, pire, s�imposer � tous ses acteurs ? Sans verser dans la parano�a ambiante, nous verrons dans la suite de cette intervention que c�est parce que les grands choix d�apr�s-guerre ont �chapp� tr�s t�t aux Alg�riens. Ben Bella, qui n�entreprit aucune action significative pendant son passage � l�OS, a, par contre, eu le temps de conna�tre tous les rouages de l�organisation. Le r�sultat de sa collaboration avec l�administration fran�aise se chiffre par des centaines d�arrestations en cha�ne (363 dont 251 pr�sent�s devant la justice), le d�mant�lement total de l�OS (hommes, armes, explosifs, caches, complicit�s�) et la reconstitution des liens de la structure clandestine avec le MTLD qui activait encore dans la l�galit�. Le d�sarroi sem� par cette �coop�ration� parmi ses cod�tenus � la prison de Blida avait pouss� Amar Ould Hamouda (1) � tancer vertement Ben Bella pour avoir donn� tous les militants de l�OS de l�Oranie dont il connaissait la plus grande partie. Vu sous l�angle des d�g�ts qu'il n'aura de cesse d�assener � l�Alg�rie ; on peut croire Ben Bella quand il d�clare que son plus haut fait d�armes est l�attaque de la poste d�Oran. Le personnage se pla�ait d�j� sur une d�marche qu�il n�a jamais abandonn�e : �tranger aux souffrances et aspirations du peuple alg�rien, il sera rapidement rep�r� et sponsoris� par la France et plus tard par Gamal Abdennacer. Il s�est ainsi, tr�s t�t, ouvert la voie pour se faire introniser � la t�te du premier gouvernement de l�Alg�rie ind�pendante par la force de deux puissances �trang�res contre la direction l�gale de la r�volution. Ceci �tant dit, et toujours sur le registre anti-alg�rien, il passe sous silence dans ses sorties un autre exploit, il est vrai obtenu apr�s l�ind�pendance. L��limination de 450 moudjahidine de Kabylie dans la crise de 1963, avec le concours de Boumedi�ne. Pour l�Histoire, il faut dire que cette fois-ci, il a �t� grandement aid� par la politique d�exclusion de son ex-comp�re de la d�l�gation ext�rieure du Caire, Hocine A�t Ahmed, qui a sem� doute et d�sespoir en voulant rester le seul opposant et en condamnant, d�s le d�part, une insurrection qu�il avait chevauch�e en cours de route. On remarque, cette fois encore, que la relation des deux comp�res est � la fois singuli�re et complexe. En effet, A�t Ahmed qui entretient des rapports en dents de scie avec Ben Bella s�est bien gard� de r�pondre � l�attaque de ce dernier. Mais ceci est une autre histoire. L�histoire � contre-courant Revenons au parcours de Ben Bella dans les ann�es 50, � commencer par son �vasion de la prison de Blida. Cette �trange �vasion, de l�avis de plusieurs acteurs de l��poque et m�me de ceux qui connaissent cette prison, le m�ne directement au Caire, o� c�est d�sormais �tabli, il est aussit�t pris en charge par le chef des moukhabarate �gyptiens, Fethi Dib, qui se chargera de le pr�senter � Nasser. Membre de la d�l�gation ext�rieure du MTLD, les services �gyptiens et fran�ais mettent tout leur poids pour le pr�senter comme le chef de l'insurrection alg�rienne allant jusqu'� lui attribuer la paternit� de l'appel du Premier Novembre alors que le r�le mineur des membres de la d�l�gation ext�rieure est de notori�t� publique. Mais comme dans de nombreuses batailles, il y a ceux qui les pr�parent, ceux qui les font, ceux qui les subissent et ceux qui, tapis dans l'ombre, en guettent les dividendes en cas de succ�s : Ben Bella a toujours appartenu � cette derni�re cat�gorie. Il le d�montre encore aujourd'hui. Pour l'enfant g�t�, la d�termination, la conviction et l'�nergie de Boudiaf d�ploy�es pour ouvrir une issue � la crise du mouvement national et remobiliser ses camarades ne sont qu�une agitation d'activiste. C'est monsieur Ben Bella qui aurait tout command� � partir des r�sidences cossues des moukhabarate �gyptiennes. L�imposture ne fait que commencer. Sans l�gitimit� politique et se cachant derri�re les blind�s de Boumedi�ne, il se distingue, le 5 juin 1962, lors de la r�union du CNRA � Tripoli en mena�ant le pr�sident Ben Khedda de lui �enlever publiquement le pantalon�. Au diable la l�gitimit� de toutes institutions et la l�galit� du pouvoir. La culture du pouvoir officiel venait de na�tre. Elle dure toujours. Auparavant, charg� d�acheminer des armes pour les maquis de l'int�rieur, il les d�tourne, sur ordre de Nasser, au profit des opposants au pr�sident Bourguiba qui �tait en d�saccord avec les pr�tentions du Ra�s �gyptien � r�genter l'ensemble des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Il est inutile de dire que ces armes ont �t� achet�es gr�ce aux sacrifices des travailleurs alg�riens, en particulier ceux de l'�migration. Le voyage de Ben M'hidi, au Caire, fait au risque de sa vie, ne changera rien � la conduite de l'agent de Fethi Dib. Apr�s une discussion houleuse avec Ben Bella, Ben M�hidi d�cide de rentrer au pays pour rejoindre, une nouvelle fois, la r�sistance. Lui aussi rejette cat�goriquement le fait que les Egyptiens s'immiscent dans les affaires de la d�l�gation ext�rieure du FLN et d�nonce particuli�rement le choix fait par Fethi Dib sur Ben Bella pour en faire l'interlocuteur exclusif du FLN aupr�s du ma�tre du Caire. Pour le reste et avant d��tre intercept� par les Fran�ais, en octobre 1956, alors qu'il n�a eu comme seule conduite que de se tenir loin du front de la lutte arm�e, Ben Bella s'est acharn� � semer la division et la d�moralisation par le biais de son acolyte Ahmed Mahsas, envoy� en Tunisie pour d�truire la Wilaya I, casser du Kabyle et jeter l'anath�me sur les r�solutions du Congr�s de la Soummam. Il a fallu l�intervention radicale du CCE, qui a emprisonn� Mahsas, pour arr�ter le travail de sape commandit� par Ben Bella. Il est vrai que pour quelqu'un que les services �gyptiens et fran�ais destinent � gouverner l'Alg�rie, la strat�gie de la division �tait normale. Il fallait se pr�server et d�truire toute autre alternative. C'est ce � quoi Ahmed Ben Bella s'attelle pendant que d'autres combattent et exposent leur vie. Il veut m�me d�localiser le Congr�s de la Soummam pour que les militants de l'int�rieur viennent vers lui � San Remo, en Italie. Apr�s cela, il accusera Abane de l'avoir �cart� de la r�union. Le monde � l'envers ! Les s�quelles de la falsification Aujourd'hui, � l'heure d'internet et de la globalisation, les m�dias �clairent d'un jour nouveau des faits et des pseudo-l�gitimit�s, trait�s jusque-l� par les seules officines du syst�me. L'�pisode du d�tournement, par le gouvernement fran�ais, de l'avion menant Boudiaf, Khider, A�t Ahmed, Lacheraf, Ben Bella, du Maroc vers Tunis est � m�diter. La photographie des cinq insurg�s diffus�e dans la presse est le produit d'un montage ex�cut� par un gendarme fran�ais � l'a�roport d'Alger qui intima l'ordre � Boudiaf, qui tenait un classeur, de le remettre �� Ben Bella. La surm�diatisation du r�le de ce dernier (on parlait de l'avion de Ben Bella) symbolis�e aussi par la question de De Gaule : �Je crois que quelqu'un m'a pos� une question sur Ben Bella� alors que personne ne l�avait cit� en dit long sur le marketing fran�ais men� en faveur de l�homme d�Oujda. Plus tard, port� par l'ivresse du parvenu et, sans doute briff� par Pablo (Michel Rabtis dirigeant trotskyste fran�ais et conseiller de Ben Bella), il se hasarde m�me � disserter sur la th�orie de �l'Etat et la R�volution� pour assener au milieu d'un discours prononc� � l'occasion du congr�s du FLN (16-21 avril 1964) qu��il faut combattre sans r�pit ceux qui affirment que la construction d'un Etat est un pr�alable � la r�volution. Un telle voie aboutirait, si on la prenait, � remettre le pouvoir entre les mains de ceux qui poss�dent la culture et l'exp�rience politique�!! Sans commentaire. Sans �tats d'�me, le prot�g� des services fran�ais et n�anmoins agent direct de Fethi Dib �tait, tour � tour, respectueux de l'ordre de la France coloniale pour sauver sa peau en enfon�ant ses camarades, arabiste contre les Kabyles pour �liminer de dangereux rivaux politiques, islamiste contre la libert� et l�islam populaire des Alg�riens et contre �ceux qui poss�dent la culture � dans l'Alg�rie ind�pendante. Pour compl�ter ce slalom, il arborera longtemps le col Mao avant de replonger dans l�exhibition islamiste. Si le coup d�Etat de juin 1965 a eu raison de la m�galomanie du personnage, le syst�me est toujours domin� par une m�moire de l'indig�nat et sur ce point pr�cis, Ben Bella n�est que l�acteur le plus embl�matique d�une tendance g�n�rale o� chacun fait �voluer l�Histoire, non pas en fonction de l�apport de nouveaux documents ou t�moignages, mais selon les positionnements politiques de l�heure. Des hommes comme Mohamed Harbi n��chappent pas � ces tentations. Cela fait deux fois qu�il s�en prend au livre �crit par Sa�d Sadi sur le colonel Amirouche. A deux reprises, il d�coche ses fl�chettes par le recours au jugement moral (Sa�d Sadi, d�mocrate, n�aurait pas montr� de la compassion avec les victimes du FLN) au lieu de traiter, en tant qu�historien, des faits, des t�moignages et des documents constitutifs d'un ouvrage qui d�construisent certaines de ses analyses. Sujets sur lesquels il �tait attendu en tant qu'historien : (fausse all�gation d�un conflit entre Amirouche islamiste et sanguinaire, et Zighout � propos du contr�le de la ville de S�tif, r�le d�Ali Kafi�). Son annonce de la menace de mort contre Bentobal par Krim est, m�me nuanc�e dans une mise au point, une surprise pour quelqu�un qui a tant �crit sur le mouvement national. M. Harbi dit avoir fait cette r�v�lation apr�s avoir pris connaissance du livre testament de Bentobbal auquel il avait eu acc�s. Ni Omar Boudaoud, ni Ali Haroun (responsables de la F�d�ration de France du FLN) qui �taient en contact direct avec Bentobal pendant la guerre et qui ont gard� une relation permanente avec lui n�ont entendu l�ancien ministre de l�Int�rieur du GPRA leur faire part d'un tel projet. Mieux, dans son ouvrage sur les Accords d�Evian (2), pr�fac� par M. Harbi, Haya Djelloul rapporte que Bentobal d�ment toutes les accusations qui ont �t� port�es contre Krim. Se pose alors la question de la fid�lit� des m�moires de Bentobal qui a �t� �persuad�, dans une situation d'extr�me fragilit� morale, de ne publier son t�moignage� qu'apr�s sa mort !! Dans le m�me registre, et sur un autre personnage, monsieur Harbi, �reliftant� le profil de Abdelhafid Boussouf, en donne une image exactement contraire � celle qu'il a d�crite auparavant (3). Autre sujet abord� dans la derni�re interview accord�e � El Watan, ses propres �crits dans R�volution Africaine, au lendemain de l'ind�pendance. Il se trouve que j�ai pu consulter les archives de cette revue o� monsieur Harbi officiait. Ses positions n�ont rien � envier � tous les id�ologues de l��poque. Cela d'ailleurs peut se comprendre dans un climat domin� par la violence g�n�rale ; mais de l� � faire croire que l�organe central du FLN de l��poque �tait une tribune o� s��crivait librement l�histoire de la guerre, c�est prendre de grandes libert�s avec la r�alit�. Il serait temps que les acteurs de la guerre parlent librement et d�posent leurs documents ou t�moignages pour un traitement serein et m�thodique le moment venu. Faute de quoi, la guerre de Lib�ration continuera d��tre la source de nouveaux abc�s et drames. Cette tradition qui consiste � accommoder l�Histoire aux conjonctures politiques est dangereuse et contagieuse� Le r�visionnisme qui commence � polluer Avril 80 t�moigne de la profondeur du mal. La r�gression g�n�rale, produit d�une �cole squatt�e par l'id�ologie et la diffusion d�une culture d�ali�nation, ne pouvait que faire �merger le �leadership� d�un Belkhadem, d�un Mazrag ou d�un Bena�cha avec des faire-valoir kabyle, f�ministe ou technocrate pour les besoins d'un sc�nario n�gateur de l'Histoire et dangereux pour l'avenir. Louisa Hanoune, avec laquelle j'ai eu r�cemment quelques �changes � aujourd'hui int�gr�e dans les man�uvres du syst�me et qui garde ses verbiages aux relents gauchistes � r�sume bien les risques de ces confusions et d�rives en d�clarant : �Il faut des r�formes et pas un changement� !! Tout est dit. Avant de terminer, je tenais aussi � interpeller Sa�d Barkat (un d�linquant en sursis) prompt � investir la surench�re nationaliste pour lui demander de r�clamer que Ben Bella, qui revendique sa filiation marocaine, soit d�chu de sa nationalit�, d�s lors qu�il a d�ni� � Sa�d Sadi et � ses camarades leur qualit� d�Alg�riens. Je ne peux m�emp�cher aussi de penser � Monsieur Lahouari Addi qui s�empressera, cette fois encore, de me r�pondre au motif que je m�attaque � �des symboles qu�on ne traite pas comme des moins que rien�. Cette sensibilit� � la carte manque de cr�dibilit� car elle ne se r�veille que dans des cas bien r�pertori�s et pr�cis. Son silence devant la haine r�currente de Ben Bella � l�endroit des martyrs de la r�volution illustre cette indignation s�lective. La trahison des clercs, avait r�cemment d�plor� Ma�tre Ali Yahia. Ce n'est pas la premi�re fois que j'interviens � propos des man�uvres politiques qui prennent appui sur le d�tournement ou la falsification de l'Histoire. Je le sais, il y a, pour moi aussi, une part de subjectivit� dans mes interventions. Je me suis n�anmoins toujours interdit de manipuler des �v�nements, des t�moignages ou des documents. C'est sur ce minimum concret que j'appelle les acteurs, anciens ou nouveaux, � se f�d�rer. Pour le reste, laissons le jugement � l'Histoire. N. A. H. 1*Amar Ould Hamouda, membre du BP du PPA/MTLD Responsable r�gional de l�OS 2*Le dernier combat, Haya Djelloul Casbah �ditions 2008 Pr�face de M. Harbi 3*Le FLN, documents et histoire 54-62 M. Harbi G. Meynier Casbah Editions 2004