Par Salah Goudjil Une pol�mique ayant vu le jour, tout r�cemment, � propos des conditions du d�clenchement de la r�volution du 1er Novembre 1954 ainsi que du r�le jou� par les dirigeants historiques du FLN, j�apporte le t�moignage suivant, �labor� sur la base de ma propre connaissance des faits ainsi que des diff�rentes narrations recueillies tout le long de mon parcours militant. A l'origine, personne ne peut nier que ce sont les dirigeants rescap�s de l'Organisation sp�ciale (OS) du PPA/MTLD qui ont �t� les responsables du processus qui a conduit au d�clenchement de la r�volution. Pour m�moire, le congr�s du PPA/MTLD qui s'�tait tenu � Alger en avril 1947, faisant �cho � la forte pression des militants de base du parti, qui avait retenu le principe du recours � la lutte arm�e pour arracher l'ind�pendance nationale, avait d�cid� de la cr�ation d'une structure paramilitaire, I'Organisation sp�ciale pour pr�parer les conditions optimales indispensables au d�clenchement de la guerre de Lib�ration nationale. Cette organisation sp�ciale qui avait �t� dirig�e, successivement, par Mohamed Belouizdad, Hocine A�t Ahmed et Ahmed Ben Bella regroupait les militants les plus endurcis du PPA/MTLD, les plus aptes psychologiquement et physiquement pour prendre les armes. Elle a connu un d�veloppement prodigieux en un laps de temps assez court. C'est un incident malheureux, intervenu � la suite de mesures de r�torsion prises par la direction du parti contre un membre de l�OS originaire de T�bessa, qui a permis aux autorit�s coloniales de d�couvrir l'existence de cette organisation puis de la d�capiter, purement et simplement, par l'arrestation de l'essentiel de son encadrement. C'est dans ces circonstances pr�cis�ment que la direction du PPA/MTLD avait d�cid� de geler le fonctionnement de l'OS. Mostefa Ben Boula�d, membre du comit� central du PPA/MTLD et responsable de l'OS pour la r�gion des Aur�s, avait refus� de voter en faveur de cette d�cision et d'obtemp�rer, par cons�quent, aux injonctions de la direction du parti. Pour la v�rit� historique, il faut ajouter que la Basse Kabylie et la Grande Kabylie, dirig�es, respectivement, par Amar Ouamrane, par Krim Belkacem, avaient, �galement, d�cid� de maintenir en vie les structures de l'OS. La plupart des membres de l'OS recherch�s par les autorit�s coloniales avaient trouv�, ainsi, refuge dans les Aur�s. C'est le cas, notamment, de Rabah Bitat, Abdallah Bentobal et Zighoud Youcef re�us, h�berg�s et prot�g�s par Mostefa Ben Boula�d. Amar Bensouda, lui aussi, avait trouv� refuge dans les Aur�s avant de rejoindre la Kabylie. Tous les rescap�s de l'OS avaient �t� int�gr�s dans des structures clandestines, et ce, bien avant la cr�ation de I�OS qui, d�j�, �voluaient dans les maquis des Aur�s et de la Kabylie. Comment A�t Ahmed est devenu chaoui Durant cette m�me p�riode, Mostefa Ben Boula�d a permis � ces dirigeants de l'OS recherch�s d'�chapper aux autorit�s coloniales en les dotant de documents d'identit� leur ayant permis de quitter l'Alg�rie. C'est ainsi que Hocine A�t Ahmed, dirigeant national de l'OS qui, rendant visite � la st�le �rig�e � la m�moire de Mostefa Ben Boula�d � Batna, a exprim�, lors d'un meeting qu'il tenait dans le cadre de la campagne pr�sidentielle de 1999, toute sa reconnaissance � Mostefa Ben Boula�d lequel, � l'�poque, lui fit d�livrer par les services de l'�tat civil de la commune mixte d'Arris o� exer�ait un militant du PPAMTLD Mahmoud Ben Akcha, enterr� aux c�t�s de Ben Boula�d, des documents d'identit� du nom d'un Aur�sien d�c�d� qui lui permirent de se rendre � I'�tranger. Ce jour-l�, Hocine A�t Ahmed est devenu chaoui, originaire des Aur�s. Lorsque la crise, apparue entre Messali Hadj et le comit� central du PPA/MTLD, avait pris des proportions qui devaient conduire � la scission du PPA/MTLD, les militants de bonne volont�, comme ils se proclamaient, avaient cr�� le CRUA (Comit� r�volutionnaire d'unit� et d'action). Ce comit� s'�tait fix� pour objectif de concilier les positions des parties oppos�es en vue de ressouder l'unit� du parti, mais la tentative avait tourn� court. Face au climat d'incertitude et de doute qui r�gnait alors au niveau des organes officiels du parti, I' initiative avait �t� prise de convoquer une r�union des principaux dirigeants de l'OS, � El-Madania, � Alger, pour le 26 juin 1954. C'�tait la r�union connue, depuis, sous le libell� de la r�union des �22� qui visait, pour l'essentiel, de dresser un �tat des lieux et de prospecter les voies et moyens indispensables au d�clenchement de la r�volution. Les participants avaient, par bulletin secret, donn� mandat � Mostefa Ben Boula�d � l'effet d'assurer la coordination des activit�s li�es � la pr�paration du cadre n�cessaire au d�clenchement de la r�volution. Cependant, en d�pouillant les bulletins, Mostefa Ben Boula�d, par humilit�, avait tu son nom pour proclamer � sa place celui de Mohamed Boudiaf. L'une des principales missions confi�es � Mostefa Ben Boula�d �tait de prendre contact avec des personnalit�s du parti pour diriger la r�volution au plan politique, prospection qui n'avait pas donn� de r�sultats. Mostefa Ben Boula�d avait, �galement, nou� contact avec les responsables du PPA/MTLD en Basse et Grande Kabylie � l'effet de les convaincre de rejoindre le processus qui venait d'�tre entam�, ces r�gions n'ayant pas �t� repr�sent�es � la fameuse r�union des �22�. Il convient de pr�ciser que les dirigeants de ces deux r�gions, Amar Ouamrane et Krim Belkacem, qui �taient plut�t align�s sur Messali Hadj, n'ont �t� convaincus de rejoindre les 22 qu'apr�s le retour de Mostefa Ben Boula�d de Belgique, o� il s'�tait rendu en juillet 1954, apr�s le congr�s de Hernu, pour s'enqu�rir de la position de Messali Hadj vis-�-vis du principe du d�clenchement de la r�volution. La tentative de le convaincre �choua, car le za�m rejetait � la base l'initiative en question. Mostefa Ben Boula�d avait, �galement, entrepris un voyage harassant, la plupart du temps � pied, pour se rendre � Tripoli o� il rencontra Ahmed Ben Bella alors membre de la d�l�gation ext�rieure du PPA/MTLD. A ce propos, le moudjahed novembriste Mestiri (�g� aujourd'hui de 94 ans, que Dieu lui pr�te longue vie), qui avait accompagn� Mostefa Ben Boula�d lors de ce voyage, a d�clar� que Mostefa Ben Boula�d et Ahmed Ben Bella se seraient rendus ensemble au Caire. A la suite de toutes ces consultations, Mostefa Ben Boula�d et ses compagnons, consid�rant que les conditions du d�clenchement de la r�volution �taient r�unies, avaient organis� � Alger une r�union � six, du 23 au 26 octobre 1954. Cette r�union regroupait Mostefa Ben Boula�d, Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M'hidi, Mourad Didouche, Rabah Bitat et Krim Belkacem. Cette r�union au cours de laquelle la proclamation du 1er Novembre 1954 avait �t� r�dig�e avait adopt� le principe de la coll�gialit� dans la conduite de la R�volution. Au cours de cette m�me r�union, la r�partition des t�ches avait �t� fix�e. Mostefa Ben Boula�d avait �t� d�sign� responsable de la r�gion des Aur�s, Mourad Didouche de la r�gion du nord constantinois, Krim Belkacem de la Kabylie, Rabah Bitat de l'Alg�rois et Larbi Ben M'hidi de l'Oranie. Mohamed Boudiaf avait �t� charg� de la coordination entre la d�l�gation ext�rieure et l'int�rieur et devait se rendre au Caire pour remettre la proclamation du 1er Novembre � ladite d�l�gation ext�rieure, compos�e de Ahmed Ben Bella, Hocine A�t Ahmed et Mohamed Khider. Il convient, dans ce contexte, de signaler le caract�re coll�gial qui a pr�sid� au d�clenchement de la r�volution et la pr��minence accord�e au caract�re national de la guerre de Lib�ration nationale. C'est pourquoi la r�volution alg�rienne a �t� toujours forte quand elle s'attachait � rejeter le �za�misme� autant que les pratiques r�gionalistes, et affaiblie chaque fois qu'elle s�est laiss�e tenter par ces d�mons pr�judiciables � l'unit� et � la souverainet� du peuple.