Par Irane Belkhedim Le gouvernement veut relancer le tourisme et encourager la destination Alg�rie. Beaucoup reste � faire. Une tourn�e dans les wilayas est du pays renseigne sur la situation lamentable des infrastructures h�teli�res, la d�gradation permanente du patrimoine naturel et culturel. Un drame. Sur toute la c�te est, nous n�avons pas rencontr� des vacanciers en maillot. Les plages sont souvent envahies par les hommes, accompagn�s quelques fois par leurs femmes qui nagent avec leur hidjab. Les mentalit�s r�gressent, voyager dans ces conditions s�av�re d�courageant. Les r�gions touristiques manquent d�h�tels, le service dans les �tablissements h�teliers qui existent est lent, insuffisant et co�teux. L�ins�curit� et le manque de transport d�moralisent les aventuriers en qu�te de d�couverte. Pourtant, les richesses naturelles et historiques dont regorge le pays sont inestimables. La sortie est organis�e par l�Office national du tourisme (ONT) dans six wilayas : Mila, Skikda, Guelma, El Taref, Constantine et Annaba. Ces villes qui autrefois �taient des p�les touristiques par excellence ont du mal � retrouver leur s�r�nit� et r�putation d�antan. Mila, le patrimoine se meurt dans l�indiff�rence A l�entr�e de Mila, des maisons ciment�es en instance de construction, des antennes paraboliques et des v�tements �tendus �mergent des balcons en brique rouge. Des habitations inesth�tiques, sans �me, des ch�meurs de tout �ge s�amassent dans les rues et les caf�s, leurs regards tristes ne l�chent pas le bus de l�ONT. Impossible de passer inaper�u dans ces localit�s abandonn�es o� rien d�important ne se d�roule. La petite Mila rec�le un patrimoine historique consid�rable et d�valoris�. Ph�nicienne, berb�re, romaine, arabe, turque puis fran�aise, c�est l�une des plus anciennes villes alg�riennes. Sa fondation remonterait � 256 avant J�sus-Christ. Une cit� cosmopolite marqu�e par plusieurs �poques. Sur les fondations d�un temple, une basilique de Saint-Opt�t de Milev, l�un des plus c�l�bres �v�ques de l�Afrique du Nord, a �t� �rig�e. Lors de la conqu�te musulmane, elle a �t� transform�e en mosqu�e, Sidi Ghanem est la deuxi�me moqu�e du Maghreb. �Mila est le berceau des religions. Le paganisme des Berb�res, la religion juive, le christianisme et l�islam ont cohabit�. Vandales, Byzantins, Romains, Arabes et Turcs ont conquis cette ville�, explique fi�rement l�arch�ologue Amar Nouara, un peu chauvin sur les bords qui attribue tout aux musulmans et aux Berb�res. La l�gende raconte que Mila serait baptis�e Milo du nom d�une reine berb�re qui a prot�g� la ville contre l�invasion romaine, ce n�est qu�apr�s sa mort que les Romains ont pu la conqu�rir. Le vieux quartier, appel� par les habitants le quartier arabe, tombe en ruine. Aucune tentative de restauration n�a �t� lanc�e � ce jour, apprend-t-on. Les maisonnettes en pierre, accoud�e l�une � l�autre, rappelant �trangement les ruelles de la Casbah d�Alger sans trop lui ressembler, regorgent d�histoire. Le fondateur du courant fatimide Abou Abid Allah (sa maison est actuellement transform�e en boulangerie) et le moujahid Abdelhafid Boussouf ont grandi dans ses entrailles. Nous n�avons pu visiter aucune demeure puisque les portes en bois �taient cadenass�es et poussi�reuses, visiblement ferm�es depuis des ann�es. �Ces maisons se composent de cinq �tages, superpos�s l�un sur l�autre. Chaque �tage repr�sente une �poque diff�rente�, assure l�arch�ologue Amar Nouara. Depuis quelques ann�es, les autorit�s tentent de d�velopper l�agriculture pour relancer l�activit� dans la r�gion, mais le commerce patine, dit-on. La c�draie de Benzema se d�grade, elle c�de aux incendies de for�t et aux maladies dues au manque d�entretien. �17 projets touristiques dont 6 projets de construction d�h�tels ont d�j� d�marr�, souligne Miloud Djeran, directeur du tourisme de la wilaya qui se plaint de l�insuffisance flagrante des infrastructures d�accueil. Vers Skikda� tourisme aux yeux hagards A Skikda, le guide Hassan, un homme qui a d�pass� la cinquantaine, essaie de nous faire une visite guid�e du centre-ville, des immeubles qui datent de l��poque coloniale pour la plupart. Il ne semble pas ma�triser son m�tier car on se perd dans les ruelles sans comprendre le but de cette balade. �Je travaillais dans l�administration touristique et j�ai �t� d�sign� depuis quelque temps comme guide�, explique-t-il. Les rues sont sales et les immeubles l�zard�s et d�peints. A h�tel �tatique Essalem o� nous passons la nuit, un d�potoir d�ordures nous accueille � l�entr�e. Une chambre single co�te plus de 7 000 DA dans cet �tablissement de deux �toiles. �Lors de son inauguration, c��tait un h�tel de quatre �toiles�, explique Sa�d Boukhlifa, le chef cabinet du minist�re du Tourisme. A la sortie de Skikda, les nouvelles cit�s sans vie apparaissent avec leurs peintures attrayantes. Point d�espaces verts, de salles de spectacles, de maisons de jeunes, d��cole� Le vide est sid�rant. Sur la route vers Collo, les petits villages comme Tamalous et Benchaaour respirent abandon et pauvret�. La population survit, l�on parcoure des kilom�tres pour chercher de l�eau ; le gaz et l��lectricit� sont inexistants. Les m�mes maisons en ciment, inesth�tiques et sans �me, des v�tements qui pendent des terrasses, des caf�s de fortune sur les abords de la route vomissent de vieux et de jeunes oisifs. Les restaurants proposent du poulet ou des grillades sans respecter la tradition gastronomique locale. Des r�gions mortes qui offrent pourtant un d�paysement total. A Collo, � l�h�tel Bougaroun qui donne sur la plage, une chambre simple est � 4 100 DA, une double � 4 800 DA et les appartements � 9 000 DA. Des formules promotionnelles sont propos�es pour le mois de juin, juillet et le ramadan, mais les prix restent inaccessibles pour une famille simple. L��tablissement compte une seule piscine pour enfants. Bouguerba, le directeur de l�h�tel, indique que son �tablissement affiche complet durant la saison estivale mais qu�il manque d�activit� pendant l�hiver. �Beaucoup d�entreprises ont ferm� ces derni�res ann�es, donc plus de tourisme d�affaire en hiver !� L��quipe de l�Office national du tourisme s�est d�plac�e � la plage � c�t� pour faire un tournage avec quelques journalistes. Apercevant la cam�ra de Amin, de jeunes Skikdis ont vite entour� l��quipe hurlant violemment des slogans sportifs, l�emp�chant ainsi de travailler, quelques estivants ont tent� de les calmer en vain. Prise de panique, l��quipe a �vacu� rapidement les lieux. �Nous luttons pour sauver Constantine� �J�ai essay� de prot�ger Constantine avec mes moyens. Nous faisons ce que nous pouvons. Nous luttons pour pr�server cette ville qui raconte les histoires de toutes les civilisations�, confie Abdelkader Fendri, pr�sident de l�Office du tourisme de la wilaya, un b�n�vole qui exerce depuis quarante ans sans toucher un sou. A 81 ans, il para�t plus jeune. �Constantine est une ville qui n�a pas d��ge. Dieu a aim� Constantine et lui a donn� cette beaut�, dit-il comme tout amoureux. Ph�niciens, Vandales, Numides, Romains, Juifs, Arabes et Turcs ont laiss� leurs empreintes sur ses murs et ses constructions et sa gastronomie. �Sept g�n�raux fran�ais ont attaqu� Constantine sans r�ussir � la conqu�rir�, affirme Abdelkader avec fiert�. La ville construite sur un rocher ne peut �tre �largie, ses ponts suspendus lui conf�rent une touche particuli�re. Constantine est unique. Le palais du Bey a �t� r�cemment restaur�. A notre arriv�e, des jeunes jouaient au foot dans sa cours. Les frappes du ballon cognaient les murs de la mosqu�e que le dernier Bey Salah a construite pour ses pri�res. La restauration de cette cours tra�ne depuis deux ans. A quelques pas, le quartier arabe est d�truit � 85%. Un crime. �Les gens d�molissaient leurs demeures pour pouvoir b�n�ficier d�un appartement. C��tait de l�autodestruction, 25 % seulement du quartier arabe est en bon �tat�, raconte Abdelkader avec beaucoup de douleur. Ici les infrastructures d�accueil sont insuffisantes, Constantine compte deux ou trois h�tels �potables� qui proposent des tarifs exorbitants (6 000 DA/nuit � l�h�tel Cirta), le reste ce sont des dortoirs. Guelma et Annaba� le d�sert A la station thermale Hammam Chellala (Bain de la Cascade) ou encore Hammam Dbegh et anciennement Hammam Meskhoutine qui se situe � 15 km de Guelma, quelques vendeurs proposent des produits artisanaux asiatiques. Livr� au soleil, l�endroit semble abandonn�. Bouteilles de Coca, crottes d�animaux et autres salet�s jonchent le sol dur, point de poubelles pour jeter les ordures. La temp�rature de l'eau n'est d�pass�e au niveau plan�taire que par celle des geysers d'Islande. Elle atteint effectivement une temp�rature de 97 �C, son d�bit est de 1 650 litres par seconde : pr�s de 100 000 par minute. L'eau a �difi� aux cours des mill�naires une majestueuse cascade en calcaire riche en couleurs et en formes. Malheureusement, l�eau qui coule de la cascade se perd. Bloqu�e parfois par quelques pierres, elle a form� des �gouts tout autour. Annaba compte 40 h�tels d�une capacit� de 4 500 lits. Cinq projets sont en cours de r�alisation d�une capacit� de 1200 lits. �L�investissement avance � petits pas, nous avons besoin de beaucoup d�argent et certaines personnes comptent beaucoup sur l�aide de l�Etat. A Annaba, la plupart des projets sont lanc�s par des priv�s, donc autofinanc�s�, explique Bounafaa, directeur du tourisme D�autres acteurs estiment que l�investissement dans le secteur du tourisme est difficile et que les d�marches administratives et bureaucratiques d�couragent beaucoup d�investisseurs. �Les textes de loi existent, ils sont avec nous, mais c�est leur application qui pose probl�me�, dit-on. Sur le chemin du retour � Alger, des villages semi-finis, des immeubles b�tonn�s, des enfants mal habill�s, de petit commerces de fortune. De grandes mosqu�es en cours de r�alisations. Des gens qui courent chercher de l�eau et les officiels qui parlent de projets � coups de milliards. I. B. �Le minist�re du Tourisme ne peut pas faire cavalier seul� Sa�d Boukhlifa, le chef de cabinet du minist�re du Tourisme, affirme que depuis 2008, 4 500 agr�ments ont �t� �tablis pour la construction d�h�tels priv�s. Actuellement, l�Alg�rie compte 90 000 lits et 10% seulement r�pondent aux normes internationales. Pour doubler les capacit�s d�accueil, les autorit�s envisagent de cr�er 70 000 nouveaux lits d�ici 2015. �Cela est annonciateur de la relance du tourisme apr�s 20 ans de non-tourisme. D�ici 2030, nous souhaitons redonner � l�Alg�rie son image touristique et culturelle d�antan.� Une mission ardue qui ne d�courage pas ce responsable. 13 minist�res sont directement concern�s par la question touristique, entre autres, les minist�res de la Sant�, de l�Environnement, de la Culture, de l�Int�rieur, des Finances, des Transports� �Nous programmons des r�unions permanentes avec les diff�rents cadres de ces minist�res et de bonnes id�es sont d�gag�es�, indique-t-il. En termes de r�alisation, l�application de ces r�solutions est difficile. Les minist�res semblent d�pass�s par leurs propres probl�mes et la bureaucratie administrative emp�che l�implication effective et rapide des �lus locaux. �Le minist�re du Tourisme ne peut pas faire cavalier seul�, ajoute Sa�d Boukhlifa. L�absence du personnel comp�tent complique la t�che. En effet, sur les 48 directeurs du tourisme, deux seulement disposent d�une formation qualifi�e dans le domaine (�cole de tourisme Aurassi), estime-t- on. Deux autres directeurs ont une exp�rience professionnelle qui les a aid�s � d�crocher leurs postes.