La canicule et l�abstinence. La privation et la soif. Ce n�est pas facile de travailler dans ces conditions durant le Ramadan. Pourtant, c�est bel et bien le quotidien de nombreux ouvriers sur diff�rents chantiers alg�rois. Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) -�La fatigue, la soif et la faim. C�est vraiment trop p�nible�, confie R�da, 19 ans, essuyant avec ses mains les grosses gouttes de sueur qui coulaient sur son front. Originaire de Oued Souf, ce jeune carreleur est pourtant habitu� aux grandes chaleurs. Avec ses coll�gues, R�da d�pla�ait un tas de carrelage pour l�agencer et le fixer, plus loin, sur le sol et finir la r�alisation de l�une des stations du tramway d�Alger. De l�effort et de la concentration sous une chaleur caniculaire. V�tus de gilets verts et se couvrant la t�te avec des casques jaunes, les ouvriers se dispersaient sur un immense chantier. Point de coin ombrag� pour se prot�ger du soleil br�lant d�hier. Accoud� � un muret, l�un des carreleurs s�aspergeait le visage d�eau pour se rafra�chir. C�est l�heure de sa pause, il se permet une vingtaine de minutes de r�pit. Karim, 28 ans, originaire de Batna, r�cemment install� � Alger, l�observe amus� puis r�torque : �Moi, je rentre chez moi compl�tement mort. Assomm�. Lorsque mon enfant de 7 ans se jette sur moi pour jouer, je le repousse. Je vais directement dans ma chambre pour dormir. Je ne peux pas tenir debout.� Karim ne veille pas et ne sort pas la nuit, il n�a pas le choix. Il doit se coucher t�t pour se reposer et se lever vers 4h du matin. Habitu�s � travailler de 8h � 16h sur le chantier, les horaires sont bouscul�s d�s que le Ramadan pointe du nez. A 5h15, les ouvriers sont d�j� sur le chantier. Ils commencent t�t pour �viter les fortes chaleurs et bouclent leurs journ�es vers 14h30. �Dimanche, nous avons arr�t� le travail vers 18h et samedi vers 16h. En r�alit�, cela d�pend du climat, quand il ne fait pas trop chaud et que c�est possible de continuer, nous continuons. Quand nous sommes �puis�s, on se repose�, affirme Ali, 18 ans, sans vouloir �tre plus pr�cis sur le nombre de pauses. Mustapha s�approche de ses camarades, et leur jette un regard hagard. Grand et maigre, il avance � petits pas vers le groupe, son casque sur la t�te. Il est � peine 10h30 du matin et il commence � perdre l��quilibre. �Sinc�rement, quand je suis d�pass� je ne je�ne pas ! Je suis assomm� ! Je ne peux rien faire !�, dit-il. Les autres ouvriers confirment ses propos. D�s que midi sonne, Mustapha commence � perdre patience. Il s��nerve pour des broutilles, en veut � ses camarades et leur cherche des poux dans la t�te. �Il s�emporte, parle en gesticulant ou crie. On lui apporte des cigarettes imm�diatement. Impossible de le calmer sans cela�, t�moigne Karim. La situation le fait sourire et ne semble gu�re le d�ranger. D�ailleurs, comme les autres ouvriers, il n��met aucun jugement religieux ou moralisateur. Il comprend son ami et pense � l�aider au moment de sa crise. Avec une rare franchise, Mustapha avoue qu�il ne peut pas se tenir debout durant le Ramadan. Il perd son calme et son �nergie. Mari� et p�re de famille, il a des responsabilit�s � assumer. �Si j�observe le Ramadan, je passerai la journ�e au lit et je laisserai ma famille mourir de faim. Quand je ne l�observe pas, je bosse normalement. C�est comme �a, je n�y peux rien�, confie-t-il. I. B. Je�ne et baisse de rendement Depuis deux ans, Omar, propri�taire d�un atelier de menuiserie � Alger, pr�f�re baisser rideau pendant le Ramadan et mettre ses ouvriers en cong�. �Ils venaient tous compl�tement sonn�s. Il n�y avait rien � en tirer. Ce n�est pas le je�ne qui les �puise mais plut�t le manque de sommeil car ils veillent jusqu�au matin et pr�f�rent dormir la journ�e !�, explique-t-il, exasp�r� par cette situation qu�il n�admet pas du tout et qui lui co�te �conomiquement. Pendant le Ramadan, le rendement baisse et le risque d�accident s�accro�t. �Il ne sert � rien de stimuler les ouvriers ou de leur mettre la pression. Le rendement est nul et je n�aime pas prendre de risques.� Ses jeunes employ�s manipulent de grosses machines qui coupent et d�coupent le bois, une erreur peut �tre fatale. �Je n�ai jamais eu d�accident, mais durant le je�ne, mes employ�s avaient du mal � se concentrer et se trompaient souvent. Il fallait tout recommencer.� Ce n�est pas de gaiet� de c�ur que Omar a d�cid� de cesser toute activit� durant ce mois. Il a essay� d�en discuter avec ses travailleurs mais en vain. �Nous nous sommes disput�s pour �a. Ils ne peuvent se reposer aux horaires requis.� Le soir, ce sont les veill�es jusqu�au petit matin, les soir�es entre potes ou les balades en bord de mer. Dans la journ�e, la ville sommeille. L�Etat est responsable de cette situation, il encourage la fain�antise, estime Omar, puisqu�il r�duit les heures de travail de toutes les administrations. �Dans d�autres pays musulmans, rien ne change ! Tout est normal. Ce n�est pas pareil chez nous ! Tout s�arr�te, le pays dort !�, s�indigne-t-il.