Chaque ann�e � cette p�riode, une rencontre artistique se d�roule au mausol�e du grand barde Sidi Lakhdar Benkhelouf, dans la commune qui porte son nom, 60 km � l�est de Mostaganem. Appel�e commun�ment Mewsem ou saison, ce rendez-vous spirituel attire un grand nombre de fans des po�sies de Sidi Lakhdar qui viennent de partout pour savourer les chants d�di�s au proph�te Mohamed, que le Salut de Dieu soit sur Lui. Cette ann�e, le chanteur Kamel Bourdib fait partie des interpr�tes qui ont ressuscit� la m�moire populaire du grand soufi Sidi Lakhdar Benkhelouf. Cependant, en marge des tours de chants anim�s pour la circonstance, un d�bat assez enrichissant portait sur la rencontre mystique qui s�est d�roul�e entre Sidi Lakhdar Benkhlouf et Sidi Boumedi�ne Choua�b, saint tut�laire de Tlemcen. Cette r�union � la dimension abstraite est immortalis�e par une po�sie intitul�e Men �end el mghith djebt el amana (De chez le �sauveur� j�ai ramen� le d�p�t) et qu�avait �crite Benkhelouf pour illustrer la fameuse c�r�monie o� l�aspirant � la voie soufie fait serment � son ma�tre de suivre sa tar�qa tel que l�exige la tradition. Sauf que dans ce cas pr�cis, Sidi Lakhdar Benkhelouf va s�adresser � un homme d�j� d�c�d�, en la personne de Sidi Boumedi�ne. Pour un n�ophyte, une rencontre entre deux hommes dont l�un a v�cu au XIIe et l�autre au XVIe si�cles, donc espac�s de quatre cents ans, para�t � tout le moins extravagante. Mais pour les sp�cialistes des sciences �sot�riques de l�islam et du monde hagiographique, cela peut se r�aliser, nous fait-on savoir. Le monde des saints n�est pas celui des communs, pr�cisent les connaisseurs qui citent des �nonc�s de Mohe�ddine Ibn Arab� � propos de la dimension temporelle des soufis. Sidi Lakhdar Benkhelouf serait n�, selon les chercheurs, en 1479 et d�c�d� en 1585 alors que Sidi Boumedi�ne est mort en 1198. Selon l�historien Ibn Qunfoudh El- Qacentini (mort en 1407), dans son livre intitul� Anis el-faqir wa az el haqir (le compagnon du pauvre et la dignit� du mesquin), Sidi Boumedi�ne comptait, de son vivant, un millier de disciples qui ont tous atteint des stations spirituelles �lev�es. �C�est pour cela qu�il (Sidi Boumedi�ne, ndlr) est appel� cheikh al-machay�khs de l�islam et l�imam des adorateurs de Dieu et des asc�tes�, tel qu�il est �crit en page 16 du livre Anis el-faqir, ajoutent- ils. Et c�est peut-�tre dans cet esprit que Sidi Lakhdar a voulu acqu�rir cette grandeur soufie, lui permettant d�entrer de plain-pied dans l�univers des saints et b�n�ficier de la proximit� divine d�autant que Sidi Boumedi�ne �tait la personne tout indiqu�e � m�me de le guider sur la voie de Dieu. Aspirant au droit chemin qui le fera parvenir � El-hadhra el-qoudoussia ou la pr�sence de l�essence sanctissime, notre po�te avait express�ment besoin d�un cheikh parfaitement connaisseur de Dieu, et ce en r�f�rence au verset 59 de la sourate El-Furqane (le discernement) qui dit : Interroge donc qui est bien inform� de Lui (Dieu). Ce guide, Benkhlouf l�a trouv� en Sidi Boumedi�ne dont l�histoire est joliment racont�e dans sa c�l�bre po�sie intitul� El-Amana (le d�p�t). Celle-ci est vraisemblablement �crite vers la fin de sa vie, car il y �crit qu�il avait attendu cinquante ans avant d�atteindre cette station spirituelle attestant de sa walaya (�tat de saintet�), la seule condition qui lui permet d�entrer concr�tement en relation avec les �mes des gens de Dieu dont la baraka s��tend, attestent les hagiographes, m�me apr�s leur mort. Toutefois, Benkhelouf affirme, dans une autre po�sie, avoir pass� quarante ans dans le fourvoiement et la qu�te de soi avant d�adh�rer � la voie soufie. Et lorsque l�on fait la somme des deux p�riodes de sa vie, on d�duit qu�il avait quatre-vingt-dix ans lorsqu�il a rencontr� l��me de Sidi Boumedi�ne, soit trente-cinq ans avant sa mort puisque Sidi Lakhdar a v�cu 125 ans et 6 mois. Ainsi, il �crit dans la premi�re strophe de sa po�sie : �Apr�s cinquante ans d�attente, j�ai pu atteindre l��me de ma qui�tude. Mohamed le pr�f�r�, cl� du Paradis, il est ma joie et mon bonheur.� Sidi Lakhdar Benkhelouf renseignera, � travers son �p�tre, qu�il a mis six jour, � dos de chameau, pour atteindre la ville de Tlemcen. Et c�est par un vendredi qu�il p�n�tra El-Eubad, sanctuaire de Sidi Boumedi�ne. Il continuera son r�cit en �voquant sa pri�re dans un antre attenant � El-Eubad, dans lequel il verra, fera-t-il conna�tre, l�apparence d�une belle et longue silhouette. Sidi Lakhdar le reconna�tra d�embl�e. C�est sans conteste Sidi Boumedi�ne El-Mghith. Du coup, il lui remet une lettre. ��Lorsqu�il l�a lue, nous nous sommes embrass�s. Ma compagnie lui a plu. J�ai obtenu de lui mon v�u et nous nous sommes pr�t� serment�� En parfait �rudit et tr�s au fait de l�ex�g�se du Coran et de l�histoire de Tlemcen, Sidi Lakhdar nommera Sidi Boumedi�ne, Imam el-djidar (imam du mur), par allusion � l�histoire du proph�te Mo�se et d�Al-Khidr, le serviteur pieux qui a re�u de Dieu la science infuse. Ce dernier, selon la sourate Al- Kahf (la caverne), redressa un mur sur le point de s��crouler. D�apr�s des sources musulmanes, le mur en question se trouvait dans la ville de Tlemcen. On avance m�me que Youcha Ben-Noun (Josu�), le valet de Mo�se qui l�avait accompagn� durant son voyage avec Al-Khidr est enterr� sur le littoral alg�rien, pas loin de Tlemcen. �Apr�s notre discussion, il (Sidi Boumedi�ne, ndlr) m�a salu� de sa main droite.� Ce vers � connotation didactique nous apprend en filigrane que c�est le bras gauche que Sidi Boumedi�ne avait perdu dans la guerre des croisades avec Saladin � J�rusalem. Avant de quitter Sidi Boumedi�ne, Benkhelouf s�aura aupr�s de ce dernier que 120 hommes saints et accomplis lui ont sign� le trait� par lequel ils reconnaissent sa saintet� et son ascension dans les hautes stations spirituelles. Par cet accomplissement, Sidi Lakhdar est arriv� au but d�sir�, celui de devenir un proche d�Allah. C��tait son souhait, il l�avait accompli.