Il n�est pas ridicule de se poser cette interrogation quand on est face � des �bizarreries� qui ornent les �v�nements en Libye. Alors qu�en Tunisie et en Egypte, les dictateurs de ces deux pays ont �t� d�boulonn�s � la suite d�une longue mobilisation r�ellement populaire et uniquement politique, en Libye on a assist� � un soul�vement arm� qui s�empare tr�s rapidement de la deuxi�me ville du pays. En Tunisie et en Egypte, on a assist� � des soul�vements sans leaders ni partis dirigeants. En Libye, tr�s vite on a vu appara�tre une direction compos�e du panel politique de la soci�t� y compris des �kadhafistes � qui furent des serviteurs du r�gime comme le pr�sident du fameux CNT et le g�n�ral Youness liquid� par des partenaires qui avaient sans doute leurs raisons de se m�fier de lui. Les pays occidentaux avaient �t� surpris par les inattendues et fracassantes irruptions populaires dans les deux pays r�put�s �amis�, ce qui a facilit� leurs pressions sur les pouvoirs en place jusqu�� les abandonner � leur triste sort. En revanche, ces m�mes pays semblent avoir accompagn� sinon anticip� les �v�nements en Libye o� Kadhafi (un ennemi de longue date) n��tait pas dispos� � se laisser faire. Il ne restait que la force pour le d�busquer de son ch�teau de cartes. Comme la CIA et les services secrets anglais entretenaient d��troites relations avec les services de Kadhafi, on comprend pourquoi Moussa Koussa, le ministre libyen des Affaires �trang�res, ex-patron des services secrets, se retrouva tr�s rapidement au chaud � Londres, alors que des g�n�raux et ministres de Kadhafi se retrouvent eux � Benghazi � la t�te du CNT. A travers ces quelques points de comparaison entre les r�volutions du Jasmin et la guerre des Sables, on est en droit de d�duire que la Libye ne conna�t pas v�ritablement un processus r�volutionnaire mais subit plut�t une sorte de coup d�Etat. On a constat� en Libye qu�une bonne partie de l�appareil d�Etat avec des ministres, des g�n�raux et colonels avec armes et bagages se sont mis au service ou plut�t � la t�te de la r�bellion. La diff�rence est de taille entre un peuple qui se soul�ve et qui n�a pour armes que son courage et le sacrifice de sa vie et une force arm�e qui affronte une autre force arm�e. La nature des armes utilis�es pour renverser un r�gime n�est pas sans cons�quences sur la suite des �v�nements. Aussi bien en Tunisie qu�en Egypte, le processus r�volutionnaire a d�j� d�bouch� sur des acquis appr�ciables, ne serait-ce que l�improbable �mergence d�un nouveau Ben Ali ou Moubarak. En Libye, rien n�est moins s�r car la chute de Kadhafi aura n�cessairement des effets qui ressemblent plus � ceux d�un coup d�Etat. Un nouveau dictateur sans le c�t� bouffon de Kadhafi n�est pas impossible d�autant que ce dernier serait arriv� avec l�appui d�arm�es �trang�res, ce qui n�cessairement sera interpr�t� comme une humiliation dans un pays travaill� par un nationalisme ombrageux. Le second danger r�side dans la configuration tribale du pays qui peut mener � une dislocation de la soci�t� et donc � la partition du pays. Les effets mal�fiques se font sentir d�j� sur le terrain contre les Africains noirs et les Touareg� Ces quelques remarques faites, il est int�ressant de se pencher sur l��trange flirt des Occidentaux avec les islamistes. Ce flirt n�est pas nouveau mais remonte loin dans l�histoire. Les Anglo-Saxons n�ont eu aucune mauvaise conscience de venir en aide � des monarchies moyen�geuses pour d�bouter les Ottomans d�un Orient promis aux fabuleuses d�couvertes p�troli�res. Plus pr�s de nous, la hantise de l�URSS avait pouss� les Occidentaux � armer les futurs taliban pour couper � cet Etat rival sinon ennemi la route des mers chaudes vers des pays o� l�on sent encore une fois les odeurs du p�trole. Les pays occidentaux semblent r��diter le m�me �pragmatisme� en Libye o� le soul�vement arm� est noyaut� par des islamistes. La liquidation du g�n�ral Youness a-t-elle �t� ordonn�e pour laisser la direction militaire de la prise de Tripoli � un certain Belhadj, djihadiste et ancien prisonnier de la CIA avant d��tre remis � Kadhafi qui le lib�rera par la suite. Quant aux islamistes, pourquoi acceptent-ils ces aides ou alliances avec des pays dont le mode de vie et le syst�me politique leur procurent des naus�es ? Sur le plan id�ologique, ces m�mes islamistes partagent avec leurs alli�s de circonstance, leur d�ni de la lutte des classes, leur amour pour la libert� du commerce, deux matrices qui incitent � faire un bout de chemin �ensemble�. Il est �vident que le pragmatisme qu�ils semblent partager ne fait pas d�eux des na�fs. Chacun d�eux se donne pour t�che d�atteindre ses propres objectifs tout en fermant les yeux sur les aspects peu rago�tants du partenaire (permissivit� et autres �d�bauches� des uns et violation des droits de l�homme des autres). Mais cette alliance temporaire ne pourra r�sister aux mouvements contradictoires qui irriguent leurs pays respectifs. La position g�opolitique de la Libye et ses richesses qui se conjuguent avec les probl�mes des pays voisins mais aussi avec la pr�sence de groupes islamistes et mafieux dans tout le Sahel, laissent pr�sager un avenir sombre dans la r�gion. Les �cerveaux� qui sont � la t�te de ces bouleversements travaillent pour ne pas r�it�rer les erreurs commises par les na�fs Am�ricains en Irak. Il n�est pas s�r que ces cerveaux aient le bon logiciel capable de neutraliser les ruses, les impond�rables et les myst�res de l�Histoire� cette Histoire qui est la meilleure boussole des hommes.