Par Arezki Metref [email protected] �Printemps arabe�, dites-vous ? Ceux qui, derri�re le �Printemps arabe�, craignaient la vague islamiste, ont malheureusement toutes les raisons de conclure que leurs craintes �taient fond�es. Du moins, pour le moment. En Tunisie, l'actualit� bruisse des actes de violence commis par les islamistes. Comme � leur habitude, ils profitent des acquis de la r�volte de la jeunesse tunisienne de janvier 2011 pour imposer leur mod�le de soci�t� par la violence. Tout a commenc� apr�s la diffusion du film d'animation iranien Pers�polis. Le domicile tunisois du P-dg de Nessma TV, Nabil Karoui, a �t� attaqu� par des salafistes. A la suite de quoi, environ 200 d'entre eux s'en sont pris aux locaux de la cha�ne, contraignant le P-dg � pr�senter ses excuses au� peuple tunisien. Quelques jours plus tard, une grande manifestation conduite par les m�mes salafistes a men� des milliers de personnes jusqu'au si�ge du gouvernement. Toutes ces pressions islamistes s'inscrivent dans le cadre de la strat�gie d'intimidation en vue des prochaines �lections. On a connu �a, en Alg�rie, apr�s Octobre 1988. Le pire est que les pouvoirs occidentaux laissent faire. Ils encourageraient m�me la mouture islamiste du �Printemps arabe�. C'est d'ailleurs ce dont ils semblent s�accommoder consciemment en Libye en accordant un soutien exclusif � un CNT imbib� d'islamisme, en d�faveur de la diversit� cens�e mettre en danger l'unanimisme autour de l'islam. C'est aussi ce qui se v�rifie en Egypte o� l'arm�e a ni plus, ni moins tir� sur une manifestation copte. Cela s'est pass� au Caire le 9 octobre dernier. Des milliers de Coptes s'�taient rassembl�s pour manifester pacifiquement contre la multiplication des agressions islamistes contre leurs �glises. L'une des derni�res agressions en date avait eu lieu dans le village de Merinab dans la province d'Assouan, au sud du pays. Ce n'est pas la premi�re fois que des heurts entre musulmans et Coptes sont signal�s. La nouveaut�, c'est le parti pris de l'arm�e, habituellement neutre, en faveur des islamistes. Cette attaque a inspir� � l'�crivain �gyptien Alaa Al- Aswani un article dans le quotidien Al-Masri Al-Youm. Il met � l'actif de la propagation en Egypte des id�es wahhabites, la haine croissante contre les Coptes. Il cite les propos du pr�dicateur salafiste Sa�d Abdelazim, repris par le professeur Issam Abdeljawad dans le magazine Rose Al-Youssef : �Pas d'amiti� ni d'affection pour les chr�tiens. Il ne convient pas de se mettre sous leur autorit� ni de leur souhaiter de bonnes f�tes religieuses. � Alaa Al-Aswani rapporte les propos d'autres pr�dicateurs tout aussi haineux � l'�gard des Egyptiens coptes. Il met en cause la police et l'arm�e qui se contentent �de regarder en spectateurs quand les salafistes br�lent des �glises, coupent l'oreille � un concitoyen copte ou bloquent les voies ferr�es dans la Haute-Egypte pendant dix jours�. Mais avant tout, ce que le romancier d�mocrate d�nonce, c'est le fait que des repr�sentants de l'arm�e et de la police se r�unissent avec des salafistes, n�gocient avec eux, se soumettent � eux. Il craint fort que, en acceptant l'id�e que les wahhabites contestent aux Coptes qui sont sur le sol d'Egypte depuis bien plus longtemps qu'eux, le droit de pratiquer leur religion, les activistes salafistes boost�s par la chute de Moubarak ne fassent usage d'une intol�rance absolue s'il advenait qu'ils prennent le pouvoir. Si cela arrivait, il y aurait lieu de s'inqui�ter, non seulement pour les Coptes, mais, au-del�, pour tous les musulmans. Chez nous aussi l'islamisme avance � pas feutr�s. Chevill� au pouvoir, il n'a pas eu besoin de �Printemps arabe� pour investir le moindre interstice. Il se manifeste de multiples fa�ons. Les d�put�s islamistes et assimil�s, c'est-�-dire pas mal de monde au total, ne semblent pas press�s d'adopter la loi fixant � 30% le pourcentage de femmes dans les assembl�es �lues. Pr�sent� pourtant par le pouvoir dirig� depuis plus de dix ans par Abdelaziz Bouteflika, ce projet de loi d�clenche l'hostilit� dans la majorit� pr�sidentielle elle-m�me. Sur 389 d�put�s, seules 30 sont des femmes. Sur 1 541 maires, on ne trouve que 3 femmes. Ces chiffres ne montrent pas uniquement une distorsion de la parit� hommes-femmes, ils attestent que le noyau islamiste se cristallise sur la question de la femme. Tout le reste en d�coule. Autre motif de r�jouissance pour les islamistes alg�riens, selon le quotidien londonien The Guardian, le chaos libyen profiterait � ces derniers, lesquels mettraient main basse sur une partie de l�arsenal de Kadhafi, ce qui n�est pas rien. L'article cite une �tude d'Andrew Lebovitch publi�e par le Combatting Terrorism Center de l'Acad�mie militaire de West Point, aux Etats-Unis, qui fait �tat d'une augmentation spectaculaire des attentats suicides en Alg�rie depuis le d�but des attaques de l'Otan contre la Libye : �En juillet-ao�t, il y a eu au moins 23 attentats dont 13 � l'engin explosif improvis� (IED), 6 attaques � l'arme � feu et 4 tentatives d'attentats suicides.� Malheureusement, cette avanc�e de l'islamisme qu'elle soit rampante comme le montre l'exemple de la loi sur la repr�sentation des femmes dans les assembl�es �lues, ou brutale comme la tentative de soumettre le pays par la violence terroriste, est habituelle chez nous depuis plusieurs ann�es. Pour la Tunisie et l'Egypte, elle d�coule du �Printemps arabe.� Un autre �crivain d'envergure, lui aussi, Boualem Sansal, celui qui est parvenu � mettre tous les courants d'accord... contre lui, sa lucidit� et son courage, s'exprime dans une interview accord�e au Nouvel Observateur. A propos des �R�volutions arabes�, il remarque : �On a chass� des dictateurs, mais au fond, chasser un dictateur, c'est assez facile. Le syst�me reste l�, avec la religion, les traditions... C'est tr�s profond�ment ancr�, et pas seulement dans une nomenklatura, mais dans toute la soci�t�. Elle traverse toute la soci�t�, � l'int�rieur m�me des familles (...) Nos pays sont-ils capables d'aller au-del� ? De chasser ce qui fait la dictature ? De sortir de la f�odalit�, de l'organisation traditionnelle de la soci�t� arabo-musulmane, du culte du chef, de l'omnipotence de la religion qui dicte tout ? Les Coptes vont-ils �tre gouvern�s par l'islam ? Ce n'est pas possible ! On ne peut pas leur demander all�geance � l'islam. On va arriver devant la grande forteresse, la vraie : maintenant est-ce que la femme est l'�gale de l'homme?� Tout cela se tient trop bien pour que ce soit le fait du hasard.