Passionnant ce livre-m�moires qui tente, en empruntant les sentiers escarp�s d�une �criture �clat�e faisant mouvoir des souvenirs v�cus, des �v�nements parfois rocambolesques, donnant � voir, en petites touches, l�histoire du th��tre fran�ais de ces derni�res d�cennies. L�auteur, Antoine Bourseiller, acteur, metteur en sc�ne, directeur de th��tre et d�op�ra, ce g�nial touche-�-tout, est souvent s�duit par le d�broussaillage de nouveaux talents et de valeurs inconnues. C�est ce qui fait sa particularit�. Ce livre de souvenirs, qui se lit comme un roman, fonctionnant comme une sorte de contre-m�moires, fait porter aux personnages des costumes fleuris, d�gageant une extraordinaire gaiet�. Dani�le Delorme, �l�gante actrice, �clatante de g�n�rosit�, c�toie Albert Camus qui pousse encore plus l�auteur � ne pas h�siter � se lancer dans l�aventure th��trale dont Jean Vilar r�ussira � lui inculquer les premiers rudiments. C�est un d�fil� de portraits esquiss�s, � l�image d�un peintre qui insiste sur les traits singuliers de la personne tout en injectant une lueur et une couleur po�tiques. Jean Luc Godard, avec ses lunettes et son mouchoir d�une immacul�e blancheur et ses gestes maladroits, trop passionn� et g�nial, permet � Antoine Bourseiller de d�couvrir le vrai cin�ma, celui de la nouvelle vague. Le grand �crivain allemand, G�nter Grass, Jean Genet, Samuel Beckett et Jean-Louis Barrault lui insufflent la grande passion des grands textes. Brigitte Bardot, avec sa l�g�ret� et sa fragilit�, lui apporte une certaine jeunesse, lui, l�amoureux fou des femmes, avant de s�enfermer dans un amour fou, comme celui de Mejnoun Leila, adorant jusqu�aux tr�fonds de la vie, cette Balkis, tr�nant comme une insaisissable �toile, actrice rayonnante. A c�t� de ces figures c�l�bres, d�autres, peu ou pas connues, paysages humains peuplent ce texte, machinistes ou �lectriciens de sc�ne, �tudiants de Californie, lui apportant une force extraordinaire. Antoine Bourseiller prom�ne le lecteur dans ses territoires longtemps prot�g�s, mais d�sormais r�v�l�s au monde � travers l�image de la fille de l�auteur, Marie, fonctionnant comme une sorte de gardienne d�un feu profane. Il apporte, par bribes et � l�aide d�anecdotes, souvent sulfureuse, une singuli�re histoire du th��tre fran�ais. Bourseiller est au c�ur de cette exp�rience, un homme-th��tre, qui conjugue de mani�re extraordinaire les diff�rents m�tiers du spectacle vivant. L�humour corrosif dialogue avec une profonde gravit�. On passe de Genet, riant de tout, contestant tout dans une cit� am�ricaine, n�ayant m�me pas de visa d�entr�e (il �tait ind�sirable aux Etats-Unis) � la maladie de l��pouse ador�e en passant par cette jeune fille rencontr�e dans un moment d�anxi�t� � ces moments de passion et d�enthousiasme de Godard et ce grand �lan de g�n�rosit� d�une grande dame Dani�le Delorme, offrant au jeune bidasse un billet qui en valait tant d�autres � l��poque. L�auteur dit combien �taient merveilleux ces temps d�une na�ve insouciance et d�une profonde fragilit�. Il est question, dans ce texte, de publics, de r�cepteurs pluriels, chacun vivant le spectacle � sa mani�re, jusqu�� la violence comme lors de la repr�sentation d�une pi�ce particuli�rement subversive, prenant J�sus comme espace th�matique, qui fait r�agir des catholiques int�gristes, utilisant tous les moyens pour arr�ter la repr�sentation. Rien n�y fait, Bourseiller habit� par le g�nie du th��tre raconte, revient � ses moments de jouissance th��trale et � son d�sir enflamm� d�explorer les paysages f�minins. Il dit le th��tre, � travers les auteurs, les acteurs et les metteurs en sc�ne qu�il a c�toy�s et les nombreuses aventures f�minines qui ont, elles aussi, contribu� � former l�homme qui doit beaucoup � ceux qui lui ont appris le m�tier, � Camus, Vilar, Planchon, Barrault, G�rard Philippe et bien d�autres personnes qui ont apport� au th��tre une nouvelle mani�re de dire le monde. Antoine Bourseiller r�ve encore de mettre en sc�ne le texte d�Apul�e, L��ne d�or, exp�rience � laquelle je suis associ�, il r�fl�chit � la mise en �uvre de deux versions, dont l�une en arabe, avec la collaboration de trois th��tres du Maghreb. Sans rel�che est plus qu�un journal ou une sorte de narration m�morielle, il est le roman du th��tre contemporain en France.