Par Arezki Metref [email protected] Une actualit� perturbante est pass�e relativement inaper�ue la semaine derni�re. Je glisse l�adverbe relativement � dessein. Pour att�nuer quelque peu l�affirmation. En r�alit�, quelques articles ont �t� publi�s sur le sujet par certains journaux, ceux qui ont tenu bon face au tsunami Mohamed Merah et l�assassinat de soldats fran�ais et d�enfants juifs � Montauban et � Toulouse. Faut dire que la d�ferlante d�informations sur ce drame a rel�gu� tout le reste � l�arri�re-sc�ne. Cette actualit� concerne des enfants. Ils ont mis fin � leurs jours chez nous, par l�. Impossible logiquement de passer � c�t�. Si cela n�a pas sem� l��moi proportionnel � la gravit� de la chose, c�est sans doute � cause de cette indicible anesth�sie, cet abyssal endormissement de la compassion d� � la banalisation de la mort. La vie est per�ue chez nous comme si d�nu�e de valeur que m�me le suicide d�enfants ne nous turlupine ni comme individus ni comme soci�t�. Passez ! Rien � voir ? Si ! Les faits ? Trois suicides coup sur coup ont �t� enregistr�s dans un intervalle de quarante-huit heures. Ces suicides ont endeuill� la m�me r�gion, la Kabylie. M�me proc�d� dans les trois cas : la pendaison. D. Mohamed, 11 ans, est d�couvert un matin par les villageois d�Adrar Ath Qodea, dans la commune des Aghribs, pendu � un arbre. Dans le village d�Ibahlal, � Larba- Nath-Iraten, c�est Mohand-Akli H., 11 ans �galement, qui a �t� trouv� pendu � l�aide d�une ceinture de karat� � l�int�rieur m�me du domicile familial. Zidane H., 12 ans, est d�couvert lui aussi pendu dans une huilerie du village Ikherivan, � Tizi- Rached. Voil� donc les faits. Les tristes faits ! Ils sont alarmants, c�est le moins qu�on puisse dire. Ils ajoutent leur singularit�, celle de concerner des enfants, � la vague de suicides que conna�t le pays et plus sp�cialement la Kabylie depuis quelques ann�es. Malheureusement, devant les difficult�s croissantes de la vie, face � cet univers totalitaire impos� par le politique, le mal-�tre est si aigu en Alg�rie que l'on se voit contraint de donner raison � ceux qui ont pris coutume de dire que pour exister, les Alg�riens, les jeunes en particulier, ne recourent plus qu�� l�usage de trois armes aussi autodestructrices les unes que les autres : harga, �meute, suicide. C�est le triptyque r�volutionnaire des temps de la d�cr�pitude nationale. Le suicide est d�une certaine mani�re la voie la plus rapide pour �chapper � un r�el d�compos�, et aussi la fa�on la plus facile de mettre fin � la machine infernale. On observe que le suicide touche des classes d��ge de plus en plus jeunes. Quelques chiffres concernant la wilaya de Tizi-Ouzou, l�une des plus vis�es, semble-t-il, par ce ph�nom�ne. En 2009, on compte 59 cas de suicides. L�g�re augmentation en 2010 : 64 cas. Petite diminution : pour 2011, on aurait enregistr� 41 cas. Je mets la chose au conditionnel car la source de ces chiffres glan�s dans les journaux n�est pas signal�e. La plupart ont eu lieu en milieu rural et ont frapp� des jeunes. La plupart aussi ont eu recours au proc�d� de la pendaison. Les suicides d�enfants de Kabylie ont eu au moins une incidence publique. Mohamed Sa�d, pr�sident du Parti de la libert� et de la justice, en campagne pour les l�gislatives de mai prochain, a interpell� les candidats en leur faisant remarquer qu�en France, la campagne pour la pr�sidentielle a �t� mise entre parenth�ses � cause de la mort des enfants d�une �cole juive de Toulouse. A-t-il raison ou pas ? Le fait est que son interpellation est rest�e lettre morte. Personne n�a daign� r�pondre. Ce silence est proportionnel � l�int�r�t accord� par la classe politique au drame. Quelles sont les raisons qui ont conduit � ce drame ? Des psychiatres, dont c�est la comp�tence, ont r�pondu aux questions des journalistes. Petit floril�ge. Le docteur Rabah Amir�che, pr�sident de l�association des parents et amis des malades mentaux, explique que �l�adolescent n�ayant pas la force de se r�volter contre l�adulte agresseur, il peut avoir recours � l�identification et pour l�atteindre, il frappe son corps contenant cet autre introject�. Mustapha Bouzidi, psychiatre de l�enfant et de l�adolescent, enseignant � l�universit� de Tiz-Ouzou, invoque une �responsabilit� au pluriel �. C�est toute la soci�t� qui est interpell�e, qui devrait se sentir en tout cas interpell�e. Un autre psychiatre � Tizi-Ouzou, Mahmoud Boudar�ne, partage avec son coll�gue ci-devant cit� une des hypoth�ses avanc�es � propos des trois suicides d�enfants en Kabylie. Dans quelles proportions l��chec scolaire est-il une des raisons du passage � l�acte ? L��tranget� est que cette m�me semaine, on a signal� trois cas de suicide d�enfants (deux de 10 ans et un de 13) en milieu rural et par pendaison en� Russie. Rien � voir ? Le ph�nom�ne de suicide d�enfants devient si pr�occupant � travers le monde qu�en France par exemple un rapport sur le sujet a �t� confi� par le secr�tariat d�Etat � la jeunesse au c�l�bre psychiatre Boris Cyrulnik. Selon ce rapport, l�origine du suicide chez l�enfant est multifactoriel : biologique, psychologique et social. Le psychiatre d�plore la disparition du �village social�. L��poque est celle de la solitude et cela produit des effets sur les enfants. Boris Cyrulnik, comme la plupart des psychiatres alg�riens interrog�s, en appelle � la pr�vention. Mais lorsque chez nous l��cole est d�j� incapable de donner un enseignement digne de ce nom, est-elle � m�me d�effectuer ce travail de pr�vention ? Franchement, ce n�est pas gagn�. Un lecteur d�Ath Yenni m�a signal� ces suicides le jour-m�me. Il me faisait part de sa consternation du fait que les suicides touchent des enfants sans que nous ne nous sentions pas tous concern�s. Je me joins � lui. Lorsque m�me des enfants choisissent par un moyen aussi barbare de mettre fin � leurs jours en se pendant, o� va-t-on ?