La R�volution alg�rienne de Novembre 1954 souleva tout un peuple valeureux et digne. Et ce, dans toutes ses composantes. Hormis les ren�gats qui avaient reni� leur patrie par trahison, par int�r�t, ou par d�pit, les autres, tous les autres, s��taient pleinement engag�s dans la lutte pour la libert�, chacun selon l��ge, la force et les moyens. Dans cet affrontement sans merci, la femme occupa une place importante, et mena sa R�volution avec un esprit de sacrifice sans �gal. Et au m�me titre que les hommes, elles furent de farouches partisanes. Guemat Baya, Lagha Zohra et Tahir Fatma, parmi bien d�autres, �taient de celles-l�� Nous sommes en 1959. C�est un apr�s-midi ensoleill� du mois d�ao�t. L�op�ration �jumelles� (op�ration de ratissage � grande �chelle dont le but �tait la liquidation de la R�volution dans les Wilayas I, II et IV.) est lanc�e depuis quelques semaines d�j�. Et ce jour-l�, depuis plusieurs heures, un grand accrochage entre l�arm�e fran�aise et l�ALN fait rage dans la montagne d�A�t A�ssa. Dans le feu de l�action, un combattant, Salah N�Tkitount, est touch�. Il a re�u une balle dans la cuisse gauche. Le sang commence � couler abondamment, et une vive douleur fait grimacer le bless�. Au prix d�un effort intol�rable, il r�ussit � se tra�ner en clopinant jusqu�au refuge des A�t A�dali, tandis que les bombardements et les cr�pitements de mitraillettes emplissent l�espace alentour. A bout de forces, le moudjahid est sur le point de tomber et de perdre connaissance. Soudain, sorties de nulle part, trois femmes accourent vers le bless�. H�tivement, deux d�entre elles le soutiennent par les aisselles. La troisi�me saisit le fusil, un mass 36, et d�fait la cartouchi�re. Entre deux souffles courts, la plus �g�e rassure l�homme : �Courage, courage ! Nous allons te conduire en lieu s�r pour te faire soigner.� Les gestes rapides des trois femmes sont volontaires et parfaitement coordonn�s, comme si elles r�p�taient cette action pour la �ni�me fois. Dans leur t�te, elles revoient l�itin�raire d�tourn�, plusieurs fois emprunt�, menant vers Achrit, massif montagneux assurant une compl�te s�curit�. Pendant que deux des femmes remplissent la fonction de b�quilles en aidant le bless� � marcher sur une seule jambe, l�autre part en �claireur en devan�ant le petit groupe de quelques dizaines de m�tres. Ils marchent dans les fourr�s de broussailles depuis plusieurs minutes quand, aux environs du lieudit Tagoussimte, la femme de reconnaissance revient pr�cipitamment sur ses pas pour alerter ses camarades. Une patrouille de soldats est dans les parages imm�diats ! Avec une extraordinaire rapidit�, insoup�onnable chez des �tres du sexe faible, les trois femmes s�affairent comme un seul homme. Un tas de bois coup� et rang� l� par un b�cheron, dans l�attente d��tre transport� dans un autre lieu, offre une cachette id�ale pour le bless�. Quant � l�arme et � la cartouchi�re, elles sont enterr�es en quelques secondes � quatre ou cinq m�tres plus loin. En petites foul�es, une des femmes fait le tour du p�rim�tre en saupoudrant le sol avec du tabac � priser et du piment rouge en poudre, celui � saveur tr�s forte qui br�le la bouche. Ce condiment a �t� pr�alablement m�lang� � de la cendre grise pour ternir la couleur �carlate qui pourrait �veiller l�attention des soldats. Ces substances pulv�ris�es que les partisanes avaient toujours sur elles sont destin�es � annihiler le flair des chiens de piste. Le d�tachement passe � une faible distance de la cachette sans soup�onner outre mesure la pr�sence des r�sistants qui retiennent leur souffle. Dix minutes plus tard, l�arme et les munitions r�cup�r�es, Salah N�Tkitount et les trois femmes reprennent le chemin caillouteux qui les conduit � une sorte de casemate (ouvrage de fortune construit au d�but de la R�volution par le moudjahid Guemat Ali), o� les premiers soins sont prodigu�s au bless�. A l�heure du cr�puscule, des combattants transportent le bless� � dos de mulet vers les profondeurs du maquis, dans ce lieu inaccessible appel� Achrit. Fin de mission des trois valeureuses femmes. Par leur bravoure et leur d�termination, combien ces partisanes ont-elles sauv� de vies ? Ces vies pr�cieuses qui continueront, comme celle de Salah N�Tkitount, � intensifier la lutte pour l�ind�pendance. Sans ces cr�atures humaines, ces m�res, �pouses, s�urs, filles, ces femmes simples et admirables, p�tries par le limon de la patrie, la R�volution pourrait-elle triompher ? Assur�ment, non. Mais la R�volution a triomph� ! Un peu beaucoup gr�ce � elles�