Force est de constater que jusqu'� ce jour, une grande partie de notre pass�, c'est-�-dire notre m�moire et notre histoire, celle de notre peuple dont le g�nie premier est d�avoir enfant� des femmes et des hommes qui, � un moment donn�, ont incarn� sa profonde volont� et ses aspirations � vouloir se lib�rer du joug colonialiste, nous est essentiellement racont�e par des �trangers. L�exemple nous est donn� dans le cinquantenaire de l�Ind�pendance. Le regard de l��tranger, au-del� de toute accusation de propos x�nophobe, est r�ducteur et peu op�ratoire, souvent marqu� du sceau de l�europ�ocentrisme. Mais il est aussi av�r� que l��il de l�acteur, travers� de subjectivit�, n�est lui aussi nullement libre ni autonome, c'est-�-dire pouvant prendre une certaine distance avec l�objet et �viter ainsi une plong�e trop subjective. Observer l�histoire demeure, malgr� tout, un espace peu propice � une v�ritable lecture rationnelle et scientifique, quoiqu�en disent les n�o-positivistes et les n�o-scientistes peuplant cette discipline trop investie du diad�me de l�indicible. Les diff�rents r�glements de comptes (Abane, Ali Kafi, Ben Bella � titre d�exemple), les jeux client�listes et claniques, les tendances r�gionalistes et les chapelles id�ologiques, les discours officiels emp�chent la mise en lumi�re s�rieuse de pans entiers de notre Histoire r�duite le plus souvent � l�inventaire d�actes guerriers ou � une attaque en r�gle des symboles de notre r�volution, ne pouvant communiquer objectivement les dimensions de grandeur de la g�n�ration de Novembre. L��criture de l�Histoire et son inculcation � la soci�t� et sa frange la plus sensible qu�est la jeunesse est indispensable pour forger l��me d�un peuple et reconstituer sa m�moire, la jeunesse alg�rienne qui n�as pas connu l�immense �lan d�une soci�t� pour se lib�rer n�a eu droit qu�� quelques �crits diffus�s �� et l� � l�occasion de la c�l�bration d�une bataille ou d�un anniversaire et � moult �crits de Fran�ais regardant toujours l�Alg�rie comme un pays encore soumis, d�nud� de toute dimension historique. Le mythe prend ainsi le dessus sur l�histoire. Cette histoire mill�naire d�un peuple r�guli�rement agress� reste peu connue, sinon folkloris�e � l�extr�me, donnant ainsi � lire un pays ayant certes acquis son ind�pendance, mais restant encore orphelin de son histoire et de sa m�moire. L�une et l�autre se regardent impuissantes et peu loquace pour s�y reconna�tre. L�Histoire du mouvement national et de la r�volution de Novembre pour lesquels des g�n�rations enti�res se sont sacrifi�es reste marqu�e du sceau de l��tranget� et de l�ignorance pour une grande partie de notre jeunesse. Cette m�connaissance est tellement �paisse qu�on observe depuis quelque temps des pratiques inconcevables d�atteinte � notre Histoire. Ainsi, des h�ros nationaux de l�une des plus grandes r�volutions de l�Histoire universelle contemporaine ne sont �voqu�s que dans leur douar d�origine, � l�occasion de l�anniversaire de leur mort. Cette situation concerne �galement des figures embl�matiques de l�Histoire nationale tels l��mir Abdelkader, Ibn Badis, Cheikh El Hadad et bien d�autres illustres noms, souvent convoqu�s pour servir de faire-valoir � des discours de circonstance. Sous d�autres cieux et en d�autres pays respectueux et fiers de leurs m�moires, �de vulgaires criminels �, de notre point de vue, font partie int�grante de la grande Histoire de leur peuple car il est vrai qu�il n�y a que la foule qui n�a pas de leader. Durant les ann�es 1980, souvenons- nous, la classe politique fran�aise, presque tous courants confondus, intellectuels de gauche comme de droite, historiens, �crivains, artistes, journalistes, c'est-�-dire ceux et celles qui r�fl�chissent, s��taient mobilis�s dans un d�bat public contradictoire, opposant tout simplement la v�rit� au mensonge � certains de leurs concitoyens qui suspectaient et reprochaient � feu Fran�ois Mitterrand, pr�sident de la R�publique � l��poque, d�avoir �t� travailleur volontaire en Allemagne nazie. Chez nous en Alg�rie, d��minents sp�cialistes, professeurs de grandes universit�s fran�aises, docteurs et agr�g�s d�histoire du Maghreb, dont les �crits sont des r�f�rences bibliographiques en la mati�re pour les �tudiants, se permettent avec une aisance d�concertante de falsifier notre Histoire et de semer le trouble et le doute au sujet de certains acteurs de la r�volution encore vivants, Dieu merci. L�exemple le plus frappant de cette contre-v�rit� historique, a �t� r�v�l� dans l�entretien accord� par l�ancien pr�sident de la R�publique, Chadli Bendjedid, � l�hebdomadaire arabophone El Mohaqeq, dans son �dition du 19 mars 2006. Remettant en cause ainsi une certaine lecture de l�Histoire contemporaine, en effet, M. Chadli Bendjedid a, dans l�entretien accord� au journaliste Hanachi Habet, d�menti cat�goriquement avoir appartenu avant la r�volution de Novembre 54 � l�arm�e fran�aise ni en tant que mobilis� dans le cadre du service militaire obligatoire, ni comme engag� volontaire comme rapport� dans plusieurs ouvrages de r�f�rence �dit�s en France et r��dit�s en Alg�rie. La v�rit� historique avait ainsi pris la cl� des champs, la question qui se pose est comment des �crits d�universitaires sp�cialistes de la question alg�rienne et d�auteurs renomm�s tels le professeur agr�g� Gilbert Meynier, auteur de L�Histoire int�rieur du FLN(page 150), �dit� initialement chez Fayard et r��dit� en Alg�rie par les Editions Casbah ; l�historien universitaire sp�cialiste de l�Alg�rie Benjamin Stora, auteur de Alg�rie histoire contemporaine 1830- 1988 (pages 296 et 323 paru �galement aux Editions Casbah Alg�rie) ; Achour Cheurfi, journaliste � El Moudjahid et auteur du dictionnaire de la classe politique alg�rienne de 1900 � nos jours (page 76) �dit� par les Editions Casbah ; Mohamed Harbi, professeur d�universit�, historien et, comble de l�histoire, acteur privil�gi� de la R�volution auteur d� Une vie debout (page 150), paru aux Editions Casbah, ont pu reproduire une contrev�rit� historique ne prenant pas la peine de v�rifier l�information ni la soumettre � l�indispensable questionnement en soutenant, trop confortablement et paresseusement, que �Chadli Bendjedid a fait partie de l�arm�e fran�aise et qu�il n�a rejoint la r�volution qu�apr�s sa d�mobilisation�. Comment d��minents historiens d�envergure universitaire internationale, connus et reconnus dont la renomm�e n�est plus � faire, se sont donn�s le droit de distiller par �crit et pour l��ternit� (ne dit-on pas que les paroles s�envolent et les �crits restent) de fausses informations sur le pass� d�un homme et de quel homme s�agi-til, un homme qui a gouvern� un pays, l�Alg�rie pendant plus de treize ann�es ? La d�ontologie, l�int�grit� et l�honn�tet� intellectuelle ne recommandent- elles pas � ces historiens, � ces chercheurs sp�cialistes de v�rifier avant d�informer ? Il �tait pourtant ais� et facile pour ces chercheurs de l�autre rive d�acc�der aux archives fran�aises, alors pourquoi ? Pourquoi cette falsification ? Cette information si elle �tait venue de la pl�be adepte de la politique vulgaire de la rue dans des discussions autour d�un caf� aurait �t� compr�hensible, ne dit-on pas que science sans conscience n�est que ruine de l��me ? Ces sp�cialistes, ces historiens ont-ils conscience des d�g�ts occasionn�s � notre m�moire ? L�autre question qu�on est en droit de poser, pourquoi nos historiques, nos historiens, nos chercheurs, nos intellectuels, nos moudjahidine, nos associations, nos journalistes, espaces �claireurs de la soci�t�, n�ont pas r�agi � ce mensonge ? Pourtant, l�histoire de Chadli Bendjedid, c�est aussi notre histoire, que l�on soit d�accord ou pas avec sa politique, il a, pendant treize ann�es, incarn� la souverainet� nationale. Il y a dans tout cela et ce qui se passe actuellement au niveau des plateaux de t�l�vision fran�ais relatif � notre Histoire une impression am�re et douloureuse de viol, le viol de notre conscience et de notre m�moire collective par des intrus, il y va de la cr�dibilit� de notre m�moire et de l�Histoire qu�on l�guera aux g�n�rations futures. Bachir Chebli d�Annaba Ancien �tudiant de l�universit� Paris VIII