Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Il y a encore en Alg�rie des d�bats �conomiques qui rel�vent d�un autre �ge. Celui de savoir par exemple s�il faut ou pas encourager l�investissement priv� en lui accordant toutes les facilit�s possibles. Celui de mettre fin aux effets d��viction qui r�sultent de l�assainissement financier sans fin des entreprises publiques peu performantes r�duisant d�autant les ressources dont ont besoin les promoteurs priv�s plus efficaces. De m�me voit-on ressurgir r�guli�rement la question que nous sommes aujourd�hui le seul pays � poser, celle de savoir si les investissements directs �trangers sont utiles au moment m�me o� ils sont � l�origine de fort taux de croissance dans tous les pays �mergents. Alors reposons-nous la sempiternelle question est-ce que l��conomie alg�rienne a besoin d�investissements directs �trangers ? Incontestablement, la r�ponse est oui. Les IDE sont un vecteur important d�int�gration de l��conomie nationale au processus de mondialisation. Lorsque ces investissements sont le fait de champions mondiaux ils charrient des technologies, des savoir-faire, des progr�s en management qui sont tr�s utiles aux pays r�cipiendaires. Dans notre pays, la question a de tout temps suscit� des d�bats intenses, contradictoires. Qu�en est-il aujourd�hui ? La r�glementation qui r�git les IDE en Alg�rie a connu quelques modifications avec les circulaires Ouyahia, modifications qui ont pu susciter quelques commentaires et qui surtout ont pu faire na�tre chez les investisseurs �trangers quelques appr�hensions. L�Etat alg�rien en �resserrant les boulons� veut se pr�munir contre toute d�rive toujours possible. Ces nouvelles exigences vis-�-vis des IDE vont en effet dans le sens d�un meilleur suivi de la situation. Il y a quatre exigences qui amendent s�rieusement le code des investissements. 1/- La balance devises de tout IDE doit �tre exc�dentaire : l�investisseur �tranger doit faire rentrer, par son investissement en Alg�rie, dans le pays, plus de devises qu�il n�en fait sortir. 2/- L�investisseur �tranger devra s�acquitter d�un imp�t sur les dividendes. 3/- Dans tout IDE, le capital devra �tre d�tenu au moins � un taux de 51% par des op�rateurs alg�riens (publics ou priv�s ou une combinaison des deux). 4/- La mobilisation du financement de l�IDE doit se faire sur le march� bancaire alg�rien. Les commentateurs ont vite conclu, � la lecture de ces amendements, � une indiff�rence sinon carr�ment � un rejet des IDE de la part du gouvernement alg�rien. L�observation est tr�s certainement exag�r�e m�me si elle peut effectivement soulever quelques interrogations quand on - a conna�t la concurrence que se font les pays r�cipiendaires des IDE et notamment les pays du Sud, - b la place que ces IDE occupent aujourd�hui dans l��conomie mondiale -et c le r�le qu�ils peuvent jouer dans les pays du Sud qui ont faim d�investissements, de technologie et de savoir-faire. Il faut, en effet, rappeler que l�investissement direct �tranger est devenu en cette premi�re moiti� des ann�es 2000, la principale source de financement des pays en d�veloppement surclassant l�endettement ext�rieur auquel ces pays avaient traditionnellement recours. On sait depuis longtemps que dans ces pays l��pargne nationale est insuffisante et lorsqu�elle existe, elle est difficile � mobiliser. C�est alors la �ru�e� sur les IDE et c�est � celui qui arrive � �s�duire� le mieux les investisseurs �trangers. Dans les pays o� l��pargne est suffisante et mobilisable, comme l�est aujourd�hui le cas de l�Alg�rie, les IDE sont recherch�s en tant que vecteurs de transfert de technologie, de savoir-faire et leurs effets structurants sur les �conomies d�accueil car ils diffusent de l�organisation, du management et de la culture d�entreprise. Entre 2001 et 2006, les pays du Sud auraient re�u 40% des IDE r�alis�s � travers le monde, soit quelque 350 milliards de dollars (en 1980, ils ne recevaient que 15% du total des IDE). Il faut pr�ciser cependant que les deux tiers de ces IDE � destination des pays du Sud vont en Asie et particuli�rement en Chine, en Inde et � un degr� moindre en Malaisie. Les IDE assuraient durant cette p�riode (2001-2006) 50% des financements ext�rieurs des pays en d�veloppement contre 23% en 1990. Est-ce que les IDE sont b�n�fiques aux pays en d�veloppement qui les re�oivent ? Deux probl�mes se posent : 1�/ Est-ce les IDE qui sont � l�origine de la croissance �conomique du pays d�accueil ou bien est-ce plut�t la croissance �conomique du pays qui y attire les IDE ? D�abord la croissance �conomique puis les IDE ou bien d�abord les IDE puis la croissance �conomique ? C�est plut�t la premi�re th�se qui semble se confirmer sur le terrain : la Chine, l�Inde, le Br�sil, et plus pr�s de nous, la Tunisie attirent les IDE car ils affichent r�guli�rement de forts taux de croissance �conomique. Bien �videmment, par la suite, il y a une dialectique croissance �conomique/IDE, l�une alimentant l�autre et vice-versa. 2�/ Le second probl�me qui est pos� est celui qui a trait � la convergence des int�r�ts des firmes multinationales investisseurs r�els ou potentiels avec celui des Etats r�cipiendaires. A titre d�exemple, les investissements d�infrastructures dont ont si besoin les pays en d�veloppement n�int�ressent pas les firmes multinationales. Une �tude r�cente de la Cnuced a montr� que les relations entre les Etats et les multinationales reposent sur un malentendu : �Quand les Etats attendent des IDE qu�ils soient un levier de d�veloppement et de croissance, les multinationales gardent pour ligne d�horizon, un imp�ratif de rentabilit� et de profit.� Et les deux objectifs ne se rencontrent pas forc�ment. Sous quelles conditions les IDE peuvent-ils �tre b�n�fiques aux pays en d�veloppement qui les re�oivent ? Anne Rivaux, expert de la Cnuced charg�e du d�partement �Analyse des IDE�, distingue deux conditions au moins pour que les IDE soient b�n�fiques aux PED qui les re�oivent : 1/ Il faut que le pays qui re�oit l�IDE ait une population bien form�e et singuli�rement, les ressources humaines engag�es dans les diff�rentes activit�s �conomiques pour que les transferts de connaissance puissent avoir effectivement lieu. 2/ Il faut que le tissu des entreprises locales soit suffisamment d�velopp� et solide pour pouvoir profiter des �savoir-faire � des investisseurs sans se faire exclure du march� par la pr�sence de firmes �trang�res plus grosses et plus comp�titives. Les �tudes men�es ces derni�res ann�es par les institutions internationales diverses telles que la Banque mondiale, la Cnuced ou encore l�OCDE ont montr� que le rapport de force entre les multinationales et les pays en d�veloppement s�est encore accru en faveur des premi�res car les PED sont en mal de financement. Dans le secteur minier en particulier �l�envol�e des cours des mati�res premi�res depuis 2003 a clairement montr� que l�essentiel des retomb�es de la rente �chappait � l��conomie locale�. Entre 2002 et 2004, par exemple, �75% du revenu suppl�mentaire qu�aurait d� engranger le pays en d�veloppement producteur sont repartis � l��tranger sous forme de rapatriement des b�n�fices� (cf. rapport de la Cnuced - sept 2005) (d�o� les mesures pertinentes prises r�cemment par le gouvernement alg�rien). En 2004, lorsque les prix mondiaux du p�trole atteignaient 30 dollars le baril, le gouvernement tchadien ne recevait que 2 dollars par baril sous forme de royalties de la part des compagnies �trang�res charg�es de l�exploitation du p�trole (cf. Le Monde de l��conomie - mardi 27 septembre 2005). Ces m�mes �tudes (Banque mondiale, Cnuced, OCDE) signalent que �confront�s � des besoins de capitaux, les gouvernements des pays du Sud n�gligent le co�t que peuvent induire les politiques d�incitations fiscales qu�ils proposent aux investisseurs �trangers�. Que penser, en conclusion, de l�apport des IDE aux PED. Quatre conclusions peuvent �tre retenues : 1/- Pour le financement de leur d�veloppement, les pays du Sud recourent de plus en plus aux IDE les pr�f�rant � l�endettement ext�rieur. Le premier pouvant g�n�rer un transfert de technologie absent dans le second. 2/- Pour les multinationales, le pompage du surplus �conomique des pays du Sud se r�alise mieux par le canal des IDE que par celui de l�endettement. 3/- Les IDE sont b�n�fiques pour les PED qui les re�oivent si, et seulement si, ces derniers ont une r�elle capacit� d�absorption faite d�une politique de d�veloppement coh�rente, d�une mati�re grise r�elle, d�entreprises locales performantes (� l�exemple de pays comme la Chine, l�Inde en Asie, le Br�sil et le Mexique en Am�rique latine). 4/- Les IDE dans un pays o� les entreprises sont peu performantes et o� les �lites manag�riales sont peu nombreuses et rares, profitent nettement plus aux multinationales qu�aux pays d�accueil.