Par Ma�mar FARAH [email protected] Lakhdaria-Alger en moins d�une demi-heure ! Da Mansour, que Dieu ait son �me, aurait d� voir �a. Il n�en serait pas revenu et aurait peut-�tre eu quelque indulgence pour ce pouvoir d��Arabes� qu�il fustigeait � longueur de kilom�tres. Originaire de Tibane, sur les hauteurs de Sidi A�ch, ancien moudjahid de la f�d�ration de France, il revendiquait la berb�rit� comme on revendique une chose vitale. C��tait le chauffeur que je choisissais neuf fois sur dix lorsque je partais en reportage � travers notre vaste et beau pays. Je le vois comme s�il �tait l�, � mes c�t�s, dans cette Fiat polonaise qui peinait � avancer sur la route zigzagante de Th�nia. On �tait bien loin d�Alger� La capitale s�arr�tait alors au cimeti�re El-Alia, � la lisi�re de cette belle route bord�e de palmiers � plant�s par les Am�ricains, dit-on, lors de la Seconde Guerre mondiale. Au-del�, c��taient des champs � perte de vue. Au milieu, une petite bourgade, un lieu-dit : Le Retour de la Chasse, devenu Bab Ezzouar, pittoresque halte aux toitures rouges et � l�in�vitable bistrot aux k�mias succulentes. Pour arriver � Lakhdaria, il fallait foncer tout droit vers Rouiba, laissant � droite la petite route rectiligne de l�a�roport, puis attaquer les pentes de Tidjelabine. Les fameuses gorges de �Palestro� �taient � un minimum de deux heures ! Voil� Alger qui s�annonce, avance et recule, au gr� des panneaux, des ponts et des �changeurs, au milieu d�une dense for�t d�asphalte. Alger restera toujours Alger m�me si le climat fait des siennes. Une humidit� exceptionnelle et incommodante enveloppe la capitale qui semble �touffer� L�-bas, on distingue mal l�autre flanc d�Alger et l�imposante masse d�El- Aurassi, noy�s dans la brume qui s��tend jusqu�aux hauteurs de Bouzar�ah. Dans les rues de ce printemps orphelin, la chaleur humide �crase les passants qui ne l�vent plus la t�te pour voir le ciel. Ils savent qu�il est gris, sale, impur. Ils savent que les probl�mes de couche d�ozone et de r�chauffement climatique ne sont pas des histoires pour journalistes en mal de sensations. Ils savent que les millions de tonnes de bombes l�ch�es par ce fou de Bush sur l�Irak et les fum�es abondantes qui montent de mille et une usines empoisonnent l�atmosph�re. Nous en sommes d�j� aux printemps rat�s et Dieu seul sait ce que nous r�servera cet �t� d�butant qui s�annonce tout aussi capricieux que les autres saisons. Alger �touffe et le long bouchon qui coule au milieu de la rue Didouche ne semble pas pr�s de s�estomper. Une odeur de carburant br�l� flotte sur cet oued encaiss� que dominent, de part et d�autre, des falaises blanches aux balcons ceintur�s de bleu et de noir. Un gosse, les yeux et la langue plant�s sur un cornet de glace au chocolat, �chappe de peu � un Boxer conduit par un type qui joue au DJ de la rue Didouche. Musique de ra� assourdissante� Le policier qui s�essuie les tempes avec un mouchoir grossier s��poumone � emp�cher la file venant d�une rue adjacente de rejoindre le gros du peloton : son sifflet est inaudible. Zahouania est plus forte que la loi ! L�-bas, entre deux vitrines, une dame entre deux �ges h�site� Elle fait le va-et-vient entre deux bagues. Laquelle choisir ? Moment de grande ind�cision� Pourtant, il faudra bien choisir. L�anniversaire est pour ce soir. Que de choses devons-nous d�cider rapidement et, cruellement, nous avons toujours l�impression que le temps nous manque� Finalement, la dame ne rentre dans aucune des deux bijouteries et poursuit son chemin, emport�e par la vague des passants qui d�vale, impassible, vers la Grande-Poste� Il y a deux fous qui parlent de tout et de rien. L�un est passionn� de femmes� Encore un, jet� du train de la vie par un amour qu�il n�a pas su garder. Encore un, po�te � ses heures perdues, qui, � force d��tre fou amoureux, est devenu fou tout simplement. L�amour m�ne � tout, � condition de ne pas perdre la raison� Et l�autre, qui claironne sa haine du pouvoir et des partis. Autre passion, autre folie� Celui-l� est branch� politique et nous le savons, la politique, c�est pire qu�une femme. Elle rend encore plus fou sinon ils n�en viendraient pas � ces extr�mes l�haut dans les �tats-majors bidon de ces formations politiques qui se la jouent �d�mocrates�, mais qui ne font qu�ob�ir au Ma�tre du moment. Et ce Belkhadem, con�u dans les laboratoires du �beni-ouiouisme � politique, qui a jou� � fond la mise en sc�ne de la destitution de Benflis, sous le couvert d�un d�shonorant �redressement� commandit� par ses ma�tres du Palais ; et ce Belkhadem, comment ose-t-il hausser le ton, lui qui aurait d� partir � la vue des pancartes hiss�es par des membres du comit� central ? Je ne sais pas comment il est fait ce gars, mais moi, � sa place, j�aurais pris une paisible retraite qui m��loignerait du climat pourri de la politique et, pour l�avoir essay� tr�s t�t, je vous assure que la vie est plus sereine, plus belle et mille fois meilleure quand elle n�est pas contenue entre les quatre murs d�un bureau aust�re, derri�re les portes capitonn�es o� se trament les complots� Il vaut mieux aller respirer le grand air, sinon, gare � la d�raison. Le gars s�attaque maintenant � une affiche du r�cent vote, il parle � l�homme qui domine l�affiche, un gars � la moustache tordue, comme s�il avait re�u une casserole en pleine figure. A-t-il �t� �lu ? Pour l�ali�n� mental qui s�adresse � lui dans un arabe ch�ti�, peu importe� Le fou de la politique poursuit son chemin. Un cort�ge officiel passe. Un ministre ? Un h�te �tranger ? Je ne sais pas mais j�esp�re que les gars � l�int�rieur de la limousine n�ont pas vu les bras d�honneur de quelques jeunes au coin de la rue. D�cid�ment, on ne respecte plus rien� Tiens, cette rue, je ne la connaissais pas beaucoup du temps o� je vivais � Alger. Dommage ! Car j�y ai d�couvert un petit amour de restaurant qui vaut autant par sa client�le raffin�e que par son poisson, l�un des plus frais que j�ai eu l�occasion de go�ter � Alger. Et quand on est un assidu de la c�te b�noise, on en conna�t un bout sur les poissons frais ! Le resto a �t� retap� et il y r�gne une atmosph�re d�tendue et fraternelle. Allez, un coup de pub : c�est si rare de tomber sur des restaurants populaires qui ont le go�t du raffinement et du service bien fait : �a s�appelle �Chez Zidi��