Par Badr�eddine Mili, �crivain Avec toute la quincaillerie du monde qui inonde les march�s de notre pays, devrions-nous, aussi, importer notre Histoire ? Pour nombre d�Alg�riens, Benjamin Stora constitue une �nigme. Comment et pourquoi ce Fran�ais, natif de Constantine, est-il devenu, en l�espace de quelques ann�es, l�incontournable sp�cialiste de l�histoire de la guerre d�Alg�rie, l�homme qui d�tient le quasi-monopole sur la question, intervenant sur tous les registres de la recherche universitaire et de la cr�ation artistique, produisant des ouvrages, des sc�narios, des documentaires audiovisuels, parrainant des th�ses de doctorat, animant des s�minaires en France et dans notre pays, trustant les plateaux de t�l�vision de l�Hexagone et les colonnes de nos journaux, � longueur d�ann�e ? Qu�est-ce qui explique cette hyperactivit� ? Sa parfaite connaissance du dossier ? La grande facilit� avec laquelle il acc�derait aux sources et aux archives ? La m�diocrit� et le peu de fiabilit� des autres historiens fran�ais ou alg�riens ? Son art de jouer des contradictions et des diff�rends des uns et des autres des deux c�t�s de la M�diterran�e pour pr�tendre � un r�le d�interm�diaire, une sorte de pongiste fran�ais, un �Monsieur bons offices� qui aiderait � enterrer la hache de guerre des m�moires ainsi qu�il l�avait laiss� entendre, � l�issue de l��lection de Fran�ois Hollande � la pr�sidence de la R�publique fran�aise alors qu�il d�fendait le contraire sur France 2 � l��mission de David Pujadas en mars dernier ? Ou bien, plus prosa�quement, une inclination, terre � terre, pour le business qui lui fait prendre l�Alg�rie pour un juteux fonds de commerce, en cette ann�e de comm�moration du Cinquantenaire de l�ind�pendance ? Si on tente d��baucher une premi�re explication, on retrouve un peu de tout cela dans les tenants apparents de sa d�marche, mais pas seulement. La fr�n�sie avec laquelle il s�emploie � agiter l�opinion fran�aise mais surtout alg�rienne � laquelle il s�adresse, chez nous, par le biais de certains m�dias, laisse penser que ses objectifs sont autrement moins superficiels qu�il n�y para�t. Pour peu qu�on examine la chose de plus pr�s, on se rend compte que ce matraquage et cette exposition aux feux de la rampe ne sont pas gratuits. Pourquoi lui et pas les autres car ce ne sont pas les historiens �trangers qui manquent sur le cr�neau �Alg�rie� ? Pour ne citer que les plus connus qui font autorit�, rappelons les travaux de l�in�vitable Charles Andr� Julien, des repr�sentants de la sensibilit� communiste Ren� Galissot et Henri Alleg, des bons connaisseurs du Mouvement national et de la R�volution alg�rienne, Jacques Berque, Charles Robert Ageron, Charles- Henri Favrod, Robert Colonna, Andr� Nouschi, Jean-Luc Einaudi, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, avec une mention particuli�re pour le moins ancien, Olivier Le Cour Grandmaison, sans oublier l�encyclop�diste de l�Antiquit� Pierre Salama, les g�ographes Andr� Prenant et Yves Lacoste et les constitutionalistes Jean Leca et Jean-Claude Vatin. On doit � ces historiens et � ces professeurs en sciences humaines des �uvres tr�s circonspectes qui �margent rarement � l��sot�risme ou � la prolif�ration sans raison. Plusieurs d�entre eux se sont acquitt�s, chacun selon la particularit� de son temps et le degr� de son �quidistance avec le sujet, d�un travail qui, sans avoir totalement rendu justice au combat de la Nation alg�rienne contre le syst�me du colonialisme � loin de l� � a eu, au moins, le m�rite de ne pas d�border de l�acad�misme scrupuleux qu�ils avaient choisi comme m�thode de traitement de l�objet de leur recherche. Alors qu�est-ce qui fait la singularit� de Stora dont le touche-�-tout tranche avec la tradition de sobri�t� et de rigueur des grands historiens fran�ais comme Henri Miquel ou Jean d�Ormesson, les r�f�rences de l�histoire de la R�sistance fran�aise ? Qu�est-ce qui le fait courir, lui et ses sous-traitants alg�riens ? Pour en savoir plus, il faudrait remonter � ses premiers �crits, ceux par lesquels il s�est fait remarquer, � commencer par le fameux �Dictionnaire biographique de militants nationalistes alg�riens� d�clin� comme s�il s�agissait d�une compilation de fiches de renseignements de la DST coloniale. Le commun des citoyens alg�riens n�aurait pas tout � fait tort de poser la question de savoir dans quel but un tel travail fut effectu�, personne n��tant dupe de ce que derri�re toute entreprise, se cachent des mobiles que tout auteur s�oblige, naturellement, � masquer au moyen de d�veloppements pr�sent�s comme autant d��clairages m�thodologiques. Il est vrai que de sous la chape de plomb qui pesait � et p�se encore � sur le tonneau des Dana�des de l�Histoire alg�rienne, il aurait �t� impossible, voire impensable, pour des Alg�riens du cru, d��laborer et de faire publier, � cette �poque, un tel dictionnaire exposant � la clart� du jour la vie, les faits et gestes historiques de dirigeants et de militants du Mouvement national, frapp�s d�ostracisme, sans risquer d�encourir les foudres de la censure sinon de la r�pression. C�est pour cette raison et aussi parce que la nature a, �videmment, horreur du vide que l�historien fran�ais s�est engouffr� dans la br�che, flairant le bon filon qui allait lui permettre d�asseoir sa notori�t�, de tisser de solides amiti�s avec les cercles locaux qui avaient des comptes politiques et id�ologiques � r�gler et de pr�parer, ainsi, le terrain � la diffusion de ses th�ses favorites. Une dizaine d�ouvrages, de films et de pr�faces, plus tard, on sait, aujourd�hui, au d�tail pr�s, quelles sont-elles. Il ne s�en cache, d�ailleurs, m�me plus, assume et va jusqu�� quitter son costume d�historien pour rev�tir celui de l�id�ologue partisan avec lequel il appara�t, souvent, sur la sc�ne publique. Juste une parenth�se pour pr�ciser qu�on comprendra fort bien qu�il n�entre pas dans ce propos, l�intention de formuler des invectives ad hominem, de dresser un autodaf� ou de nier � qui que ce soit, o� qu�il se trouve, le droit et la libert� d��crire ce qu�il veut, � la r�serve pr�s, qu�il ne faut pas prendre les Alg�riens pour des nases pr�ts � avaler n�importe quelle mystification. Des dizaines d�auteurs am�ricains ont bien publi� de nombreux travaux sur la guerre du Vi�tnam. Les Fran�ais qui les y ont pr�c�d�s n�ont pas �t� en reste pour donner leur version sur la guerre d�Indochine ni les Alli�s pour minimiser, � la fin de la Seconde Guerre mondiale, les m�rites de l�Arm�e rouge sovi�tique et les pertes humaines consid�rables subies par l�ex-URSS. Les guerres sont ainsi faites pour �tre racont�es diff�remment selon que l�on se trouve dans un camp ou dans un autre, du c�t� des glorificateurs ou de celui des suborneurs. Dans le cas qui nous int�resse, ce qui pose probl�me, c�est que Stora et d�autres �historiens� fran�ais enjambent, all�grement, les garde-fous scientifiques et �thiques de leur m�tier pour �chafauder des th�ses leur permettant de relire les �v�nements historiques, selon leur propre grille, dans le but de leur donner un sens diff�rent. Ils �crivent l�Histoire comme ils �criraient un roman, � la mani�re d�un Yves Courri�re, en convoquant leur subjectivit� et leur talent de metteur en sc�ne pour faire passer des faits et des id�es pour ce qu�ils n�ont jamais �t�, avec l�intention arr�t�e de reconstruire l�Histoire. Une telle supercherie a un nom : le r�visionnisme. Et comme tout r�visionnisme n�est pas fortuit, il a un soubassement : l�arri�re- pens�e politique. Stora a commenc� � �laborer ses th�ses apr�s qu�il eut �t� approch� par la fille de Messali Hadj afin de suivre la mise en forme de la premi�re partie des m�moires du fondateur de l�Etoile Nord- Africaine. A partir de l�, il posa quatre pr�suppos�s qui constitueront la charpente de ses d�monstrations ult�rieures. 1) Pour lui, le peuple alg�rien aurait pu faire l��conomie d�une guerre d�vastatrice s�il avait accept� d��couter le chef du MNA et refus� de se mettre sous la banni�re du FLN. 2) La responsabilit� de la violence est partag�e par les deux camps, le tandem FLN-ALN �tant accus� d�avoir commis des massacres et des crimes contre le peuple lui-m�me, les harkis et les pieds-noirs, �des taches ind�l�biles� qui discr�diteraient, � ses yeux, la R�volution alg�rienne, au m�me titre que l�arm�e fran�aise pour ses actes de torture. 3) La R�volution alg�rienne est ramen�e � une concurrence entre chefs et clans, l�engagement, les sacrifices et les pertes humaines et mat�rielles du peuple se retrouvant r�duits � leur plus simple expression. 4) Les causes lointaines de la guerre qui remontent � 1830 sont rarement �voqu�es et analys�es pour �clairer et justifier la lutte l�gitime de la Nation alg�rienne pour la restauration de son Etat usurp�. Et Stora, p�remptoire, de trancher : �Aux Alg�riens, l�Histoire de l�h�ro�sme, aux Fran�ais, l�Histoire des pieds-noirs et les harkis !� Conclusion logique de ce raisonnement tr�s sp�cieux : Exit la repentance, la pr�sentation d�excuses, tout ce qui, selon lui, �insulterait l�avenir des relations entre la France et l�Alg�rie�, feignant d�ignorer que c�est l� que r�side la pierre sur laquelle ces derni�res achoppent et continueront d�achopper tant que l�Etat fran�ais s�obstine � ne pas admettre l��vidence. N�importe quel lecteur alg�rien averti aurait pu r�pondre, point par point, � ces apriori par trop simplistes. 1) Vouloir vendre le messalisme comme un cat�chisme pour novices �quivaut � engager une bataille perdue d�avance. Tout en reconnaissant au leader du PPA-MTLD le m�rite d�avoir �t� le premier, avec Radjef et Inal, � revendiquer l�ind�pendance de l�Alg�rie, les Alg�riens se sont fait une religion d�finitive sur la question : l�image de Messali Hadj a �t� ternie ad vitam �ternam par les positions qu�il eut � d�fendre � contre-courant de la R�volution arm�e et personne ne peut en restaurer le lustre originel sans �tre rappel� � l�ordre par la v�rit� historique qui est au-dessus de tous et de toute consid�ration sentimentale. Ali Yahia Abdenour a eu raison de ces tentatives de d�voiement dans un article, sans concession, publi� apr�s le colloque organis� � Tlemcen, au printemps 2012, en hommage � l�illustre personnage. Le d�bat, imprudemment rouvert, a �t� recadr� et clos, de sorte que plus aucune faille ne subsiste d�sormais qui permette d�entretenir un doute quelconque sur la l�gitimit� du choix de la lutte arm�e d�cid�e par les instances de la R�volution alg�rienne, appuy�es, sans r�serve, par la majeure partie du peuple. 2) Le renvoi dos � dos des protagonistes de la guerre est un blasph�me contre l�Histoire. La violence r�volutionnaire oppos�e � la violence coloniale �tait une violence juste qui r�pondait � une violence premi�re injuste. Qui a oubli� que la population alg�rienne qui comptait 8 millions d�habitants en 1830 s��tait retrouv�e au m�me stade d�mographique en 1962, en raison du g�nocide qu�elle avait subi, durant 132 ans, suite aux tueries collectives de Constantine en 1837, de S�tif en 1945, de Skikda en 1955, � la prise de la Smala, aux enfumades du Dahra, � la Bataille d�Alger, aux ex�cutions, aux expropriations, au d�placement de populations, � l��migration, � la conscription d�voreuse de chair � canon � 3) L�engagement du peuple alg�rien pour le triomphe de sa cause n�a jamais fait l�ombre d�un doute. Exception faite de la minorit� de f�odaux et d�auxiliaires alli�s du colonialisme qui tentent pr�cis�ment, aujourd�hui, par l�interm�diaire de leurs h�ritiers de classe, de travestir leur r�le v�ritable durant l�occupation, le peuple a entretenu une r�sistance de masse ininterrompue de 1830 jusqu�� la d�livrance finale le 5 Juillet 1962. �Un seul h�ros, le peuple� n�a pas �t� un slogan creux, confondant tous ceux qui avaient vu dans la R�volution une affaire de chefs et de clans, ce qui a fait dire � Hocine A�t-Ahmed, � juste raison : �Nous r�cusons le terme �d�historiques�, le seul �historique�, c�est le peuple.� 4) Les causes fondamentales de l�insurrection de 1954 tirent leur force de l�agression perp�tr�e, en 1830, par Charles X contre l�Alg�rie, un pays prosp�re, pacifique o� rivalisaient universit�s et �coles prestigieuses, r�duit en quelques ann�es en un pays soumis, d�lest� de ses terres, vid� de ses ressources, d�cultur�, interdit de religion, des crimes que Stora consid�re comme des broutilles inaptes � expliquer le soul�vement du 1er Novembre. Qu�un �historien� reclus dans une sorte de solitude insolente se trompe, � ce point, on peut, � la limite, en admettre l��ventualit�, tout en le d�busquant et en le d�mystifiant mais quand le ph�nom�ne d�passe les fronti�res de la singularit� pour rev�tir la forme d�un mouvement organis�, ramifi�, le r�flexe de la conscience patriotique est d�alerter et de s�opposer, avec force et d�termination, � ce type d�entreprises pleines de p�rils. �L�Histoire de l�Alg�rie, d�cr�te, Benjamin Stora, sera �crite par la diaspora alg�rienne.� Autrement dit, par les groupuscules d�hybrides auxquels des organismes fran�ais sp�cialis�s accordent des bourses �d��tudes et de recherches�, assorties d�un cahier des charges imposant une ligne �ditoriale, politiquement orient�e, pour produire des �uvres de dissimulation, de dissipation et de diversion. Pour ainsi dire, des machines de guerre des m�moires. Un danger sur lequel certains milieux politiques et m�diatiques semblent fermer, pudiquement, les yeux, d�couvrant, par ailleurs, au nouveau concept �d�Histoire partag�e� qui court ces derniers temps les rues de Paris et d�Alger, les vertus d�une lessive magique fabriqu�e pour laver plus blanc et niveler l�Histoire par le bas. Il est fort regrettable que des intellectuels alg�riens, par ailleurs, acteurs � certes, secondaires � de la R�volution, aient consenti � s�associer � ces attelages brinqueballants, joignant leurs voix � celles de ces faux amis de l�Alg�rie. Il est, tout aussi, navrant que des moudjahidate, des universitaires et de hauts responsables se d�placent � Paris comme on se rendrait � Canossa pour �parlementer� avec les porte-parole de nos anciens bourreaux, les Bernard-Henri L�vy et consorts alors qu�ils auraient �t� mieux inspir�s de mobiliser les ressources juridiques et judiciaires internationales disponibles pour faire asseoir le sinistre Aussaresses dans le box de la TPI occup�, aujourd�hui, par Ratko Mladic. Hier Chirac et r�cemment Hollande ont refus�, pour des consid�rations de politique int�rieure, de parler avec les leaders du Front national, un parti pourtant l�gal et disposant d�un capital �lectoral de 6 millions de voix. C�est pour vous dire ! Parce que, en R�publique, on ne transige pas sur la question des principes et des valeurs. Il est vrai que, pour �tre juste, la �l�gende� raconte que le pr�sident Houari Boumedi�ne avait quitt� la salle de projection du cin�ma �Algeria�, pour protester contre une des sc�nes d�un film alg�rien montrant Larbi Ben M�hidi en train de dialoguer avec le colonel Bigeard, ce tortionnaire auquel un �journaliste� avait ouvert, � l��poque de Chadli Bendjedid, les colonnes d� Alg�rie Actualit�spour une interview de la honte. Pourquoi en est-on arriv� � cette inconfortable et tr�s g�nante situation ? Abstraction faite de toutes les tares accumul�es, par l��criture officielle, conformiste, lin�aire, sans �clat, dont le proc�s commence par �tre instruit, de fa�on un peu d�sordonn�e, certains milieux alg�riens ont cru, depuis longtemps, pouvoir faire du lobbying aupr�s des autorit�s fran�aises en actionnant ce type de leviers �trangers repr�sent�s par des journalistes, des historiens et des animateurs d�associations d�amiti� qui, en plus d��tre d�insatiables budg�tivores, sont de peu de poids dans la balance et l�architecture de la d�cision de l�Etat fran�ais. Une des preuves les plus r�centes de ce genre d�incons�quences, imputable, celle-l�, aux milieux m�diatiques, le peu recommandable Robert Menard qui vient de se fendre d�un �Vive l�Alg�rie fran�aise �, un autre ouvrage �d�histoire� � la gloire de la colonisation ! On se souvient, tous, que ce personnage qui s�vit aujourd�hui dans les studios des cha�nes de t�l�vision revanchardes, en faisant chorus avec l�ultra Eric Zemmour et le sirupeux Jean-Pierre El- Kabbach, �tait, il n�y a pas si longtemps, accueilli � bras ouverts, en sa qualit� de secr�taire g�n�ral de Reporters sans fronti�res, invit� � nous donner des le�ons de morale et de d�mocratie. Combien sommes-nous na�fs de penser que nous avons affaire � des Edgar Snow ou � des Jean Lacouture, des hommes de conviction, au-dessus de tout soup�on, susceptibles d�appuyer et de relayer nos l�gitimes requ�tes alors que nos ragondins ne sont que des seconds couteaux, juste capables de servir de vulgaires propagandistes relayeurs des id�es fascistes et racistes des Maurras et Deroul�de, leurs mod�les et r�f�rents id�ologiques ! Si le lobbying et la manipulation avaient pu �tre f�conds, on l�aurait su, depuis 1962, et si tel avait �t� le cas, la loi fran�aise glorifiant le colonialisme n�aurait jamais vu le jour. Alors basta ! Toutes choses �tant par ailleurs �gales, l�opinion alg�rienne est en droit de demander : �Et que font nos historiens, nos �lites pour faire pi�ce � cette imposture et �crire, en sortant de ce t�te-�-t�te impos� avec la France, tant il est vrai que �ceux qui ont le privil�ge de savoir ont le droit d�agir�, ainsi qu�Einstein le clamait sur tous les toits. En v�rit�, ce n�est pas � eux qu�on devrait jeter la premi�re pierre. D�abord parce qu�ils ont produit, en temps voulu, des �uvres courageuses qui ont �t�, d�lib�r�ment, enfouies ou combattues, ensuite, parce que, gagn�s par le doute ou la crainte du prince du moment, ils ont baiss� les bras ou sont disparus pr�matur�ment. L�Alg�rie a compt� et compte encore des historiens de renom et lorsqu�on s�pare le bon grain de l�ivraie, nous pouvons, nous aussi, consulter, avec la chance de beaucoup apprendre, les travaux de sommit�s comme Moubarek El-Mili, l�auteur de la premi�re Histoire contemporaine de l�Alg�rie publi�e en arabe, en 1930, l�ann�e de la comm�moration du Centenaire ; Mahfoud Keddache, g�n�raliste et en m�me temps sp�cialiste de la p�riode ottomane ; Belkacem Sa�dallah, g�n�raliste et en m�me temps sp�cialiste de la p�riode arabe ; Ch�rif Sahli, le brillant signataire de D�coloniser l�Histoire ; Mouloud Ga�d, Mohamed Teguia, Abdelhamid Benzine, Daho Djerbal, Slimane Chikh, Abdelmadjid M�ziane, Mahfoud Bennoune, Abdelhamid Zouzou qui a �crit une �paisse et instructive histoire des Aur�s. Ceci sans parler des dizaines d�essaystes, d�acteurs-t�moins comme Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, R�da Malek, Ahmed Taleb El- Ibrahimi, Bela�d Abdeslam, Mostefa Lacheraf, Frantz Fanon, Sadek Hadjeres, Boualem Bourouiba, Mohamed Far�s, Ahmed Akkache et j�en oublie involontairement. Ceci dit, nous mentirions si nous pr�tendons que tout est net chez nos �lites. Nombre de leurs �pigones petit-bourgeois � pas tous heureusement � ont choisi de s�aligner sur les positions r�visionnistes de leurs mentors fran�ais, par int�r�t de classe, comme relev�, plus haut, parce que l�Histoire � qu�on le veuille ou non � est un champ de bataille social et politique qui prolonge celui de la guerre, en quelque sorte, une troisi�me mi-temps que les vaincus veulent faire jouer, de force, pour gagner le match. Certains d�entre eux en sont, encore, � courir apr�s une chim�rique �Nation en construction� ou � lancer des avis de recherche sur �le centre r�el du pouvoir�, de la m�me fa�on qu�avait cru devoir le faire Michel Jobert, le ministre fran�ais des Affaires �trang�res, envoy� � Alger, � la fin des ann�es 1970, par Georges Pompidou pour s�en enqu�rir. Pour s�r que tout cela est d�plorable et qu�il y a mieux � faire ! A commencer par agir : 1) En se rapprochant du peuple, au lieu de se clo�trer dans les tours d�ivoire d�o� lui sont, r�guli�rement, envoy�es bulles et encycliques papales. 2) En lib�rant l��criture de l�Histoire et en la nettoyant des scories et des gloses qui l�ont p�trifi�e depuis 50 ans. 3) En �crivant chacun, � son niveau, au poste qu�il occupe et avec le mat�riau dont il dispose l�histoire multiple de notre Nation, l�histoire politique, l�histoire militaire, l�histoire �conomique, l�histoire diplomatique, l�histoire des partis, l�histoire du renseignement et des transmissions, l�histoire des camps de concentration et de regroupement, l�histoire de l��migration, l�histoire de la conscription� afin de r�habiliter le peuple qui en avait �t� l�alpha et l�om�ga. 4) En responsabilisant l�Etat, � travers ses institutions ex�cutives, l�gislatives et judiciaires, dans l�action de criminalisation du syst�me colonial et de r�cup�ration des archives stock�es � Aix-en-Provence et Vincennes. 5) En mobilisant la soci�t� civile pour inciter � la restauration de la dignit� nationale face aux compromissions des classes poss�dantes et des puissances de l�argent informel avec les tenants du r�visionnisme. 6) En mettant un terme d�finitif � l�importation de notre Histoire au moyen d�une politique d�encouragement moral et mat�riel � l��criture dont la cheville ouvri�re devrait �tre, en grande partie, au plan logistique, un minist�re de la M�moire. Dans cette perspective, les institutions concern�es devront se ressaisir et corriger leurs erreurs pour qu�� titre d�exemple une moudjahida de la stature de Djamila Bouhired ne soit plus r�duite � mendier ses soins et pour que des m�dailles du m�rite national ne soient plus distribu�es, � droite et � gauche, � des footballeurs �trangers, alors qu�un moudjahid de la trempe de Si Salah Boubnider est parti sans qu�on la lui accorde. De ce point de vue-l�, et c�est, peut-�tre, anecdotique mais tr�s parlant, les drapeaux alg�riens qui sont brandis par nos jeunes sur les tribunes de nos ar�nes et de plusieurs stades europ�ens, en lieu et place des drapeaux canadiens et italiens d�il y a vingt ans, renseignent sur l�amour que les nouvelles g�n�rations portent � leur patrie et partant sur leurs pressantes attentes. Envoyez-leur un message fort qui les rassure ! Enfin, pour conclure et mettre en garde, encore une fois, contre les faux amis de l�Alg�rie, j�invite � m�diter cette �auguste� pens�e d�un politologue bien en vue dans le microcosme parisien, en l�occurrence Pierre Rosanvallon qui a d�clar� � une cha�ne de t�l�vision, il y a quelques semaines, � propos de la crise qui secoue le Vieux Continent depuis 2009 que �l�Europe doit racheter la Seconde Guerre mondiale, le communisme � l�Est, le nazisme, le fascisme, les dictatures militaires en Gr�ce, au Portugal et en Espagne, tout ce qui avait sali son pass� pour construire une Nation con�ue comme un espace de redistribution f�d�ral o� les partenaires partageraient risques et b�n�fices financiers, � la condition de se d�faire du populisme extr�miste de gauche et de droite, le seul facteur de d�stabilisation sur lequel elle bute actuellement��, une tr�s belle et g�n�reuse d�claration sauf que cet autre habitu� des colonnes des m�dias alg�riens oublie, lui aussi, dans la foul�e, de rappeler que l�Europe coloniale et pro-sioniste, France en t�te, doit �galement racheter, pour se refaire une conscience morale propre, le sionisme et toutes les guerres impitoyables qu�elle a livr�es aux peuples d�Afrique, d�Asie et d�Am�rique Latine aux 19e et 20e si�cles. Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Les nouveaux intellectuels europ�ens et surtout fran�ais s�int�ressent, plut�t, � remettre au go�t du jour la politique du b�ton. L�incorrigible BHL se vante, ainsi, dans un grotesque et pitoyable bis-repetita, de ce que la violence soit devenue la v�ritable profession de foi du philosophe au contraire de la sagesse, la vertu p�rim�e de Socrate. Il en a fait un argument de marketing pour lancer, au dernier Festival de Cannes, son film Le serment de Tobrouk dont l�affiche met en exergue sa photo, debout, � l�ombre d�une grande croix de Lorraine, le symbole de la croisade de l�Otan contre le peuple libyen. Et dire que cet agitateur avait failli, dans les ann�es 90, tourner, � l�invitation d�un �responsable� alg�rien, un film sur l�Alg�rie en crise dans la r�gion de A�n Defla et Chlef. Avec ce petit soldat de plomb en froc noir, �a commence toujours avec un film et �a se termine par un autre. Heureusement que votre serviteur, de l� o� il �tait, avait mobilis� toutes les �nergies n�cessaires pour faire avorter le projet. Avec le recul, je me r�jouis d�avoir fait prendre par qui de droit � merci Si Liamine Zeroual ! � une d�cision qui, a posteriori, honore notre pays. A quand le tour des autres ? B. M. P. S. 1 : Jean-Pierre Foucault, l�animateur de TF1, est remont� dans l�estime de beaucoup d�Alg�riens pour avoir refus�, dans son livre L a couleur des souvenirs, paru la semaine derni�re, d�incriminer le FLN dans l�assassinat de son p�re, venu � Alger en f�vrier 1962, un mois avant le cessez-le-feu, inspecter une des succursales de sa soci�t� bas�e � Marseille o� il r�sidait. Il a plut�t imput� ce crime aux associ�s de son p�re, soup�onn�s d�avoir d�tourn� des fonds alors que les ultras de l�OAS auraient voulu qu�il en fasse porter la responsabilit� aux fida�ne alg�riens. Comme quoi, l�honn�tet� finit toujours par avoir raison du mensonge. P. S. 2 : Jusqu�� quand devrions-nous subir ces pages de publicit� �patriotiques� r�guli�rement ins�r�es, sur les m�dias, lors de nos f�tes nationales, par certaines compagnies �trang�res, install�es ici, et qui puent l�hypocrisie mercantile ?