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Belicia, un songe carib�en (3 et fin)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 07 - 2012


Par Arezki Metref
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Belicia concr�tise sa lubie de m�emmener � Santa-Barbara de Samana.
- Je vais te montrer quelque chose, me promit-elle, �nigmatique.
- Quoi ? m�impatientai-je comme un gamin qui ne supporte pas les surprises. - Tu verras, r�pond-elle, sto�que. J�ai d�abord pens� que �a avait quelque chose � voir avec les baleines. J�ai lu dans �Le guide du routard� que c�est l�, au large de la baie, que les mammif�res de la mer venaient depuis des mill�naires se reproduire dans un spectacle absolument fantastique.
10 000 baleines jubartes dites � bosse batifolant � qui mieux mieux, �a doit en mettre plein la vue. Comme il n�y a qu�une femelle pour vingt m�les, la concurrence est plut�t rude. Les m�les ex�cutent des parades amoureuses et quand l�un d�entre eux joue les Rom�o, ce sont rien moins que 36 tonnes de chair qui �mergent de l�eau pour y retourner en un fascinant plongeon. �a ouvre le ventre de la mer ! De plus, ils poussent la s�r�nade, faisant le beau pour s�duire la belle. Quand il est �mu, le m�le chante si merveilleusement que le commandant Cousteau l�appelait �le Caruso des mers�. D�ailleurs, c�est un des arguments touristiques de Samana le plus imparable. Mais ce n�est pas la saison. C�est entre janvier et mars que les baleines quittent les eaux froides de l�Arctique pour venir mettre bas et s�accoupler dans la chaleur de la couche carib�enne. Pour ce rendez-vous amoureux, certains sp�cimens parcourent jusqu�� 25 000 kilom�tres. Belicia s�est coiff�e d�un chapeau de palmes. Nous traversons le village de Los Gal�ras, �tourdis par la canicule. Ce village de p�cheurs est dessin� dans la topographie �pur�e d�un squelette : une rue, une seule, bord�e de part et d�autre de maisons basses plus ou moins achev�es, de commerces d�artisanat, de caf�s et gargotes, de cocotiers et de fromagers. On pourrait, pour d�crire l�impact du soleil qui darde ses obus, reprendre l'image �voqu�e par Marquez dans une de ses nouvelles d�signant la chape qui p�se sur Macondo, son village m�taphorique. �La chaleur est telle que les poules pondent des �ufs � la coque.� Je me suis demand� comment on allait voyager. Belicia a sa petite id�e sur la question. J�ai du mal � la rattraper. Sa d�marche, sportive, d�termin�e, l'�loigne de moi un peu plus � chaque pas. Dans la chaleur qui fulmine, je la vois aval�e par une vapeur de mirage. Belicia traverse le village en t�te de peloton. Je galope � sa suite. Un microbus est gar� tout en bas de Las Gal�ras, � l�entr�e de la plage. En face, quatre ou cinq 4x4 et camionnettes sont align�s en bordure du trottoir. Vu de pr�s, l�endroit ressemble � une station de taxis ou � une mini-gare routi�re. Originalit� : la pr�sence des conchos, motostaxis que l�on ne trouve qu�en RD. Sit�t entr�e dans le rayon invisible de leur territorialit�, Belicia est assaillie par les conducteurs qui devisaient jusqu'alors � l�ombre d�un amandier. Je la vois d�passer le microbus sans s�arr�ter. Je m�approche � mon tour du v�hicule. Un morceau de carton d�emballage pos� sur le tableau de bord renseigne sur la destination, qui n'est pas la n�tre : Santo Domingo. Les chauffeurs de guaguas (prononce : wa-wa), les taxis folklo et pas du tout chers, se pr�cipitent vers Belicia en rivalisant de baratin. Ils font tous la navette Los Gal�ras- Samana, soit 28 kilom�tres de nidsde- poule, et s�ils sont copains sous l�amandier dans l�attente du client, lorsque ce dernier se pr�sente, c�est chacun pour soi. Je suis Belicia. Elle vient de grimper dans la premi�re guagua de la file. C�est un pick-up ant�diluvien de marque Dodge � la peinture brune �caill�e. Les parechocs, tout enfonc�s, lui donnent l�air d�un bolide qui revient d�une embard�e dans la jungle. Naturellement, Belicia conna�t les usages, discuter le prix de la course. On tope sur 100 pesos par t�te de pipe. Sur le plateau du Dodge aux allures de b�taill�re, trois passagers ! Un quinquag�naire style rastafari, tee-shirt jaune vif calligraphi� de signes en vert, dreadlocks au vent, siffle �Gultiness� de Bob Marley comme s�il �tait seul au monde. Un couple d�Allemands semble absorb� par la contemplation du littoral, carte postale alternant de longues plages �d�niques et de br�ves criques au sable fin et blanc comme de la poudre pareillement bord�es de cocotiers � la crini�re tendue vers le large, de palmiers royaux, d�amandiers dodelinant leurs fleurs au-dessus des flots turquoise. Le couple d�Allemands n�a pas � proprement parler la d�gaine standard du touriste mondialis� reconnaissable � l�accoutrement r�glementaire : tee-shirt, short, casquette, sandales, lunettes de soleil bon march�. Sans compter l�in�vitable appareil num�rique ! Non ! Etrange look que celui de ces touristes. Elle, grande nonne blonde limite albinos, cheveux ramass�s sous un foulard de corsaire, une robe ample unie lui tombant jusqu�aux chevilles. Lui, look Indiana Jones sans le blouson de cuir embl�matique mais pourvu de tout le reste de l�attirail : �bauche de barbe, chapeau F�dora, chemise kaki, musette en bandouli�re� Dans la cabine du Dodge o� Belicia et moi avons pris place, Kiko, le chauffeur, est en verve. Courtaud, r�bl�, il a le visage de Lionel Ritchie sur un corps, ramolli et raccourci par l��ge et le manque d�exercice, de Joe Frazier. Mais il a surtout le bagout de Don Quichotte de la Mancha. Dans le r�troviseur, il s�adresse d�abord � Belicia qu�il semble prendre pour une locutrice francophone. Devant ses efforts pour bricoler une phrase, Belicia le coupe en espagnol et je crois comprendre que la discussion roule sur notre point d�arriv�e. Ce que je sais d�espagnol me permet de choper quelques bribes. Elle lui explique que nous ne descendons pas en cours de route mais bien au march� de Santa Barbara de Samana. Puis Kiko se tourne vers moi. Il pige tr�s vite que je viens du Maghreb et �a fait comme un signe de ralliement. Ses mots h�sitants et transpos�s en fran�ais, les miens de guingois en espagnol n�emp�chent pas la communication. Il nous est tous arriv� apr�s coup de nous demander comment l'on avait pu �changer aussi longuement avec des personnes dont on ignore la langue. C�est ce qui arrive avec Kiko. Belicia qui aurait pu faire l�interpr�te s�est mise � somnoler en d�pit de la rudesse de la conduite. Kiko habite � Samana, sur la route de Sanchez. Son job est de faire le taxi collectif jusqu'� Las Gal�ras. Parfois, il gagne sa journ�e. Souvent non ! �a d�pend beaucoup de l�humeur des touristes. Bien entendu, il conna�t la route par c�ur et son activit� l'a incit� � apprendre quelques mots en plusieurs langues et des bribes d�histoire pour tenir le crachoir pendant le trajet. Je vois d�filer les paysages. Kiko commente. Las Fl�chas, la plage o� Colomb a vu la nuit tomber, le soleil masqu� par les fl�ches am�rindiennes. Los Cacaos, un authentique port de p�cheurs traditionnel ! La Boca de la tierra, la bouche du diable, ph�nom�ne g�ophysique, o� la mer s�engouffre dans la roche pour ressortir avec furie par des fentes � peine visibles. Une route, �a vit aussi au quotidien. L�, � l�entr�e d�un village o� Kiko est contraint de rouler au pas, nous tombons sur un combat de coqs et �a me fait penser au retrait� pauvre de �Pas de lettre pour le colonel� de Marquez. Dans un autre village, il embarque une jeune mul�tresse enceinte. Un peu plus loin, il s�arr�te pour discuter le bout de gras avec un vieillard a demi-allong� sous un parasol rafistol� accroch� � l�auvent d�un hangar. Je me retourne vers Belicia. Elle sourit, l�air de me dire : �Tu vois, tu n�as pas besoin de moi.� Cela faisait un moment que je voulais interroger quelqu�un � propos des affiches �lectorales accroch�es aux arbres, aux poteaux, sur les parois des maisons. On tombe dessus aux moments et aux endroits les plus inattendus. J�apprendrai plus tard que ce sont les r�sidus de la campagne pour l��lection pr�sidentielle qui s�est tenue en mai dernier. C�est sur Kiko que tombe la question. Il ne r�pond pas. Il fait semblant de ne pas comprendre. D'un signe, Belicia me signifie qu�elle ne veut pas se m�ler de cette discussion. Cette r�ticence est l'un des sympt�mes tardifs de la dictature de Trujillo. Kiko effectue alors le geste familier des conducteurs dominicains : appuyer sur le bouton de la radio. Il tombe sur une station qui diffuse de la musique Merengue et il se met � agiter ses mains comme un danseur entra�nant dans ses pas son v�hicule. Ah ! Trujillo ? Encore lui ! Le fait est que d�une certaine mani�re, il a hant� l�histoire de la RD jusqu�� tout r�cemment. Comment ? Eh bien, � travers Joaquin Balaguer. Cet ancien sorbonnard, �crivain � ses heures, entreprend une carri�re de diplomate avant de servir de bras droit � Trujillo, le pire dictateur des Cara�bes, voire des Am�riques. Cette compromission avec le caudillo ne l�a pas emp�ch� non seulement de prendre sa place apr�s sa chute, mais aussi de se pr�senter plusieurs fois et d��tre �lu pr�sident de la R�publique jusqu�en 1996. La derni�re fois qu�il s�est repr�sent�, c��tait en 2000, � l��ge de� 94 ans. Il d�c�de en 2002 � 96 ans, nous l�guant son best seller : M�moire d�un courtisan de l��poque de Trujillo. Santa Barbara de Samana. On longe le Malecon, bord� par le centre commercial Pueblo Principe, un lego qui fait s�embo�ter des cubes ripolin�s de frais aux couleurs vives et criantes. Belicia ne dit mot mais un mouvement presque imperceptible de ses cils me fait comprendre ce qu�elle pense. Elle n�aime pas ces imitations de maisons coloniales qui tranchent avec la sobri�t� des autres quartiers de la ville. Kiko nous d�barque au march�. C�est samedi, les paysans des environs viennent y vendre leurs fruits et l�gumes frais. March� aux couleurs et aux senteurs des Cara�bes. Profusion de bananes. Noix de cocos. Tous les l�gumes et fruits tropicaux dont certains jamais vus regorgent d��tals entre lesquels on a du mal � se frayer un chemin. Belicia me tire par le bras. Nous marchons dans le silence de la mijourn�e. Le soleil est au z�nith maintenant. Dans la lumi�re crue du soleil refl�t� par l�oc�an, je lui trouve la majest� d�Anacaona, reine indienne, � la beaut� aussi l�gendaire que son esprit de r�sistance. En 1503, le gouverneur espagnol de l��le, Nicolas de Ovando, s�invita chez elle dans un but proclam� pacifique. La ruse fonctionna. Accompagn� de toute une arm�e, il la captura apr�s qu�elle eut tent� de s��chapper. Elle fut pendue en 1504. Elle est aujourd�hui devenue un mythe, aussi fort et moins controvers� que celui de Malinche au Mexique. Bien entendu, je
n�ai jamais vu d�image d'Anacaona m'autorisant � la comparer � Belicia. Ah ce besoin d�aller vers les mythes !
- Alors, c�est quoi, ta surprise ?
- Economise ton souffle, tu en auras besoin. Tu vois ces ponts ? On va les prendre jusqu�� l��le. Un �lot puis un deuxi�me � quelques centaines de m�tres. Un pont au tablier m�tallique enjambe le vide de l�oc�an pour conduire jusqu�au deuxi�me �lot. Nous marchons d�abord sur le sable, grimpons une pente puis nous parcourons sous un soleil de plomb les deux ponts de la baie. Arriv�s sur le deuxi�me �lot, nous sommes �puis�s. Et le comble, c�est qu�il n�y a rien. Pourquoi a-t-on construit des ponts qui m�nent � un �lot o� personne n�habite et o� il n�y a rien que des tas d�immondices parsemant le bout de terre suspendue au bord de la mer.
- C�est quoi �a, dis-je, hors d�haleine ?
- Une marotte de Trujillo.
Plus tard, j�apprendrai que le dictateur fou, m�galo, a englouti des millions de dollars pour faire construire ces ponts. Une fois revenu dans un caf�, je demande � Belicia en quoi cette visite constitue la surprise annonc�e. Elle m�explique alors que je devrais faire mon profit de cette morale. Il peut y avoir des histoires qui, comme ces ponts, ne m�nent � rien. Par cons�quent, mieux vaut ne pas les prendre pour la r�alit�.


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