Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] S�il y a bien un d�bat r�current dans lequel on a tendance � s�embourber en Alg�rie, c�est bien celui du choix qu�il y aurait � faire entre �tatisme et lib�ralisme. Aujourd�hui, avec tous les grands bouleversements qu�a connus l��conomie mondiale, c�est ici l�exemple m�me du faux d�bat. Les choix en �conomie ne se posent plus en ces termes. �Le bon chat est celui qui attrape la souris�, nous disent les communistes chinois ou encore, �il n�y a pas d��conomie de droite ou de gauche, il y a l��conomie qui est performante et celle qui ne l�est pas�, rench�rissent les Travaillistes anglais. Ces deux derni�res d�cennies nous ont fait d�couvrir �le lib�ralisme social� ou encore �le socialisme lib�ral�. C�est dire que chez nous, le d�bat gagnerait � �tre pos� dans de nouveaux termes. Pour contribuer � clarifier les choix qu�a � faire notre �co, nous soulevons ici quatre questions 1�/ Faut-il continuer � fonder notre politique industrielle sur les entreprises publiques ? L�industrialisation de l�Alg�rie d�cid�e en 1966 et qu�on a commenc� � mettre en �uvre en 1970 �tait fond�e sur la constitution de grandes entreprises publiques, les soci�t�s nationales, qui g�raient des branches enti�res de l�industrie : m�canique (Sonacome), m�tallique (SN M�tal), �lectronique (Sonelec), sid�rurgique (SNS), etc. Dans les ann�es 70, le secteur industriel participait � un taux de 16 � 17% au PIB, cette contribution �tait d�origine principalement pour ne pas dire quasi exclusivement publique. Depuis la fin des ann�es 80, l�industrie publique est en crise. Une crise qui ne finit pas de grossir. C�est d�abord une crise de performance productive : nous avons l�une des plus mauvaises productivit�s globales des facteurs du Bassin m�diterran�en : obsolescence des �quipements, sous-qualification de la main-d��uvre due surtout � l��clatement et la dispersion des collectifs de producteurs difficilement constitu�s dans les ann�es 70, mauvaise organisation du travail� La crise de l�industrie publique est aussi une crise de d�bouch�s qui a apparu au grand jour d�s que l��conomie nationale s�est quelque peu ouverte avec les r�formes de 1988/89. Bien �videmment, tout cela a entra�n� l�industrie publique dans une crise d�endettement qu�aucune restructuration financi�re (il y en a eu quatre � ce jour) n�a pu juguler. Rappelons simplement que durant la seule d�cennie 2003-2011 quelque 32 milliards de dollars ont �t� d�bours�s par le Tr�sor public pour �retaper� nos entreprises publiques. Nous savons � pr�sent que ce qui est en cause dans cette situation catastrophique du secteur public �conomique, ce sont, bien s�r les rigidit�s structurelles de l��conomie mais c�est aussi la forme �tatique directe de gestion des entreprises publiques : l�Etat propri�taire fixe aux entreprises industrielles publiques d�innombrables objectifs � atteindre qui ne sont pas toujours d�ordre �conomique. Les entreprises publiques doivent fournir de l�emploi, beaucoup d�emplois et des emplois permanents. Elles doivent contribuer au d�veloppement des r�gions d�sh�rit�es qui ne sont pas propices � la rentabilit� (mauvaise infrastructure, absence d�utilit�s�). Elles doivent contribuer � atteindre des objectifs sociaux fix�s par l�Etat (rappelons- nous les coop�ratives de consommation, les centres de repos et de loisirs et m�me le sport de performance). Nous n�avions pas affaire en r�alit� � des entreprises �conomiques telles que les con�oivent et les d�finissent la th�orie de l�entreprise et l��conomie industrielle. Et l�Etat, puissance publique, pouvoir politique et propri�taire, ne pourra jamais s�emp�cher d�utiliser �son� entreprise � concr�tiser des objectifs extra-�conomiques. Ainsi, le �ver est dans le fruit�. L�Etat est mauvais gestionnaire direct d�entreprises de production d�autant que les managers � qui il confie la direction de ses entreprises sont plus choisis sur le crit�re de la fid�lit� politique que sur celui de la comp�tence technique et manag�riale. On comprend pourquoi dans le monde entier, et singuli�rement dans les �conomies �centralement planifi�es de type sovi�tique�, la privatisation des entreprises publiques s�est impos�e ! 2�/ Faut-il continuer � renflouer les entreprises industrielles publiques sans les r�organiser, les restructurer ? Si les �l�ments d��valuation que nous venons de rappeler sont justes (en tout cas, ils font l�objet aujourd�hui d�un large consensus), il est facile de comprendre qu�une nouvelle g�n�ration d�assainissement financier de nos entreprises publiques ne servira � rien ou en tout cas n�aura aucun impact sur la crise de performance productive que nous venons de rappeler. Le secteur public �conomique et singuli�rement les entreprises industrielles publiques ont aujourd�hui besoin d�une profonde restructuration, d�fensive (consolider ce qu�est encore bon) et offensive (mettre en place des strat�gies de croissance externe). Nos entreprises industrielles publiques ont besoin de r�formes profondes de leur mode de gestion et surtout d�une rupture radicale du cordon ombilical qui relie l�entreprise publique au budget de l�Etat, qui la pr�serve de toute faillite m�me lorsqu�elle est mal g�r�e, qui la dispense de toute contrainte d�efficacit�. C�est � ce seul prix que nous pourrons sortir de cette d�sindustrialisation qui nous frappe. L�exp�rience de l�Inde en mati�re de gestion des entreprises est pleine d�enseignements pour l�Alg�rie. Est-ce que l�Etat est pr�t � faire le saut et � ouvrir le capital de ses entreprises publiques � des champions internationaux, � privatiser le management et � le confier � ces m�mes champions ? Est-ce que l�Etat est pr�t � se retirer de la gestion directe et � base d�obligations de faire et ne pas faire pour se consacrer � la r�gulation ? Est-ce que les r�sistances des rentiers vont s�essouffler ? 3�/ Quel r�le peut jouer le secteur industriel priv� dans la reconstruction de notre syst�me productif ? Il faut d�abord pr�ciser de quel secteur industriel priv� nous parlons. Les r�sultats du recensement �conomique rendus publics r�cemment par l�ONS renseignent sur l�industrie priv�e nationale qui s�est install�e ces derni�res ann�es. De tr�s petites entreprises (TPE), personnes physiques, entre 0 et 9 employ�s, moins de 20 millions de dinars de chiffre d�affaires. On ne va pas � la chasse au lion avec un parc d�entreprises de cette taille !! En d�autres termes, ce n�est pas en proc�dant de la sorte qu�on va renouer avec notre ambition industrielle. Pour l�instant, on peut donc souligner que les vrais entrepreneurs industriels priv�s � envergure de champion et � gros potentiels de croissance ne sont pas l�gion. Ils existent certes mais sont tellement peu nombreux. Il est vrai que le contexte �conomique national qui a pr�valu jusqu�� maintenant n�a pas aid� � fabriquer� cette race d�entrepreneurs. Le climat des affaires, comme on dit maintenant, est ex�crable et d�couragerait plus d�un. L�Etat a ici un r�le d�terminant � jouer. Il doit comprendre, une fois pour toutes, que ce n�est pas parce que le secteur priv� contient en son sein quelques tricheurs, quelques fraudeurs fiscaux, quelques �bazarris� qu�il faut rejeter toute id�e de secteur industriel priv�. Notre �conomie de l�apr�s-p�trole se construira aussi et en grande partie par un secteur manufacturier priv� dynamique, ambitieux, mais accompagn�, soutenu et m�me, dans un premier temps, prot�g� par l�Etat. L�investissement direct �tranger a aussi bien �videmment un r�le � jouer. Des entreprises �trang�res � 100% de capital, � 51/49 o� � participation nationale plus basse doivent �tre attir�es sur le site Alg�rie dans le cadre d�un partenariat public national/IDE et priv� national/IDE. 4�/ Les objectifs fix�s � l�industrie nationale de contribuer � un taux de 10% au PIB d�ici 2014 et de g�n�rer � moyen terme une valeur ajout�e de 20 milliards de dollars sont-ils r�alistes ? Ces objectifs sont r�alisables. Notre ambition industrielle peut m�me �tre situ�e � un niveau plus haut. Mais alors il n�y a plus de temps � perdre dans des d�bats byzantins du type plut�t plus d�Etat ou plut�t plus d�entrepreneurs priv�s. Nous l�avons soulign� : il faut les deux. L�Etat peut et m�me doit continuer � investir dans le secteur industriel (industrie m�canique lourde, industrie p�trochimique, chimie/pharmacie, industrie sid�rurgique) mais il doit le faire en partenariat avec des champions mondiaux. Et l�Etat ne doit surtout pas le faire en �vin�ant l�investissement priv� national. Au contraire, l�Etat doit soutenir et faciliter la r�alisation de PMI priv�es m�me si effectivement il est interpell� pour r�guler ce secteur et surveiller, pour les annihiler, les �faux entrepreneurs�. Et il y en a.