On savait la po�sie une in�puisable source d�amour et de plaisir, un art par qui les territoires du bonheur ressuscitent sous les pas de l�homme qui chante. Le r�ve d�un r�ve. Et �a, c�est l�essence m�me de la po�sie de Larbi Bennacer. La po�sie des �mes sensibles. Dans la m�moire du po�te qui chemine, les choses en devenir � et qu�il nous apprend � mieux voir � nous disent la m�tamorphose du r�el. La nymphe, la chrysalide sont promesse de beaut�. Ainsi, le papillon, sortant de l'obscurit�, ira se poser de rose en fleur, dans l��clat du beau et de la nature resplendissante. Ah ! le myst�re de la vie. A son tour, l�homme peut refaire le monde en s�imaginant l�abeille qui butine. L�attention pour l�instant et les petits riens renforcent, chez le po�te, la tendresse des mots. Une sorte de bonheur atemporel o� L�important c�est toujours la rose, avec un ici et un ailleurs sans cesse r�invent�s dans ce jardin des sentiments o� le cycle des saisons se voit bouscul�. Le lecteur fleur bleue aura plaisir � cueillir les roses de Larbi Bennacer, parfois avec leurs �pines, ou encore � croquer la pomme pr�s d�une eau de jouvence. Il osera braver l�interdit. D�j� auteur d�un premier roman aux accents lyriques, La douleur d�aimer(�ditions Pers�e, Aixen- Provence, France 2010), Larbi Bennacer signe l� aussi son tout premier recueil de po�mes. Et quel recueil ! L�important c��tait la rose est une �uvre qui nous r�concilie avec la vraie po�sie, c�est-�-dire celle obstin�e qui se veut ce chant profond qui suscite l��motion, fait vibrer l��tre et invite la pens�e et les sens � voyager dans le paysage humain. Tous ces po�mes sem�s aux quatre vents, dans le temps comme dans l�espace, r�v�lent un artiste talentueux qui, � l��ge de raison, d�voile un c�ur d�enfant assoiff� de fra�cheur et de douceur printani�re. Nous disions de la vraie po�sie car, pour mieux chanter la vie, l�amour et la libert�, Larbi Bennacer n�a pas voulu se d�rober � l�exercice p�rilleux du vers compt�-rim� traditionnel (depuis longtemps d�natur� par les modes de l��volution formelle). Son recueil est donc un travail d�orf�vre en quelque sorte, un vrai t�te-�-t�te du po�te avec la langue et dans lequel il exprime ou sugg�re ce qu�il voit et ressent par le rythme, l�harmonie et l�image. Pour un po�te qui ne rechigne pas � l�effort de composition musicale, il est tout � fait naturel de recourir exclusivement � la strophe, l�alexandrin, la stance et le quatrain. Dans la langue de Voltaire, le vers �classique� est ici r�habilit� dans toute sa force et sa splendeur, la po�sie redevient ce pr�cieux objet artistique de langue que recherchent les esth�tes et les h�donistes f�rus de beaut�, de sensations et de pr�cieuses raret�s. Car le po�te a �du soleil plein la t�te, � partager�. D�s lors, nous dit-il, �Ma plume trace les contours de la beaut� / Et traduit en mots le parfum de la rose�. c�l�brer les petits riens de la vie, par exemple un battement de cils et un �change de regards, n�est-ce pas l�, en fin de compte, la meilleure mani�re de donner un sens (du sens) � la vie ? Sprint gagn� sur l��cume des jours, pour repousser au loin la douleur muette et retrouver la paix int�rieure. �Tout et �rien� n��tant pas des r�alit�s antinomiques, Larbi Bennacer sugg�re ainsi que la vie �M�me si elle est faite de doux riens / A raser les murs on trouve les portes�. Le po�te a alors raison de s'exclamer, lui qui voit ce que les autres ne peuvent remarquer : �Un nouveau soleil se l�ve sur nos serments / Un jour sans pareil, pour effacer nos tourments / Chaque jour est un nouveau-n� qu�il faut ch�rir / On ne peut appr�cier un fruit sans le cueillir.� Bien s�r, on se sent parfois flou� par les ann�es perdues, surtout que l'horloge s�emballe au cr�puscule de la vie. A l�image de ce vieux monsieur assis sur un banc, dans un jardin public : �Les enfants joueront encore / Tandis que lui, solitaire / Fixait droit dans les yeux la mort / Dont il est destinataire. � L�histoire et la mort vont-elles d�mentir le po�te ? La roue tourne, certes, mais lui a la capacit� d�apprivoiser le sablier et vivre le moment pr�sent : �Chaque �ge a de quoi s�duire / Il suffit de prolonger les saisons.� Alors, bien vrai ? Faut pas s�en faire ? Oui, il suffit d�avoir la mer comme confidente, de caresser les vagues du large et de r�ver. �Des r�ves simples d'�ternel enfant� pour se ressourcer, faire sa mue. Ah ! la rage de vivre et d�aimer (quelle douce gal�re !). Car voil�, l�important c�est encore et toujours la rose. Eve, �le plus grand de tous les myst�res� et objet de toutes les tentations, incite � ne pas �tre sage et ne pas perdre de temps pour celui �qui avance en �ge�. Sans jamais oublier, toutefois, que pour aimer il faut �tre deux. Surtout, �Il n�y a pas d�amour sans tendresse / Ni de roses saines sans jardinier�. Une chose est s�re, nous rappelle le troubadour qui chante l�amour, �Tant que nos c�urs seront en mesure d�aimer/Nous continuerons � �tre et � r�ver !� En plus d�une telle philosophie qui s�inspire de Martin Heidegger, on peut aussi consid�rer que Larbi Bennacer s'inscrit dans la lign�e des Ren� Char, Baudelaire, Al Ma�ari, Rimbaud, Eluard et Si Mohand ou M�hand. Un authentique po�te qu�il faut absolument d�couvrir et encourager, � commencer par les maisons d��dition alg�riennes qui feraient �uvre utile en l�aidant � se faire publier ici. Hocine T. Larbi Bennacer, L�important c��tait la rose, �ditions Pers�e, Aix-en-Provence, 2011,174 pages, 15,50 euros.