Ancien boxeur, Z. A., quarantaine pass�e, un fossoyeur b�n�vole. Il a, dans ce domaine, une r�putation qui commence � franchir les fronti�res de la wilaya. Il est aussi connu pour sa pers�v�rance et son abn�gation. C�est un personnage lugubrement c�l�bre, et ce, bien que son nom soit une traduction du mot joyeux. Il ne rate jamais une occasion pour donner libre cours � sa passion : creuser les tombes et les entretenir, y enterrer les morts et transmettre les condol�ances � leurs familles. Ce p�re de trois enfants sait faire sienne, � bien des �gards, cette citation de Woody Allen : �Je pr�f�re l'incin�ration � l'enterrement, et les deux � un week-end avec ma famille.� Mastodonte, d�une carrure imposante, �tout le monde r�pond � la pelle du fossoyeur� est une citation qui illustre � merveille cette communion entre le mort et le vivant, souvent involontaire, et dont il en exploite la teneur. Son absence, pour des consid�rations ind�pendantes de sa volont�, est vite remarqu�e. Tous les pr�sents le cherchent du regard ou, inquiets, questionnent ses proches. Il est devenu un membre de beaucoup de familles, tellement sa pr�sence est embl�matique de l�enterrement des morts. Beaucoup de tombes en savent quelque chose, elles sont creus�es gr�ce aux muscles nou�s de Z. A. Le �Joyeux� (Ezahi) n�a pas besoin des paroles du Tango Fun�bre, c�l�bre chanson de Jacques Brel, �ils se poussent du c�ur, pour �tre le plus triste/ils se poussent du bras, pour �tre le premier�, pour avoir sa place, qui semblerait inn�e, dans le cort�ge fun�bre. �a le rend fou les jours o� il n�en fait pas partie. Ces jours-l�, sont ceux o� il est en fonction dans une institution publique. Il y travaille 1 jour sur 3, depuis 1993. Son corps le d�mange, comme il le rapporte lui-m�me, quand, activant dans son service, il sait que le ou les d�funts seront enterr�s sans lui. Sa noble t�che ne s�arr�te pas � remuer la terre pour faire un trou, mais aussi � y glisser avec d�licatesse les d�funts. La chute structur�e des corps est un ph�nom�ne dont il ma�trise les tenants et les aboutissants, le prologue et l��pilogue. Sans �tre un �minent physicien. Z. A. motive son action par le fait, simple mais ind�l�bile, de faire du bien. Il avait seulement 23 ans quand il a enterr� pour la premi�re fois un flen. Il ne se souvient m�me pas du nom. D�ailleurs, � part ses connaissances (amis et famille), il ne se rappelle d�aucun enterr�. L�identification, l�origine sociale ou la cause mortelle du d�c�d� lui importe peu, le traitement qui l�attend est le m�me : Z. A. est impartial en droits fun�raires, dont celui d��tre enfoui sous terre. Au cimeti�re, il est parfois debout, sto�que devant la tombe, des dizaines de minutes avant la venue du cort�ge, cela quand il vient � rater le d�part mortuaire. La plupart du temps, il est celui qui donne le premier coup de pioche, le dernier, avec deux membres de sa famille, � mettre le corps dans sa derni�re demeure. Faisant preuve d�esprit d�orientation, lorsque des familles m�connaissent l�art et la mani�re de mettre les corps, notamment en les dirigeant vers la qibla. Ne se contentant pas d�activer intra-muros, Z. A. se d�place depuis quelques ann�es, lorsqu� il n�y a pas de djanaza dans sa ville natale, hors wilaya pour y prendre part. Cela d�pendra aussi de sa disponibilit�. Un globetrotter dans le volet morbide. Pour cela, il fait un saut � l�h�pital le plus proche pour s�enqu�rir du pr�alable � l�enterrement : la pr�sence de cadavres dans la morgue. Il a eu � aller jusqu�� Collo, � l�extr�me ouest de la wilaya, et � Guelma, distante de plus de 80 km de Skikda. C�est dire que la distance se r�tr�cit sous ses yeux lorsqu�il s�agit d�accompagner la derni�re trajectoire terrestre des vivants. Le �Joyeux� porte bien son nom : toujours affable, se confondant sinc�rement de salamalecs de d�part et d�arriv�e. Il d�gage � chaque enterrement un air de satisfaction, pas par cynisme, mais plut�t par esprit d�avoir su donner espoir aux sans-famille, aux SDF et autres marginaux de la soci�t�, que quelqu�un pourra le jour J prendre en charge leur enterrement et les accompagner � leur derni�re demeure. Le �Ezahi� a �t�, faut-il le rappeler, r�compens� il y a de cela quelques ann�es par l�association Nidaa. Un geste hautement symbolique.