Rev�tir le costume de papa ou de maman au d�tour de la cinquantaine, ce n�est pas tr�s courant. Pourtant, �a existe. Ils ont certes l��ge de camper le r�le de papy et mamy, mais un mariage sur le tard, une grossesse fortuite, une nouvelle vie apr�s un divorce ou un veuvage, une st�rilit� enfin vaincue� et voil� que la cigogne vous rend visite avec un petit landau coinc� dans le bec. Comment retrouver le mode d�emploi de l�emmaillotage de b�b�, de la st�rilisation des biberons, de la recette de compotes de pommes ?� Comment faire face aux longues nuits blanches? Et, dans un tout autre registre, o� puiser force et vitalit� pour accompagner ce petit bout�chou qui n�a pas demand� � venir au monde, qui exige n�anmoins sa part de bonheur ? Lui, au printemps de la vie, et vous, en plein automne. Il faut pourtant parvenir � placer une passerelle entre deux g�n�rations, que plus d�un demi-si�cle s�pare. C�est ce � quoi se sont essay�s ces papas-mamans sur le tard. Ils nous font part de leur chemin de croix, parfois parsem� de rires et de larmes. Mari� � 54 ans, Brahim n�a enfin pu go�ter aux joies de la paternit� qu�� la cinquantaine bien tass�e. Deux enfants, n�s dans l�intervalle de trois ans, sont venus chambouler sa vie p�p�re et pantouflarde. �C�est qu�il en faut de l��nergie pour faire face � ces deux diablotins !� s�exclame-t-il. �Je dois reconna�tre qu�� 62 ans, ma carcasse commence � montrer de v�ritables signes de faiblesse. A l�heure o� mes copains emm�nent leurs petits-enfants au parc, moi ce sont mes enfants que je dois promener. Courir, jouer au ballon, inventer des jeux, faire des roulades sur l�herbe me vident compl�tement. Le plus dr�le, c�est lorsque je rencontre une ancienne connaissance, perdue de vue depuis longtemps et qui s��crie, �Allah Ibarek ! Qu�est-ce qu�ils sont mignons tes petits-enfants, Brahim !� �J�avoue que je suis un peu g�n� de devoir rectifier le tir et me lancer dans de longues et ennuyeuses explications pour avouer que je suis leur propre g�niteur. L��tonnement est toujours lisible sur les visages et me rappelle, si besoin est, ce d�calage qui existe entre mes enfants et moi. A l��cole, mon fils a�n�, Anis, �g� de 7 ans, est souvent g�n� d�avouer � ses camarades que cet homme aux cheveux grisonnants et � la silhouette repl�te n�est pas son �djeddou� comme ils le croient, mais son papa.� Un p�tit dernier pour la route ! Sa gyn�cologue avait �t� formelle. D�ailleurs, elle le lui avait annonc� solennellement. �Madame, vous vous appr�tez � amorcer un nouveau virage dans votre vie. Vous �tes presque totalement m�nopaus�e. Vos hormones se sont fait la belle !� A 48 ans, Mahdia ne se souciait plus ni de ses �strog�nes ni de sa progest�rone. Elle avait d�j� deux grands enfants, dont l�a�n�e �tait sur le point de convoler en justes noces. Mais voil�, une surprise de taille allait bouleverser le cours de sa vie. Trois mois apr�s sa visite chez sa gyn�co, Mahdia est prise de naus�es matinales. Un test de grossesse vient confirmer ses doutes. La presque m�nopaus�e avait un polichinelle dans le tiroir. �Mon Dieu� me suis-je lament�e, o� vais-je trouver le tonus n�cessaire pour �lever ma fille � 48 berges pass�es ? Il fallait tout reprendre � z�ro. Couches, biberons, maladies infantiles, nuits en pointill�s� et lorsque l�heure de l��cole a sonn�, j�ai pris subitement conscience du gouffre g�n�rationnel. Avec tous ces nouveaux cours que je ne maitrisais pas, tels que teknologia, riadiate et autres mati�res barbares, j�ai cru devenir folle. Aujourd�hui, ma fille a dix ans, et je ne suis toujours pas dans le coup. Un jour elle m�a demand� : �Maman dis-moi, pourquoi toutes les m�res de mes copines sont jeunes alors que toi, tu as des rides ?� �Cette phrase m�a beaucoup fait r�fl�chir. J�ai pens� que je n�aurais peut-�tre pas la chance d�assister � son mariage et que je ne conna�trais pas le bonheur de bercer ses enfants dans mes bras. Je me souviens avoir �t� tr�s jalouse en voyant mes petits camarades de classe tenant par la main un papa jeune et beau. Le mien, d�passant ma m�re de 15 ans, �tait d�j� rabougri, vo�t� et frip�. Avoir l��ge de la retraite et �lever encore un enfant, �a met beaucoup de joie dans la maison, c�est vrai, mais psychologiquement et physiquement, il faut assurer !� conclut Mahdia (58 ans). Chat �chaud� craint l�eau froide ! Avoir des parents d�j� � la retraite et de sant� fragile, alors qu�on est encore jeune et enfant unique, ce n�est pas une situation tr�s enviable, avoue Alia (26 ans). �Je dois continuellement m�occuper de mes parents �g�s et souffrants. Ma m�re a eu du mal � tomber enceinte, et ce n�est qu�� 47 ans pass�s et contre toute attente, que le miracle s�est produit. Aujourd�hui, mes parents sont tr�s fatigu�s, notamment mon p�re. Fourbus et souvent alit�s (diab�te, hypertension, arthrose�). Je suis aux petits soins avec eux. J�assume, mais je reconnais avoir quand m�me accumul� en mon for int�rieur, pleins de frustrations. Je me souviens avoir �t� tr�s jalouse en voyant mes petits camarades de classe, tenant par la main un papa jeune et beau. Le mien, d�passant ma m�re de 15 ans, �tait d�j�, rabougri, vo�t� et frip�. Au coll�ge, ma prof de maths avait demand� une fois � rencontrer mon p�re � cause de mes mauvaises notes. D�s qu�il s�est pr�sent� � elle, elle s�est �cri�, sans tact aucun : �J�ai dis que je voulais voir le p�re de Alia, pas son grand-p�re !� Des situations de ce genre, j�en ai v�cues des tas. Et �a continue aujourd�hui encore. A 26 ans, j�aurais aim� profiter des petits bonheurs de la vie avec des parents encore dans la force de l��ge. Sortir, voyager, d�couvrir de nouveaux endroits, aller au cin�, faire du shopping... Je n�aurais jamais ce genre de souvenirs avec eux !� Et d�ajouter : �En tout cas, moi, mes enfants, je les ferai assez jeune. Un aussi important d�calage, ce n�est pas bon. Et je sais de quoi je parle !� garantit-elle. Comme quoi, il serait peut-�tre utile de rappeler que l�adage dit bien : �Chaque chose � son temps et non pas� chaque chose � cent ans !� Mon p�re avait d�j� 83 ans quand je suis n� Avoir un papa avec une date de p�remption d�pass�e n�est pas tr�s rassurant pour un enfant. �Lorsque je suis venu au monde, mon p�re avait d�j� 83 ans, nous r�v�le Djelloul. Sa premi�re �pouse venait de d�c�der lui laissant deux enfants sur les bras. En secondes noces, il prit ma m�re. Elle n��tait pas de premi�re jeunesse. Maman avait 41 ans � l��poque et venait juste de divorcer. N�ayant pas eu d�enfants, elle �tait persuad�e qu�elle �tait st�rile jusqu�au jour o� son ventre commen�a � s�arrondir. Neuf mois plus tard, je pointais le bout du nez. De mon papa, qui avait d�j� 84 ans � ma naissance, il ne me reste que des lambeaux de r�miniscences. Je le revois m�accompagnant � l��cole coiff� de sa �chachiya stamboul� d�o� s��chappaient quelques cheveux blancs. Il s�appuyait sur sa canne, marquant souvent une halte afin de reprendre son souffle. Je n�ai pris conscience du grand �ge de mon p�re qu�un peu plus tard en remarquant que les papas de mes camarades, eux, se d�pla�aient sans canne. Et puis les remarques de mes petits camarades fusaient � droite et � gauche : �Il a l�air gentil ton papy ! Il doit certainement te faire plein de cadeaux !� Le genre de phrases assassines qui vous font sentir que vous �tes diff�rent des autres. En plus, tous mes petits cousins l�appelaient �Baba Sidi�. Un jour j�ai finis par r�aliser quelque chose de terrible. Si mon papa �tait si vieux, c�est qu�il approchait forc�ment de la mort. J��tais terroris� � l�id�e de le perdre. Pourtant l�in�luctable a fini par se produire. J�avais � peine 8 ans. Un �ge o� on a encore besoin de ses parents. Je trouve que c�est �go�ste de la part de parents �g�s de vouloir procr�er. Grandir sans mon papa n�a pas �t� facile, loin de l�, conclut Djelloul.