PARTENARIAT STRAT�GIQUE AVEC LES �TATS-UNIS D�AM�RIQUE �Ni un mal absolu, ni un bien absolu� Entretien r�alis� par Mokhtar Benzaki Le Soir d�Alg�rie : Revenons aux grandes questions li�es � la politique r�gionale. Comment s�ordonnent les positions respectives des Etats-Unis d�Am�rique et de l�Alg�rie ? MCM : Limitons-nous � trois questions essentielles. La s�curit� et la stabilit� du Sahel, le conflit du Sahara occidental et, enfin, la r�alisation d�un march� �conomique maghr�bin. Nous pourrions, in fine, examiner le processus de paix au Proche- Orient. Ce sont des questions diplomatiques o� l�Alg�rie pourrait jouer un r�le. A propos du conflit du Sahara occidental, Mme Hillary Clinton s�est align�e, quasiment, sur la position marocaine en d�clarant que le projet d�autonomie du Sahara occidental �tait �une solution s�rieuse, r�aliste et cr�dible �. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, pour sa part, s�en tient, pour le moment, � la position traditionnelle de l�Alg�rie qui pose comme pr�alable � toute solution au conflit, un r�f�rendum d�autod�termination du peuple sahraoui. Malgr� la concertation permanente entre l�Alg�rie et les Etats-Unis d�Am�rique sur la question, les perspectives d�un d�nouement rapide de ce conflit ne sont pas � tant s�en faut � �videntes. Est ce la persistance de ce conflit qui bloque la construction du Maghreb et, partant, la r�alisation de ce march� �conomique magr�bin tant attendu c�t� am�ricain ? Rappelons que le PIB global des pays du Maghreb s��l�ve � 380 milliards de dollars pour 90 millions d�habitants et un taux d�risoire de 2% pour les �changes sont intermaghr�bins. Conscients de cette opportunit�, les Etats-Unis d�Am�rique avaient tent�, d�s 1998, de favoriser la mise en place d�un cadre multilat�ral ou s�int�greraient leurs relations avec les pays maghr�bins. C�est en cette circonstance que vit le jour la fameuse initiative Eisenstadt, du nom du sous-secr�taire d�Etat au commerce am�ricain. Il s�agissait de relier entre eux les trois pays maghr�bins majeurs, Alg�rie, Maroc et Tunisie � � travers des projets d��changes commerciaux communs avec les Etats-Unis d�Am�rique. La mise en �uvre de cette initiative am�ricaine impliquait, n�cessairement, la suppression des banni�res douani�res et l�assainissement des relations bilat�rales entre l�Alg�rie et le Maroc. Aucune avanc�e substantielle n�a �t� effectu�e sur ces deux plans, m�me si les Etats-Unis d�Am�rique font pression syst�matiquement pour une r�ouverture rapide de la fronti�re alg�ro-marocaine. Comme le processus de paix au Proche- Orient est bloqu�, l�Alg�rie est exempt�e de devoir y contribuer. Bien que son aura diplomatique ne soit plus celle d�antan, pourtant, l�Alg�rie, ayant �t� le soutien embl�matique de la cause palestinienne, �tait cr�dit�e de la capacit� d�influer sur l�opinion publique arabe. S��tant plac�e en retrait par rapport � cette cause consid�r�e auparavant �sacr�e�, l�Alg�rie s�est, de facto, disqualifi�e pour jouer le r�le qui en �tait esp�r�. Nous avons vu, par exemple, se chevaucher les positions de M. Abdelkader Hadjar, ambassadeur aupr�s de la Ligue arabe plut�t hostile aux th�ses am�ricaines sur la question et celles du minist�re des Affaires �trang�res soucieux de ne pas heurter frontalement les Etats-Unis d�Am�rique. Le plus significatif, pour illustrer l�ambivalence de la position alg�rienne sur cette question, consiste, certainement, � relever que M. Abdelaziz Bouteflika, v�ritable chef de la diplomatie alg�rienne, laisse, volontiers, persister l�ambigu�t� Existe-t-il une convergence diplomatique entre les Etats-Unis d�Am�rique et l�Alg�rie ? Si vous voulez faire allusion � un statut d�alli� strat�gique pour l�Alg�rie, nous en sommes loin. Un statut d�alli� strat�gique, � l�image de celui dont b�n�ficie le Maroc, implique des engagements internes et externes. L�Alg�rie refuse de se plier � cette contrainte. Une politique de rapprochement strat�gique avec les Etats-Unis d�Am�rique se fonde sur une coh�rence globale impliquant un �quilibre entre les facteurs internes et les facteurs externes. Je me souviens, de ce point de vue, de la discussion que j�ai eue avec l�ambassadeur am�ricain � Alger, M. Cameron Hume, dans les ann�es 1980. J�entrepris de recueillir son avis, en effet, sur l�article publi� par la c�l�bre revue am�ricaine Foreign Affairs � propos du statut qui aurait �t� celui de l�Alg�rie comme �Etatpivot de la politique ext�rieure am�ricaine�. M. Cameron Hume jugea l�affirmation sans fondement en me r�pondant avec une franchise hilarante : �L�article de Foreign Affairs? Des sp�culations d�acad�miciens !� Il poursuivit, alors, �L�Alg�rie n�est pas un Etat-pivot de la politique ext�rieure am�ricaine. Elle peut le devenir � condition qu�elle en verse le prix�. Il existe une convergence d�int�r�ts qui lie l�Alg�rie aux Etats-Unis d�Am�rique en mati�re de lutte contre le terrorisme mais qui ne pr�juge en rien des positions respectives des deux pays sur les grandes questions diplomatiques. Et pour cause, � bien des �gards, la diplomatie alg�rienne en est encore � l�heure de la guerre froide. M. Abdelaziz Bouteflika a bien d�clar�, en 2008, au g�n�ral William Ward, commandant de l�Africom : �L�Alg�rie souhaite �tre un partenaire strat�gique pas un adversaire des Etats-Unis d�Am�rique.� Cela semble avoir �t� un v�u plus qu�un engagement. Ce constat est r�v�lateur des incertitudes qui peuvent entourer le dialogue strat�gique alg�ro-am�ricain lequel pourrait juste servir d�alibi pour enrober les imp�ratifs de la coop�ration s�curitaire. C�est en raison de cette coop�ration s�curitaire que le r�gime alg�rien continue de b�n�ficier des faveurs des Etats- Unis d�Am�rique, voire d�autres pays occidentaux, comme la France ? Vous parlez des faveurs des puissances occidentales comme si celles-ci b�tissaient leurs politiques �trang�res sur la base de consid�rations sentimentales. Encore une fois, c�est l�imp�ratif de d�fense de leurs int�r�ts vitaux qui d�termine les politiques �trang�res de ces puissances. Nous avons examin� les centres d�int�r�t qui retiennent l�attention des Etats-Unis d�Am�rique en Alg�rie. La France partage les m�mes centres d�int�r�t mais �largis, cependant, � d�autres domaines. En raison de la proximit� g�ographique, de l�h�ritage historique et d�une certaine communaut� linguistique. Pour les Etats-Unis d�Am�rique, la coop�ration s�curitaire, en effet, est essentielle. Autant la feuille de route strat�gique am�ricaine pour l�Alg�rie peut �tre, plus ou moins, d�crypt�e, autant celle de la France � l�Union europ�enne �tant � la tra�ne � reste ambigu�. Quelle est la politique arabe, m�diterran�enne ou africaine de la France ? L�h�ritage gaullien semble avoir �t� si peu pr�serv�. Dans le cas de l�Alg�rie, c�est l�accessoire qui transpara�t � travers une feuille de route trop marqu�e par une propension morbide � vouloir tout focaliser sur des objectifs mercantiles. Cette pr�occupation ressort, clairement, dans le c�ble diplomatique r�v�l� par Wikileaks portant sur l��change intervenu, en janvier 2008, entre les ambassadeurs fran�ais � Fran�ois Bajolet � et am�ricain � Robert Ford � � Alger. L��change ayant pour objet le troisi�me mandat de M. Abdelaziz Bouteflika, l�ambassadeur fran�ais, apr�s avoir insist� sur l�absence d�alternative � cette r��lection, pr�cisait, aussit�t, que, de toute mani�re, l�int�r�t strat�gique de la France en Alg�rie portait sur �la stabilit� �conomique et la croissance�. Il faut esp�rer, pour la France aujourd�hui, que M. Fran�ois Hollande apporte � la politique alg�rienne de son pays les inflexions majeures qu�il faut. D�essence strat�gique, naturellement. Cette tournure de l�entretien nous conduit, justement, � comparer l�expertise des Etats-Unis d�Am�rique et de la France pour ce qui concerne l�Alg�rie. L�expertise fran�aise sur l�Alg�rie continue-t-elle, � ce propos, d�impr�gner la perception am�ricaine ? L�influence fran�aise sur la perception am�ricaine de la situation en Alg�rie semble, d�sormais, moins forte. L�expertise fran�aise �tait, largement, mise � contribution comme source de documentation acad�mique, voire comme outil de r�f�rence pour la prise de d�cision politique. L�expertise fran�aise pr�sente l�inconv�nient de recourir � un prisme d�formant, celui de l�h�ritage colonial qui alt�re l�objectivit� de l�analyse scientifique. L�expertise fran�aise recourt, fr�quemment, � des pr�notions qui comportent un jugement d�valorisant sur la soci�t� alg�rienne. Les Etats- Unis d�Am�rique, pr�munis contre ce syndrome colonial, d�veloppent une approche moins id�ologique, plut�t empirique, qui permet d��viter les �cueils que rencontre l�expertise fran�aise. Les Etats-Unis d�Am�rique s�appuient pour l��valuation de la situation en Alg�rie, sur les c�bles diplomatiques, les rapports de renseignement � lors de la d�cennie noire jusqu�en 2000, ce sont, il est vrai, les services de renseignement fran�ais qui ont aliment� leurs homologues am�ricains � et les �tudes �labor�es par les think tanks. Il existe, d�sormais, aux Etats-Unis d�Am�rique de nombreux lieux de r�flexion et d�analyse d�di�s, sp�cialement, au monde arabe et musulman en g�n�ral. Certains de ces centres de r�flexion s�int�ressent, de mani�re plus marqu�e, au Maghreb et � l�Alg�rie. Il serait fastidieux d��num�rer la liste de ces centres et de ces experts que le professeur William Quandt a eu l�amabilit� de mettre � notre disposition. Signalons, cependant, �The American Institute for Maghrebian Studies (AIMS)�, fond� en 1984 et regroupant les experts am�ricains ou maghr�bins. AIMS qui publie Journal of North African Studies dispose d�antennes implant�es � Tanger (TALIM), Tunis (CEMAT) et Oran (CEMA). En somme, les Etats-Unis d�Am�rique disposent, d�sormais, de canaux d�information ind�pendants des r�seaux fran�ais ? Eloignons-nous, un moment, de l�aspect doctrinal et conceptuel de l�expertise am�ricaine sur la soci�t� alg�rienne. C�est avec amusement, � cet �gard, que j�ai lu sur la toile que des bloggeurs critiquaient la composition de la d�l�gation des repr�sentants de la soci�t� civile qui ont eu � rencontrer Mme Hillary Clinton lors de sa visite de f�vrier dernier � Alger. Lesdits bloggeurs reprochaient � la responsable am�ricaine d��tablir des contacts avec �une soci�t� civile pro-am�ricaine�, au sens d��lite artificielle coup�e des profondeurs de la soci�t� alg�rienne. Comme si l�ambassade des Etats- Unis � Alger pouvait commettre, par manque de perspicacit�, pareil impair. Il est probable que la composition restrictive de la d�l�gation re�ue par Mme Hillary Clinton avait, effectivement, les apparences d�une �lite BCBG. Ce serait se m�prendre sur le degr� de connaissance des profondeurs de la soci�t� alg�rienne par l�ambassade des Etats-Unis d�Am�rique � Alger. Contrairement � l�ambassade de France dont le r�seau de relations se confine � en r�gle g�n�rale � � l��lite francophone, l�ambassade des Etats-Unis d�Am�rique prospecte large, notamment au sein des �lites anglophone et arabophone. L�ambassade des Etats-Unis d�Am�rique � Alger est plus � l��coute des pulsions du pays profond. Elle entretient, par exemple, un contact, dynamique et permanent, avec les quartiers populaires et insalubres de la capitale, o� elle recrute personnels contractuels et vacataires. Vous semblez sugg�rer qu�il existe une face cach�e de la politique am�ricaine vis-�-vis de l�Alg�rie ? Tout naturellement. Imaginer que les Etats-Unis d�Am�rique se contentent des rapports officiels entretenus avec l�Alg�rie, c�est de la candeur. Les Etats-Unis d�Am�rique ne peuvent faire autrement que de se pr�parer � un bouleversement probable de la situation politique en Alg�rie. Sans qu�il ne s�agisse, forc�ment, de pr�cipiter ce bouleversement. Mais, pour verser dans le cynisme, disons que si le coup de pouce � cette �volution devenait n�cessaire, il existe le fameux mod�le de �R�volution pacifique� con�u par l�Am�ricain Gene Sharpe, auteur de l�ouvrage de r�f�rence From Dictator Schip to Democratie. Un mod�le largement exp�riment� dans les pays de l�Europe orientale. Ce mod�le comporte trois moments privil�gi�s. Premier moment, une campagne intensive de d�stabilisation psychologique de l�autocrate cibl� et de son entourage. Deuxi�me moment, une action soutenue de sensibilisation en direction des �lites politiques, sociales et culturelles du pays consid�r�. Troisi�me moment, la mise en �uvre d�un plan de contacts avec les chefs militaires et les responsables des services de s�curit� de ce m�me pays pour les convaincre d�adopter, pour le moins, une attitude de neutralit� face � une �ventuelle �R�volution pacifique�. Cela implique une immersion tous azimuts au sein de la soci�t�. Avec des applications qui varient selon les contextes sp�cifiques. Il est difficile d�imaginer, en effet, qu�une grande puissance comme les Etats-Unis d�Am�rique allait se suffire, en Alg�rie, de diplomatie apparente. Il est normal que les Etats-Unis d�Am�rique essayent de devancer les �v�nements pour en prendre, pr�ventivement, le contr�le. A plus forte raison lorsque la pr�servation des int�r�ts am�ricains, dans le pays consid�r�, l�exige. Vous avez affirm� que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika �tait redevable aux Etats-Unis d�Am�rique pour sa r��lection en 2004. Pouvez-vous �tayer cette affirmation ? Replongeons-nous dans le contexte d��poque, celui de 2004. Le pr�sident George Bush, qui venait de lancer le projet dit de �d�mocratisation du Grand-Proche- Orient�, avait rencontr� de vives r�sistances aupr�s de r�gimes potentiellement vis�s, ceux de l�Arabie saoudite, de l�Egypte et de la Tunisie. Ces pays-l� assimilaient le projet am�ricain � une ing�rence dans leur souverainet� nationale. La r�action am�ricaine fut prompte puisqu�il fut d�cid� de diff�rer, temporairement, la mise en �uvre de ce projet. En Alg�rie, paradoxalement, l��lection de M. Ali Benflis, principal concurrent de M. Abdelaziz Bouteflika, pr�sentait, dan ledit contexte, l�inconv�nient de pouvoir constituer l�exemple d�une ouverture d�mocratique r�ussie dans un pays arabe autocratique. De l��lection �ventuelle de M. Ali Benflis, pouvait r�sulter, alors, un effet d�entra�nement sur le monde arabe qui aurait forc� la main aux Etats-Unis d�Am�rique. Cette solution �tait d�autant moins acceptable que le pr�sident Abdelaziz Bouteflika semblait offrir, par rapport aux int�r�ts am�ricains, des engagements avec de s�rieuses garanties. De quels engagements s�agit-il ? Lib�ralisation de la l�gislation des hydrocarbures, d�nouement rapide du conflit du Sahara occidental et, enfin, participation d�termin�e au processus de paix au Proche-Orient lequel passe par la normalisation des relations avec Isra�l. Vous allez me contraindre � me livrer � des r�p�titions, ces engagements ayant d�j� �t� examin�s au cours de cet entretien. Mais pour l�utilit� p�dagogique, r�p�tons-nous. A propos de la loi sur les hydrocarbures, M. Abdelaziz Bouteflika, apr�s avoir tenu l�engagement de lib�ralisation, a fini, face � une forte pression interne, par se raviser. Tant que la manne financi�re que procure la vente des hydrocarbures met les pouvoirs publics � l�abri des pressions externes, le statu quo actuel pourra �tre pr�serv�. A propos du conflit du Sahara occidental, quoi que puisse avoir �t� la volont� M. Abdelaziz Bouteflika de favoriser le d�nouement de ce diff�rend, il a d� reculer, probablement, devant la r�sistance de l�institution militaire, particuli�rement des services de renseignement. Force est de constater, cependant, que l�activisme diplomatique traditionnel au profit de l�ind�pendance du Sahara occidental s�est dissip�. Sur le troisi�me point, le processus de paix au Proche-Orient, M. Abdelaziz Bouteflika, sans prendre d�initiative majeure, a gel�, de fait, les relations chaleureuses qui existaient entre l�Alg�rie et la r�sistance palestinienne. Pour s��tre abstenu de trop s�aventurer sur ce terrain, peut-�tre a-t-il mesur� l�hostilit� de l�opinion publique nationale pour tout rapprochement avec Isra�l ? Revenons � votre argumentaire sur la place de l�Alg�rie dans l�agenda des priorit�s am�ricaines. Pourquoi le changement de r�gime en Alg�rie ne serait pas une priorit� dans cet agenda ? Les Etats-Unis d�Am�rique ne pourraient, totalement, occulter la situation actuelle en Alg�rie. C�est certain. Ils ont conscience du potentiel d�exasp�ration de la population aussi bien que de l��tat d�obsolescence du r�gime. Simplement, les Etats-Unis d�Am�rique sont focalis�s, et pour cause, sur les �v�nements en cours en Syrie et sur l��volution des choses en Egypte. Dans le cas de la Syrie, une interf�rence directe de l�Iran dans la crise qui secoue ce pays pourrait pr�senter un risque d�embrasement gravissime du champ de th��tre op�rationnel que constitue, potentiellement, la zone concern�e. Dans le cas de l�Egypte, un casus�belli entre la hi�rarchie militaire et les Fr�res musulmans, majoritaires au Parlement et dans la vie politique nationale, pourrait provoquer une guerre avec Isra�l qui compromettrait, gravement, la stabilit� r�gionale. Les Etats-Unis d�Am�rique qui ne souhaitent pas faire face � plusieurs fronts, simultan�ment, peuvent-ils se permettre d�ouvrir un autre front au Maghreb, en Alg�rie, plus pr�cis�ment, alors que, � proximit�, la crise libyenne est loin d��tre r�sorb�e ? Improbable. Il appara�t plus urgent pour les Etats-Unis d�Am�rique de faire face aux menaces de grave d�t�rioration de la situation s�curitaire dans le Sahel et les pays limitrophes. Car, malgr� tout ce qui peut �tre dit sur le sujet, les Etats-Unis d�Am�rique, jusqu�� preuve du contraire, continuent de consid�rer que l�Alg�rie est un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme et pour le maintien de la s�curit� au Sahel. Ce qui pose probl�me, c�est moins la nature politique du r�gime alg�rien que la r�ticence de l�Alg�rie � accepter de se placer dans le m�canisme de s�curit� r�gionale que veulent instaurer les Etats- Unis d�Am�rique. Oui, dans la probl�matique des relations alg�ro-am�ricaines, c�est, actuellement, le paradigme s�curitaire qui domine. Mani�re d�tourn�e de dire que l�imp�ratif de d�mocratisation qui constitue, en apparence, le socle du projet du GMO n�est pas l�objectif essentiel dans la d�marche am�ricaine. Ce que, avec sa franchise de propos habituelle, pr�cisait l�ancien secr�taire d�Etat am�ricain, Henry Kissinger, ce 1er avril 2012 : �Pour les Etats, la doctrine de l�intervention humanitaire dans les r�volutions est soutenable seulement si elle est en adaptation avec le principe de s�curit� nationale.� En somme, vous sugg�rez que les Etats-Unis d�Am�rique feraient preuve de duplicit� dans leur d�marche vis-�-vis de l�Alg�rie� Se peut-il que les Etats-Unis d�Am�rique effacent de leur m�moire, avec autant de d�sinvolture, les p�rip�ties v�cues dans les pays arabes qui viennent de subir des bouleversements politiques de port�e historique ? Ces pays arabes o� de puissants dictateurs ont �t� chass�s du pouvoir ? A priori, m�me si les autorit�s alg�riennes se montraient complaisantes sur les questions de politique �trang�re, les Etats-Unis d�Am�rique ne sauraient leur accorder un blanc seing, en bonne et due forme, pour ce qui concerne la politique interne. Les formules relatives aux progr�s d�mocratiques dans le pays qu��noncent les responsables officiels am�ricains sont de pure circonstance. Peu importe que les autorit�s publiques alg�riennes les interpr�tent dans un sens extensif. Avez-vous pris la mesure des descriptions faites sur l��tat des lieux en Alg�rie par l�ambassadeur am�ricain Robert Ford ? �Un pays riche et un peuple malheureux.� C�est une formule qui a fait floril�ge. C�est un r�quisitoire implacable contre le r�gime alg�rien. Par une formule sibylline dont les diplomates gardent le secret, l�actuel ambassadeur am�ricain � Alger, Henry Ensher, laisse montrer qu�il n�en pense pas moins m�me si son langage est moins provocateur : �Lorsque nous (les Etats-Unis d�Am�rique) enregistrons l�opportunit� de changement d�un r�gime non d�mocratique vers une r�elle d�mocratie, nous la saisissons pour soutenir cette d�mocratisation.� Dans le m�me ordre d�id�es, rappelons l�exercice p�dagogique, d�apparence amusante, auquel s�est livr�e Mme Hillary Clinton lorsqu�elle a re�u les repr�sentants de la soci�t� dite civile � l�ambassade am�ricaine � Alger. Elle avait �voqu� �un tabouret � trois pieds. Le premier pied, c�est un gouvernement responsable, efficace et qui rend compte � son peuple. Le deuxi�me pied, c�est un secteur priv� dynamique ouvert sur le monde et capable de cr�er des emplois et des opportunit�s �conomiques pour son peuple. Le troisi�me pied, enfin, la soci�t� civile � des personnes comme vous et moi � qui �uvrent � am�liorer la vie de leurs compatriotes�. Il ne faut pas �tre grand clerc pour comprendre qu�elle voulait, implicitement, mettre en relief les retards accumul�s par l�Alg�rie dans la mise en �uvre d�une soci�t� vraiment d�mocratique. La �Real politik� repose, aussi, d�sormais, sur l�in�luctabilit� de l��volution d�mocratique des soci�t�s soumises � des r�gimes autocratiques. Quel pronostic pourriez-vous, finalement, formuler � propos de l��volution des relations alg�ro-am�ricaines ? Nous voil� au centre de la probl�matique du dialogue strat�gique alg�ro-am�ricain. L�Alg�rie ne peut organiser son avenir en occultant le r�le essentiel que les Etats-Unis d�Am�rique jouent sur l�ar�ne internationale, c�est une �vidence. Dans le m�me ordre d�id�es, les Etats-Unis d�Am�rique ne sauraient n�gliger le poids, m�me relatif, de l�Alg�rie en termes de potentiel �conomique, de richesses humaines, de rayonnement r�gional possible et de capacit� de support � une politique dynamique de s�curit� r�gionale. Bref, il existe, du c�t� alg�rien comme du c�t� am�ricain, une volont� de consolider les rapports actuels mais, de part et d�autre, �galement, il existe une certaine raideur. Le meilleur t�moignage de cette raideur, c�t� alg�rien, c�est le refus, clairement affich�, � recevoir l�Africom sur le territoire alg�rien. A tenir compte de la fin av�r�e de la guerre froide et de l��chec consomm� du non-alignement, le renforcement des relations alg�ro-am�ricaines appara�t, n�anmoins, comme une perspective incontournable. La perspective de voir les relations entre l�Alg�rie et les Etats-Unis d�Am�rique se hisser au niveau strat�gique, ce n�est ni un mal absolu, ni un bien absolu. Les Etats- Unis d�Am�rique, contrairement � l�Alg�rie, disposent, probablement, d�une feuille de route de port�e strat�gique. Cette feuille de route subit des adaptations, de mani�re pragmatique, en fonction de l��volution de la conjoncture en Alg�rie. Comment, cependant, pourraient �voluer, � court et moyen terme, les relations alg�ro-am�ricaines ? Deux sc�narios peuvent �tre envisag�s qui constituent, l�un et l�autre, une solution extr�me qu�il serait souhaitable de r�cuser. Premi�rement, c�est la solution du raidissement pathologique des autorit�s alg�riennes � l�endroit du renforcement de la coop�ration avec les Etats-Unis d�Am�rique, non pas tant pour des consid�rations id�ologiques, que pour ne pas �tre engag� par un co�t politique connexe excessif. Deuxi�mement, c�est la solution de la soumission totale des autorit�s officielles alg�riennes � l��gard des Etats-Unis d�Am�rique, notamment pour ce qui touche aux domaines s�curitaire et diplomatique, soumission qui serait une prime � verser pour garantir une caution internationale au r�gime en place. C�est entre ces deux solutions qu�il faut prospecter un sc�nario qui permette l��tablissement d�une relation strat�gique entre les Etats-Unis d�Am�rique et l�Alg�rie sans porter atteinte aux int�r�ts vitaux de l�un ou l�autre pays. Il faudrait, dans ce contexte, que la conduite de la diplomatie alg�rienne r�ponde � la d�fense des int�r�ts sup�rieurs de l�Alg�rie pas � la sauvegarde d�int�r�ts restreints d�un clan ou d�un p�le de pouvoir. S�il faut c�der � l��motion, rappelons, volontiers, l�envol�e du pr�sident Joseph Fitzgerald Kennedy ce 2 juin 1961 : �Chers compatriotes am�ricains, ne demandez pas � votre pays ce qu�il peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui.� Puisse �merger, dans notre pays, ce leader alg�rien capable de s�adresser, ainsi, � son peuple : �Un partenariat strat�gique alg�ro-am�ricain est possible, � condition qu�il ne porte pas pr�judice aux int�r�ts vitaux de l�Alg�rie.� M. B.