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L�ENTRETIEN DE LA SEMAINE DOCTEUR MOKHTAR SBIA, NEUROLOGUE, � SOIRMAGAZINE :
�En Alg�rie, cette forme d��pilepsie n�a encore jamais fait l�objet d�une quelconque �tude ni enqu�te�
Le docteur Mokhtar Sbia, sp�cialiste en neurologie, exerce � Oran depuis de nombreuses ann�es. Il est l�auteur d�int�ressants travaux de recherche, dont l�un consacr� � l�enfant hyperactif. Le dernier travail en cours, relatif � l��pilepsie temporale, a abouti � des r�sultats �tonnants et qui illustrent surtout la (presque) totale m�connaissance de cette maladie en Alg�rie. Le diagnostic tr�s s�r, qu�il fait dans cet entretien, aidera � mieux se familiariser avec cette pathologie. Soir magazine : L��pilepsie temporale, maladie fr�quente, reste n�anmoins mal connue en Alg�rie. Comment en �tes-vous arriv� � d�fricher ce terrain ? Mokhtar Sbia : A notre connaissance, cette forme d��pilepsie n�a encore jamais fait l�objet d�une quelconque �tude ni enqu�te dans notre pays. L�attention des professionnels de la sant� n�a pas �t� attir�e. Ce manque d�int�r�t est peut-�tre d� au tableau clinique �pars que pr�sente cette affection neurologique chronique. Pour notre part, nous avons �t� mis sur la voie au cours de notre enqu�te �pid�miologique prospective et descriptive intitul�e �Angoisse, troubles sexuels et violence�, r�alis�e � Oran de 2005 � 2011, avec reprise d�anciens dossiers. Les r�sultats de cette enqu�te ont permis de mettre en �vidence une fr�quence �lev�e de l��pilepsie temporale. Sur une s�rie de 5 000 malades o� sont inclus tous les sujets, sans distinction d��ge ni de sexe, et qui viennent consulter en neurologie pour diff�rentes affections, nous avons ainsi recens� 300 cas d��pilepsie temporale, dont 65% sont de sexe f�minin et 45% de sexe masculin. Cela donne un pourcentage de 6% environ sur cette s�rie de patients. Il est utile de rappeler que l��pilepsie temporale est la plus fr�quente des formes d��pilepsie, avec une pr�valence de 30%. La litt�rature internationale parle d�une fr�quence de l�ordre de 1% parmi la population g�n�rale. Un taux qui, en extrapolant, nous indiquerait le chiffre de 400 000 malades en Alg�rie. Le nombre de malades est donc tr�s �lev�. Tous ces cas ont-ils �t� diagnostiqu�s ? A la lumi�re des donn�es dont nous disposons et vu le nombre croissant de cas relev�s dans toutes les tranches d��ge, qu�il nous soit permis de supposer une fr�quence bien plus �lev�e. Autre hypoth�se ou piste de recherche : les germes h�r�ditaires de 132 ans, plus 50 ans de violence et de peur chez les Alg�riens, ce qui pose la probl�matique de la fr�quence de l��pilepsie temporale. De nos jours, la violence continue de prendre de l�ampleur sans que l�on sache comment la g�rer, y compris dans les soci�t�s nanties. L��chec scolaire, la toxicomanie, la violence conjugale, les conflits professionnels, le suicide, le ph�nom�ne des harraga, les visites chez les voyantes, etc., brouillent les pistes et retardent le diagnostic et le traitement qui l�accompagne. Le diagnostic reste � nos jours d�cevant. Quels sont les sympt�mes de la maladie ? Le lobe temporal contr�le les �motions et la m�moire. Le fait d�avoir retrouv� des signes apparemment banaux, mais significatifs du tableau clinique de l��pilepsie temporale nous a amen� � la rechercher syst�matiquement chez nos patients dans un deuxi�me temps de notre enqu�te. Dans cet ordre d�id�es, nous avons identifi� quelques signes r�currents tels que les c�phal�es (t�te qui va exploser), la peur, l�agressivit�, la violence familiale, les hallucinations (ombre qui passe), les palpitations cardiaques, les douleurs abdominales, les troubles d�anxi�t�, les plaintes multiples... Et cela sans oublier les signes communs, d�j� connus de cette maladie qui se caract�rise par une grande richesse symptomatique. Parmi les manifestations visc�ro-sensitives : pesanteur �pigastrique, hypersalivation, hallucinations gustatives et olfactives, claquement de langue, constriction thoracique, g�ne respiratoire, sensation de chaleur ou de froid... Nous avons aussi les manifestations perceptives et sensorielles dont des distorsions, la d�personnalisation et la d�r�alisation, la sensation de se trouver loin, des hallucinations (ombre qui passe...), impression de d�j�-vu, d�j�-v�cu... Sans oublier les manifestations �motionnelles ou affectives (sentiments de peur, d�anxi�t�), les automatismes, les troubles du langage (aphasie) et de l�humeur (euphorie), les manifestations de la pens�e (forc�e) et de la m�moire (oublis fr�quents). Les manifestations v�g�tatives se traduisent, elles, par la p�leur, la rub�faction de la face, la tachycardie, la sudation, un �tourdissement, etc. Tout cela pour souligner que c�est une maladie qui se caract�rise par une grande richesse symptomatique. La sensation d�avoir la t�te qui va �clater ou d�entendre des bruits de machines est fr�quente dans 70% des cas, chez les personnes �g�es de plus de 60 ans. Les autres signes les plus fr�quemment relev�s sont l�agressivit�, le d�j�-vu, se sentir �loign� de la r�alit�... N�y a-t-il pas aussi un d�ni des signes cliniques et qui cacherait la maladie ? La fr�quentation de voyantes et autres rakis et le recours � l�exorcisme confirment notre hypoth�se quant au pourcentage r�el des cas. Une hypoth�se qui n�cessite d��tre mieux �tudi�e. Voici ce que nous a confi� l�une de nos patientes : �Chez le raki, toutes les femmes pr�sentent des plaintes identiques aux miennes.� Il faut d�j� relever que les femmes se sentent moins seules et semblent mieux supporter leur maladie parce qu�elles se livrent plus facilement entre elles et se soutiennent mutuellement. Les hommes, au contraire, restent discrets sur leurs troubles et bon nombre d�entre eux entrent souvent dans la toxicomanie. Les femmes trouvent un soulagement temporaire chez le taleb, et ce n�est g�n�ralement qu�en fin de parcours qu�elles consultent le m�decin. A propos de d�ni des signes cliniques, il faut dire que les malades en consultation exposent rarement les sympt�mes de l��pilepsie temporale. Le tableau n�est jamais complet, si bien que nous devons leur soutirer les informations. Il y a m�me des patients qui r�pondent par la n�gative, car ils sont persuad�s que leurs troubles sont communs et partag�s par tout le monde. Isol�es dans une maladie qu�elles n�arrivaient pas � d�finir, ces personnes ont majoritairement fr�quent� talebs et rakis de longues ann�es durant. Le d�ni cache la maladie. L�ignorance de cette pathologie et surtout le fait de ne pas savoir comment l�exprimer font que les gens ne viennent pas dire par exemple : �Docteur, j�ai des c�phal�es et des hallucinations, je vois une ombre qui passe, je ressens une impression de d�j�-vu...� Aussi, pour les aider � bien formuler les sensations d��tranget� qu�ils ignorent, il est n�cessaire qu�ils aient plusieurs entretiens avec le m�decin. Cela explique d�ailleurs leur d�ception apr�s la visite chez le psychologue ou le m�decin, ces derniers n��tant g�n�ralement pas initi�s � la s�miologie de cette forme encore mal connue d��pilepsie. Le r�sultat, c�est le recours aux charlatans. Pourtant, il suffit que le malade se plaigne et fasse part de signes cliniques... Nous avons constat� un ph�nom�ne assez particulier : les signes cliniques n�envahissent pas le malade de mani�re soudaine. Cela suppose que la crise temporale et l�apparition des signes d�crits n�apparaissent pas ensemble, ce qui bien �videmment aurait attir� l�attention du malade pour aller se plaindre. Il ressort un d�calage dans le temps et dans l�espace des signes cliniques et m�me une latence dans leur apparition. Par exemple, le malade peut pr�senter certains de ces signes quelques ann�es plus tard, qu�il banalise ou met sous l�effet de la fatigue. Ainsi, il n�arrive pas � grouper l�ensemble de ses troubles. Dans la plupart des cas, les crises temporales n�ont jamais �t� confi�es par le malade. Un tel comportement confirme, � notre sens, que l��pilepsie temporale est rarement constitu�e de crises r�p�titives st�r�otyp�es, mais se caract�rise par des manifestations symptomatiques diverses. Quelle a �t�, pour vous, la difficult� du diagnostic ? La difficult� du diagnostic, au d�but, �tait due au fait que nous nous attendions � des tableaux complets et surtout, comme il est admis, � l�existence de tableaux constitu�s de crises r�p�t�es et st�r�otyp�es. Ce n��tait pas le cas. L�EEG �tait alors, � 90%, le moyen le plus fiable pour �tablir un diagnostic. C�est d�ailleurs gr�ce � cet examen que notre attention avait �t� attir�e pour constater l�ampleur de cette pathologie, surtout que l��pilepsie temporale ne figurait pas dans notre protocole de recherche initial. Aujourd�hui, notre travail est suffisamment avanc� pour d�tecter les signes principaux d�approche au diagnostic. Nous, nous suffisons de quelques sympt�mes cliniques plus un EEG paroxystique. Le traitement neurologique d�bute par les anticonvulsivants habituels : la carbamaz�pine et le valproate de sodium. La dur�e moyenne du traitement s��tale de 12 mois � 3 ans. Je peux dire que la th�rapie avait entra�n� une �volution positive, voire spectaculaire, peu apr�s ou au bout de quelques mois de traitement. Rectificatif Dans notre �dition du samedi 3 novembre et dans la page �L�entretien de la semaine�, une malencontreuse erreur commise par l�auteur de l�article a d�form� le nom du docteur phytoth�rapeute. Il fallait lire �Le docteur Bessaou Lhacen� au lieu de �Sebbaou Lhacen�.