Par Arezki Metref [email protected] Aujourd�hui, 13 janvier, c�est un anniversaire. Le 20e de la mise en kiosque du 1er num�ro de Ruptures, dat� du 13 au 19 janvier 1993 ! Il avait �t� imprim� la veille, le 12 janvier, une journ�e ensoleill�e, autant que je m�en souvienne. Au si�ge du journal, au 6 rue du 19-Mai, � Alger, nous �tions tous excit�s. Sur les coups de midi, nous nous rend�mes � l�Imprimerie du Centre, au Caroubier. Il y avait l�, si ma m�moire est bonne, Abdelkrim Dja�d, Tahar Djaout, Nadjib Stambouli, Ma�chou Blidi, Malek Bellil, Jamel Moknachi, Arezki A�t Larbi et moi-m�me. Nous �tions impatients de voir le journal surgir des rotatives, consacrant des mois de pr�paration et inaugurant un cycle que l�on ne pouvait deviner bref et dramatique. Je me souviendrai toujours de l��motion qui nous a �treints lorsque le premier num�ro sorti encore tout chaud des rotatives circula de main en main. Quelques-uns d�entre nous avaient roul� leur bosse dans la presse publique, particip� � la fondation de journaux, peut-�tre � plusieurs reprises, cela n�emp�chait pas que soit particuli�re l��motion ressentie � la parution de Ruptures. Ce que, � nos yeux, ce journal avait de diff�rent par rapport � nos exp�riences ant�rieures, c�est que personne ne nous avait rien impos�. Nous avions pris la libert� et le risque de le penser et de le r�aliser de bout en bout. Nous l�avions cr�� avec nos propres moyens, con�u jusqu�au dernier d�tail intellectuel et graphique. Nous avions pouss� le luxe, si l�on ose dire, Abdelkrim Dja�d, Tahar Djaout et votre serviteur, qui en �tions les �associ�s�, jusqu�� nous choisir les journalistes. Nous leur avons demand� de faire �quipe avec nous et, �a tombait bien, ils nous avaient choisis aussi. Routiers de la presse publique, nous �tions tous pass�s par des �quipes h�t�rog�nes o� nous n'avions pas toujours trouv� notre place. C�est pourquoi, en d�cidant de fonder Ruptures, nous avions tenu � travailler dans la complicit� amicale. Nous y voil� : le credo du journal �tait simple. La motivation aussi. Nous voulions confectionner l�hebdomadaire que nous aurions aim� lire nous-m�mes et qui n�existait pas sur la place. Nous avions en commun beaucoup de choses. Nous �tions tous attach�s � la la�cit� et, � raison suspicieux � l�endroit du pouvoir de l��poque (appuy� sur la �famille qui recule�). Nous tenions en estime le travail intellectuel, la r�flexion, la n�cessit� d�interroger jusqu�aux tabous. La culture est un �l�ment de changement fondamental : nous en �tions persuad�s. Et puis, beaucoup d�entre nous avaient de l��criture journalistique une vision esth�tique. Il nous importait qu�en plus d�informer et de faire r�fl�chir, un article de presse f�t bien �crit. Un mot sur l��quipe qui a r�alis� ce premier num�ro. Il y avait notre ami Nadjib Stambouli, compagnon d� Alg�rie Actualit�, sans qui un hebdomadaire de qualit� ne pouvait se concevoir, Ma�chou Blidi, lui aussi ancien d� Alg�rie Actualit�, la plume qui arrive � donner aux s�ches analyses de politique internationale l�onctuosit� de l��pop�e, Jamel Moknachi, le po�te et journaliste, de retour alors d�un exil de 30 ans, Arezki A�t Larbi, maquisard du journalisme, pr�t � tout risquer pour la v�rit� et les principes, Malek Bellil, un nouveau venu dans la profession mais d�j� un talent litt�raire ind�niable et une sensibilit� � fleur de peau. Des plumes au talent prouv� tenaient, pour ce premier num�ro, chronique � Ruptures : Ali Benouari, ancien ministre, � l��conomie, l��crivain Rachid Boudjedra � la politique et Sa�d Mekbel � la soci�t�. Enfin, des collaborateurs de talent aussi : l��crivain et universitaire Mohamed Souheil Dib, l��conomiste Tahar Goufi, les journalistes Farid Abache et Mohamed Nadhir Seba� et le journaliste et �crivain Abdelkader Djema�. A la photo, on pouvait compter sur notre ami Sid-Ali Djenidi et Lounis Dahmani s�occupait de la caricature. D�s les num�ros suivants, l��quipe allait �tre renforc�e de Djouher Moussaoui et Le�la Hamel. Par la suite, il y aura des bouleversements, notamment apr�s le d�c�s de Jamel Mokhnachi et, �videmment, apr�s l�assassinat de Tahar Djaout en mai. Pour l�heure, on en �tait encore � savourer la parution de ce premier num�ro qui donnait le ton. Ruptures sera un hebdomadaire qui assumera le d�fi de situer la r�flexion au niveau idoine et qui apportera, nous �tions d�cid�s � faire ce qu�il fallait pour, les aliments en mati�re d�information et d�analyse aux cat�gories de la population exclues des projets journalistiques : les classes moyennes. Nous voulions toucher les centaines de milliers d�enseignants de tous niveaux, le corps m�dical et param�dical, les travailleurs de la Fonction publique de tous niveaux hi�rarchiques ou de situations g�ographiques, les �l�ves des lyc�es et les �tudiants� Nous ambitionnions de donner, dans le temps m�me o� nous les acqu�rions pour eux, � tous ces lecteurs potentiels, jusqu'alors orphelins d�un journal qui leur serait sp�cifiquement destin�, quelques cl�s pour d�chiffrer le pays, avec ses silences et ses tabous, ses secrets et ses sinuosit�s, et le monde. Bien avant que le journal paraisse, les rumeurs les plus folles agitaient le landernau : �C�est l�hebdo des g�n�raux �, r�pandaient les uns, �Non, c�est celui du RCD�, r�torquaient les autres. Et j'en passe... Ce qui nous avait contraints � confier � Tahar Djaout, auteur de la lettre de l��diteur parue dans ce premier num�ro, la t�che d�une mise au point. Il dira que Ruptures �tait publi� par la Sarl Espoir (oui, c�est ainsi qu�on l�avait nomm�e !), dont Abdelkrim Dja�d �tait actionnaire et g�rant et Tahar Djaout et moi-m�me actionnaires. Tahar Djaout pr�cisera bien qu�il n�y avait personne et rien derri�re. Le num�ro 1 rencontra tout de suite un franc succ�s. Nous en �tions combl�s. Par la suite, le rythme allait monter crescendo jusqu�� ce que cet odieux assassinat visant Tahar Djaout nous d�structure avant d�entra�ner la cessation de parution. Aujourd�hui encore, beaucoup de lecteurs nous font savoir qu�ils le regrettent. C�est pourquoi, lors d�une conversation r�cente avec Abdelkrim Dja�d, nous nous �tions demand�s si, au cours de cette ann�e 2013, il ne fallait pas le relancer. Chiche...