[email protected] Ce n'est pas de la science- fiction ! La machine � remonter le temps existe, et elle fonctionne l� sous nos yeux avec de dr�les d'accoutrements et des d�marches �tudi�es. Il y en a m�me qui croient qu'en marchant d'une certaine fa�on, on facilite la croissance de certaines parties du corps, sollicit�es par le regard ou par le contact. La machine � remonter le temps est de cr�ation r�cente, elle est venue apr�s, bien longtemps apr�s la machine � perdre, invent�e par les anc�tres int�gristes. Comme dans les technologies avanc�es, la machine � perdre se mettait en route automatiquement d�s la fermeture des portes. Personne ne pouvait plus en sortir, mais y entrer �tait possible, et m�me vivement souhait�, quant � en repartir, comme si c'�tait un moulin... Ensuite, il n'y avait qu'� s'installer tranquillement et regarder par d'�pais hublots les infortun�s qui s'acharnaient � trouver des solutions, qu'on n'avait pas besoin de chercher, puisqu'elles �taient d�j� dans le Livre. Pour la machine � remonter le temps, les choses se sont av�r�es plus compliqu�es pour certains : en voulant revenir � une �poque mythique, ils se sont retrouv�s l� o� personne ne voulait plus �tre. � force de vouloir vivre hors de son �poque, on s'expose � se retrouver avec Abou-Soufiane, le chef du clan anti-Islam, contre le futur khalife Omar. Ceci, pour les int�gristes na�fs et pas tr�s intelligents comme l'�taient (le sont) ceux qui v�n�raient jadis le charlatan y�m�nite Zendani. Ceux-l� qui l'accueillaient comme l'un des plus grands savants de notre �re, simplement parce qu'il adaptait en arabe des documentaires de vulgarisation scientifique anglais. Il y a dans cette tribu int�griste des gens plus intelligents, des g�nies du mal, qui savent attendre le bon moment pour frapper, eux aussi utilisent la machine � remonter le temps, mais � bon escient, si l'expression est de mise. Il y a treize ans, en �gypte, Mohamed Abbas, un m�decin radiologue et illumin�, reconverti en pr�cheur, d�clenchait une campagne de haine et d'anath�mes contre un auteur et son livre, paru dix-sept ans plus t�t. Il s'agissait du roman Un Festin pour les algues de mer(1), publi� en 1983 par l'�crivain syrien Ha�dar Ha�dar, et dont l'action se passait dans l'Alg�rie des ann�es 1970. C'est durant cette p�riode que l'�crivain avait exerc� comme enseignant en Alg�rie, � Annaba pr�cis�ment, ce qui montre qu'il y avait des exceptions � la r�gle : que le Moyen- Orient ne nous envoyait pas seulement des nuls et des ignares parlant arabe. Un Festin pour les algues de mer n'avait pas connu le succ�s populaire qu'il m�ritait, mais il avait attir� l'attention et suscit� l'admiration des critiques arabes. C'est ce qui a pouss� d'ailleurs des responsables du livre en �gypte � r��diter le roman, sans prendre en consid�ration les r�alit�s et les luttes qui agitaient le pays de Moubarak, � cette p�riode. Averti par l'un de ses amis, journaliste et bien-pensant comme lui, Mohamed Abbas lit le roman en diagonale, et d�couvre tout de suite l'immense avantage qu'il peut en tirer pour sa cause. Reprenant des phrases des personnages du roman(2), extraites de leur contexte et m�me en manipulant la ponctuation, le pr�cheur d�cr�te que le livre porte atteinte � l'Islam. Il fait tant et si bien qu'il mobilise tous les �tudiants et professeurs d'Al-Azhar qui n'en demandaient pas tant et qui d�clenchent des manifestations de rues. Bien entendu, aucun de ces manifestants qui r�clamaient la mort de l'apostat Ha�dar Ha�dar n'avait lu son livre(3). Ceci, pour la simple raison qu'il n'avait pas �t� mis encore sur le march�, et que le seul exemplaire disponible �tait entre les mains du fomentateur, qui a pr�f�r� en livrer sa propre lecture. Toujours est-il que le pouvoir a c�d� face � la rue, le livre a �t� interdit, en application d'une fatwa d'Al-Azhar, et le bouc �missaire, Ali Abou-Chadi, le directeur des �ditions d'�tat en l'occurrence, a �t� limog�. Prenant acte de ce recul des autorit�s, il avait eu ces paroles proph�tiques : �Je crains qu'en c�dant ainsi devant l'obscurantisme, la lumi�re ne finisse par dispara�tre. � Si je vous ai racont� tout ceci, c'est parce que la campagne men�e actuellement contre une ministre de la R�publique, Khalida Toumi (4) en l'occurrence, me rappelle le m�me dessein et selon le m�me mode op�ratoire. Comme les accusations contre sa gestion du minist�re de la Culture ne semblent pas rencontrer d'�cho, on va agir autrement, l'attaquer l� o� �a risque de faire mal � ceux qui l'ont nomm�e � ce poste. Alors, on ressort des extraits, m�ticuleusement choisis, d'un vieux livre d'entretiens, paru aussi il y a dix-sept ans (1995), dans lequel Khalida se lib�rait d'un fardeau �prouvant, alourdi par les ann�es de violence islamiste. Et c'est paradoxalement en �gypte qu'ils sont all�s chercher la bonne r�f�rence, avec le journal Al- Mashad, fond� par l'ancien porte-parole des r�volutionnaires de la place Al-Tahrir, Magdy Shendi. Comme l'attaque, ou coup de Jarnac islamiste, est dirig�e non pas contre la ministre, dont je suis tr�s �loign�, mais contre l'opposante f�ministe que j'estimais et appr�ciais. Et pardon de me sentir concern�, par ricochet, car il s'agit bien de cela : �Toucher deux oiseaux avec une seule pierre�, comme ils disent. Je crains surtout que de telles attaques ne servent de point de d�part � une campagne plus large contre les gens qui ne sont pas dans la ligne wahhabite. Quant aux hypocrites de nos amis qui jouent les horrifi�s, en faisant semblant de les d�couvrir pour la premi�re fois, je me bornerais � paraphraser l'injonction de J�sus-A�ssa aux lapidateurs : �Que celui d'entre vous qui n'a jamais pens� comme Khalida, et � ce moment-l� pr�cis�ment, lui jette la premi�re pierre !� Et je ne parle pas seulement de ses id�es sur la pri�re et sur le p�lerinage, savamment exploit�es, hors de leur contexte, comme pour Ha�dar Ha�dar, qui doit se faire tout petit actuellement, s'il est encore en vie. A. H. (1) Je ne sais pas s'il est de bon ton de remercier ce fou furieux qui m'a fait d�couvrir, en son temps, un auteur et un livre que je ne connaissais pas. (2) Le roman arabe �tant de tradition r�cente, tout comme son lectorat, il est facile de d�cr�ter qu'un personnage qui tourne en d�rision la ferveur religieuse ne fait qu'exprimer l'opinion de l'auteur. Ce qui n'est pas toujours vrai, mais en �Absurdistan�� (3) Dix ans auparavant, le penseur Farag Fodda avait �t� assassin� par un groupe islamiste dont aucun membre n'avait lu ses livres ou ses �crits. Au proc�s, l'imam Ghazali avait justifi� le crime et accord� l'absolution aux criminels. L'un d'eux a m�me affirm� r�cemment que si c'�tait � refaire, il le referait. (4) Voir le commentaire que j'ai laiss� sur la page du journal Al-Mashad (http://www.facebook.com/ahm ed.halli1)