La Russie a jeté un véritable pavé dans la mare, si trouble du reste, de la crise syrienne. Son ambassadeur à l'ONU, Vital Tchourkine, a publiquement et de la manière la plus solennelle accusé «l'opposition syrienne» de recourir à l'usage d'armes chimiques dans le conflit qui déchire le pays depuis plus de deux ans. Cette sortie de Moscou risque de constituer un tournant majeur dans l'affaire syrienne. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) Le représentant de la Russie affirmait ainsi jeudi, devant la presse, que son pays détenait des preuves que ce qu'on appelle l'opposition syrienne a eu recours, au moins une fois, à l'utilisation du gaz sarin contre l'armée syrienne. Le gaz sarin est une substance chimique de synthèse. Elle est tellement toxique, même à dose infinitésimale, qu'elle constitue, avec quelques autres substances de la même veine, la hantise, le cauchemar même de tous les services de renseignement dans le monde. Le sarin peut ainsi décimer des populations entières en un rien de temps. D'où la gravité de cette révélation de Moscou. C'est d'autant plus inquiétant que pendant ce temps, l'on s'entête de l'autre côté, à savoir à Washington, Londres et Paris à magnifier cette «opposition», soutenue politiquement, militairement et financièrement via le Qatar et la Turquie. Le diplomate russe accrédité auprès de l'ONU ira plus loin encore en attribuant à cette même opposition l'attaque à l'arme chimique qui a ciblé l'armée syrienne, en mars dernier à Khan Al Assal et qui a fait 16 morts parmi les militaires. Ce à quoi Washington s'était empressé de répondre en démentant et en attribuant à l'armée régulière syrienne ce genre d'attaques contre «l'opposition». Mais Vitali Tchourkine reste imperturbable : «Nos collègues occidentaux tentent de produire le maximum d'accusations contre Damas avec le minimum de crédibilité afin, semble-t-il, de créer un maximum de problèmes.» Plus violent encore, le représentant de Poutine à l'ONU qualifie ces mêmes tentatives d'attribuer à l'armée syrienne l'attaque qui a tué 16 parmi ses propres soldats de «théorie naïve» et de «scénario bizarre». Avant d'enfoncer le clou en affirmant que des experts russes, dépêchés sur place, ont prouvé que le gaz sarin utilisé lors de cette attaque ainsi que les munitions étaient de fabrication artisanale. Ce qui signifie clairement que cela émanait du sein de «l'opposition». Il affirme par ailleurs que Moscou a officiellement envoyé ces preuves à Washington, Londres et Paris. Cette vigoureuse intervention russe intervient également au lendemain du veto du Sénat ainsi que de la Chambre des représentants américains, exprimé à Barack Obama mercredi et qui proposait d'armer «l'opposition syrienne». Une opposition syrienne qui, outrageusement dominée par les islamistes, fait craindre le pire au pays des phéniciens. Dans l'anarchie d'une ravageuse guerre civile dans laquelle est plongée la Syrie, le pire est à craindre, non seulement pour le pays mais pour toute la région du Moyen-Orient et même du monde. Car si Bachar Al Assad s'allie ouvertement avec l'Iran mais surtout le Hizblollah, «l'opposition syrienne», elle, le fait carrément avec Al Qaïda. Dans ce décor d'apocalypse annoncé, l'apparition dans le conflit d'armes de destruction massive ne peut qu'accroître les inquiétudes. Le scénario catastrophe en cours dans l'ensemble de la région du Sahel consécutivement à la chute de Kadhafi est en train de menacer de se répéter au Moyen-Orient si rien n'est fait pour arrêter le soutien obstiné à «l'opposition syrienne».